Le dirigeant de fait d'une société en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de celle-ci s'il a commis une faute de gestion y ayant contribué (C. com. art. L 651-2). La Cour de cassation est régulièrement saisie de la question de savoir si une personne, dont la responsabilité pour insuffisance d'actif est recherchée, est ou non dirigeant de fait de la société en liquidation. L'arrêt commenté en est une nouvelle illustration.
Une cour d'appel avait retenu contre une personne sa qualité de dirigeant de fait d'une société en liquidation judiciaire et sa responsabilité en se fondant sur les éléments suivants :
elle avait signé, au nom de la société et avec les pleins pouvoirs du dirigeant de droit, une convention de trésorerie avec la société mère et un contrat de location-gérance ;
elle bénéficiait d'avantages en nature habituellement réservés aux dirigeants (logement de fonction mis gratuitement à sa disposition, avances sur salaires plus importantes que ce que prévoyait la loi) ;
elle n'avait pas contesté l'absence de prise en charge par l'AGS du paiement de ses indemnités de licenciement ;
elle avait représenté la société aux audiences de contestations de créances, à l'audience de conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire et avait assisté aux rendez-vous fixés par l'administrateur judiciaire au cours de la période d'observation.
La Cour de cassation censure cette décision. Peut être condamné au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif celui qui, accomplissant en toute indépendance une activité positive de gestion et direction de la société débitrice, en est le dirigeant de fait. En l'espèce, les juges du fond n'avaient pas relevé que l'intéressé avait agi en toute indépendance et accompli de faits précis de nature à caractériser une immixtion de celui-ci dans la gestion et la direction de la société.
A noter :
La qualification de dirigeant de fait se caractérise par l'exercice en toute liberté et indépendance, seul ou en groupe, de façon continue et régulière, d'activités positives de gestion et de direction engageant la société (jurisprudence constante). Tombent souvent sous le coup de cette qualification d'anciens dirigeants de droit, des associés ou des salariés de la société. Mais peuvent aussi être concernés des tiers n'exerçant aucune fonction dans la société.
Par exemple, a la qualité de dirigeant de fait :
une personne physique qui n'est ni salariée ni mandataire de la société mais qui y tient le rôle moteur, donnant son avis au dirigeant de droit pour toutes les décisions importantes, s'entretenant avec les avocats de la société d'instances judiciaires en cours et donnant des instructions sur des sujets essentiels touchant au fonctionnement de la société, ses différentes interventions auprès des salariés et des prestataires extérieurs la faisant apparaître comme ayant un rôle de décideur (Cass. com. 2-6-2021 n° 20-13.735 F-D : RJDA 10/21 n° 661) ;
l'ancien salarié qui est habilité à faire fonctionner le compte bancaire de la société, signe le contrat de bail commercial, a le pouvoir d'engager la société auprès des fournisseurs et se comporte envers les salariés comme leur véritable employeur en procédant à leur embauche ou à leur licenciement, en fixant leur rétribution et en décidant de leur affectation au sein de la société ou dans une autre société du groupe (Cass. com. 6-10-2009 n° 08-15.378 F-D : RJDA 1/10 n° 32) ;
le directeur commercial d'une SA qui, frappé d'une interdiction de gérer, met fin à son mandat de président du conseil d'administration, mais continue de signer tous les contrats représentant l'essentiel de l'activité de la société en prenant la qualité de président-directeur général dans plusieurs de ces actes (Cass. com. 13-2-2007 n° 05-12.261 F-D : RJDA 6/07 n° 615).
En revanche, n'est pas dirigeant de fait l'associé minoritaire et directeur commercial d'une société qui négocie seul le sort de celle-ci lors de son rachat par une autre société, se présentant auprès des partenaires de cette dernière comme le représentant de la société, et se porte caution d'un prêt affecté à la constitution du capital de la société (Cass. com. 24-4-2007 n° 04-10.050 F-D : RJDA 8-9/07 n° 841), ou encore le directeur salarié qui recueille l'approbation du dirigeant de droit pour la conclusion de divers contrats au nom de la société (CA Paris 28-10-2014 n° 13-22472 : RJDA 2/15 n° 97) ou qui n'outrepasse pas la délégation de pouvoir consentie par le dirigeant de droit (CA Paris 31-3-2015 n° 14-05368 : RJDA 7/15 n° 493).
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