Le décès de Johnny Hallyday, artiste qui n’aura, pendant sa longue carrière, laissé personne indifférent a, pendant quelques jours, mobilisé l’attention et réuni, dans un beau consensus, sa famille et les Français derrière son cercueil.
Chapeau l’artiste ! C’est assez rare.
Cette unanimité, hélas, fut de courte durée. Voilà qu’on a appris qu’il aurait « déshérité » une partie de sa progéniture au profit de son dernier conjoint et de ses deux enfants adoptifs.
Puis « qu’il y aurait eu des donations consenties en France »…
Cette fois, le diable est lâché et les commentaires sont allés et vont bon train dans la presse, sur les écrans de télévision et les réseaux sociaux.
Et chacun d’y aller de son interprétation. Les uns, partisans de la réserve héréditaire, y voient peut-être une belle occasion de prendre une revanche sur les arrêts Jarre et Colombier (Cass. 1e civ. 27-9-2018 nos 16-17.198 et 16-13.151, voir F. Sauvage, Succession internationale et réserve héréditaire : la mort de l’exception française ? : SNH 4/17 édito et inf. 1 ; R. Crône, L’absence de réserve n’est pas contraire à l’ordre public international, sauf si… : SNH 7/17 inf. 15), les autres s’interrogent allègrement sur l’application du droit, non pas américain, rectifions-nous, mais californien.
Les uns et les autres ont tort.
Aucun des prétendus sachants n’a en main l’ensemble des éléments permettant de se faire une exacte appréciation de la situation, en fait comme en droit.
Alors ? Alors, n’eût-il pas été préférable de rester un peu taisant sur le sujet, plutôt que de laisser libre cours à l’imagination et de déclencher, dans le grand public, des réactions d’hostilité pour ne pas dire de haine à l’égard des gratifiés ?
Les juristes savent pourtant que ces situations sont tout en nuance et qu’il n’est jamais bon d’attiser les passions.
Rares sont ceux ayant évoqué la médiation, qu’ils en soient remerciés. Ce ne sera sans doute pas suffisant.
La justice est d’ores et déjà saisie. Faisons confiance aux magistrats pour apprécier exactement une situation qui nous échappe largement. Bref, lorsqu’ils n’ont pas tous les éléments d’appréciation en main, les juristes devraient faire preuve… d’un peu de réserve !
Par Richard CRÔNE, notaire honoraire, ancien directeur adjoint et directeur du développement de l’École du notariat de Paris, consultant.
Sur ces questions : voir aussi Successions : la Cour de cassation applique une loi étrangère ignorant la réserve héréditaire