Un producteur de matières premières est victime d’une panne électrique qui affecte l’ensemble du site de production et entraîne l’arrêt de l’unité d’exploitation. Il informe alors ses acheteurs que ce qu'il tient pour un cas de force majeure entraînera une augmentation du prix des produits restant à livrer.
La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) considère qu’une telle pratique peut entraîner la responsabilité du fabricant pour soumission à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (C. com. art. L 442-1, I-2° ; ex-art. L 442-6, I-2°).
Elle rappelle d’abord que cette disposition autorise un contrôle judiciaire du prix (Cass. com. 25-1-2017 n° 15-23.547 FS-PB : BRDA 4/17 inf. 17).
S’agissant des deux éléments constitutifs de cette pratique abusive, la CEPC rappelle que l’élément de soumission consiste, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation, dans le fait d’imposer ou de tenter d’imposer une obligation sans possibilité de négociation. Tel pourrait être le cas lorsque le fournisseur menace son client de ne plus l’approvisionner si ce dernier n’accepte pas une augmentation du prix précédemment fixé d’un commun accord.
S’agissant du second élément relatif à l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la CEPC observe que l’augmentation tarifaire sollicitée ne paraît ni être assortie d’une contrepartie ni répondre à une justification ou à un motif légitime. Or, dans le cas d’un déséquilibre tarifaire, il importe, selon la cour d’appel de Paris (CA Paris 23-5-2013 n° 12/01166), d’examiner si les « conditions commerciales (sont) telles que (le partenaire) ne reçoit qu'une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce qu'il donne ». Au cas particulier, les éléments communiqués à la Commission ne lui permettaient pas de prendre position sur ce point.
A noter : 1. Il résulte de cet avis que l’élément de soumission peut consister en la menace de rupture de la relation commerciale en vue d’obtenir des conditions de vente manifestement abusives. Sous l’empire du régime antérieur à l’ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019 ayant écourté la liste des pratiques abusives de l’ancien article L 442-6 du Code de commerce, constituait une telle pratique le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale, totale ou partielle, des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant notamment les prix (art. L 442-6, I-4°). Le rapport au président de la République ayant accompagné la publication de l’ordonnance souligne que la suppression des pratiques commerciales plus ciblées n’implique pas que ces pratiques deviennent licites ; elles ont vocation à être appréhendées sur le fondement des règles générales maintenues et étendues dans leur champ d’application. Le cas décrit dans l’avis de la CEPC en est un exemple.
2. Comme l'a précisé la CEPC, l’appréciation à porter pour identifier un éventuel déséquilibre significatif d’ordre tarifaire se rapproche de celle requise en application de l’article L 442-1, I-1° du Code de commerce qui appréhende l’avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie (Avis CEPC n° 17-3 du 19-1-2017, rendu sur le fondement de l'ex-art. L 442-6, I-1° mais transposable).
Dominique LOYER-BOUEZ
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence consommation n° 85054 et 85060