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Réforme des sûretés : les principales innovations en matière de cautionnement

Sans révolutionner le droit du cautionnement, ce qui n'avait pas lieu d'être, l'ordonnance portant réforme du droit des sûretés procède à des aménagements profonds, notamment en unifiant le régime de la mention manuscrite, du devoir de mise en garde, du cautionnement disproportionné et de l’information de la caution.

Ord. 2021-1192 du 15-9-2021 : JO 16 texte n° 19 ; Rapport au Président de la République : JO 16 texte n° 18


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©iStock

En 2019, le Gouvernement a été habilité par le Parlement à aménager, par voie d’ordonnance, le droit des sûretés afin de le simplifier et d’en renforcer l’efficacité, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants (Loi Pacte 2019-486 du 22-5-2019 art. 60). Dans cette optique, le Gouvernement a été notamment chargé de réformer le droit du cautionnement, en assurant la protection de la caution personne physique (art. précité). La durée de cette habilitation, initialement prévue jusqu’au 23 mai 2021, a été prolongée de 4 mois en raison de la crise sanitaire résultant de l’épidémie de Covid-19 (Loi 2020-290 du 23-3-2020 art. 14).

L’ordonnance procédant à la réforme des sûretés vient d’être publiée. Nous vous présentons ici les principales modifications qu’elle apporte au régime du cautionnement personnel.

Dans ses grandes lignes, l’ordonnance tend d’abord à rétablir un seul droit commun du cautionnement, logé dans le Code civil. Elle y insère, mais pas à droit constant, certaines dispositions éparses et redondantes du Code de la consommation et du Code monétaire et financier. La réforme se caractérise ensuite par un effort de simplification et d’amélioration de la lisibilité du régime (notamment, définition du cautionnement, du sous-cautionnement et du certificateur de caution ; unification des régimes distincts ; codification de certaines solutions jurisprudentielles ; abandon des formulations surannées...). Pour autant, elle ne révolutionne pas le régime du cautionnement.

L’ordonnance modifie également le régime des sûretés réelles, y compris celles constituées pour autrui (parfois dites « cautionnements réels »). Nous commenterons prochainement ces nouvelles dispositions. A noter aussi qu’une autre ordonnance (2021-1193 du 15-9-2021) a réformé le droit des entreprises en difficulté et a apporté des aménagements au sort du cautionnement et des sûretés réelles lorsque l’entreprise débitrice fait l’objet d’une procédure de prévention ou d’une procédure collective d’apurement du passif ; cette ordonnance fera, elle aussi, l’objet d’un commentaire ultérieur.

L’entrée en vigueur des nouvelles dispositions est fixée au 1er janvier 2022 (Ord. 2021-1192 art. 37, I-al. 1) mais seulement pour les cautionnements conclus à compter de cette date. Les cautionnements conclus avant resteront soumis à la loi ancienne, y compris « pour les effets légaux et pour les dispositions d’ordre public » ; il est toutefois dérogé à ce principe pour les dispositions relatives à l'information de la caution par le créancier exposées nos 30 s.

Le créancier professionnel entre dans le Code civil

A l’instar de certaines dispositions actuelles du Code de la consommation relatives au cautionnement, plusieurs articles du Code civil issus de l'ordonnance font référence à la notion de « créancier professionnel » (C. civ. art. 2300 : interdiction de se prévaloir d’un cautionnement disproportionné ; art. 2299 : mise en garde de la caution ; art. 2302 et 2303 : information de la caution pendant la durée de son engagement), sans la définir.

Nul doute que seront considérés comme des créanciers professionnels au sens de ces nouvelles dispositions les établissements de crédit et assimilés (telles les sociétés de crédit-bail ; Cass. com. 10-3-2021 no 19-18.091 F-D : BRDA 8/21 n° 14).

A notre avis, sera transposable la jurisprudence actuelle qualifiant de créancier professionnel celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale (Cass. 1e civ. 9-7-2009 n° 08-15.910 FS-PBI : RJDA 1/10 n° 76 ; Cass. com. 15-11-2017 n° 16-13.532 F-D : RJDA 2/18 n° 176) et si le créancier n'est pas commerçant (Cass. 3e civ. 9-3-2011 n° 10-11.011 FS-D : RJDA 11/11 n° 958 à propos d’une SCI ayant consenti un bail commercial garanti par un cautionnement).

Nature civile ou commerciale du cautionnement

Actuellement, le cautionnement, contrat civil par nature, devient commercial notamment lorsque la caution, même non commerçante, a un intérêt patrimonial personnel à garantir la dette qui est commerciale (notamment, Cass. com. 7-7-1969 n° 68-12.804 : Bull. civ. IV n° 262 ; Cass. com. 22-4-1997 n° 882 : RJDA 8-9/97 n° 1077 ; Cass. com. 21-2-2006 n° 05-10.363 F-D : RJDA 6/06 n° 701).

L'ordonnance abandonne ce critère. Le cautionnement de dettes commerciales constituera, entre toutes personnes, un acte de commerce (C. com. art. L 110-1, 11° nouveau). En conséquence, deviendront commerciaux des cautionnements qui ne le sont pas actuellement, tel celui donné par l’associé d’une société commerciale pour garantir les dettes de celle-ci, même s’il n’est pas impliqué dans la gestion sociale (Cass. 1e civ. 9-12-1992 n° 91-12.143 P : Bull. civ. I n° 306).

Cette modification permettra de soumettre à la même juridiction, le tribunal de commerce, le contentieux du cautionnement et celui de la dette lorsqu’elle est commerciale. Mais la qualification d’acte de commerce a aussi pour conséquence de permettre aux parties de recourir à l’arbitrage ; la réforme institue un garde-fou pour protéger la caution à cet égard : lorsque le cautionnement d’une dette commerciale n’aura pas été souscrit dans le cadre de l’activité professionnelle de la caution, la clause d’arbitrage ne pourra pas être opposée à celle-ci (C. com. art. L 721-3, al. 3 modifié).

Le cautionnement par voie électronique largement admis

Actuellement, les actes sous signature privée relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, ne peuvent pas être conclus par voie électronique, sauf s'ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession (C. civ. art. 1175, 2°).

Cette disposition est abrogée, ce qui permettra de conclure l’ensemble des sûretés par voie électronique, y compris un cautionnement. Ce dernier restera soumis à l’exigence d’une mention apposée par la caution dans certains cas (nos 9 s.).

Aux termes du rapport au Président de la République, lever ce frein, injustifié à l’ère du numérique, est indispensable pour inciter les opérateurs économiques internationaux à utiliser le droit français.

L’exigence d’une mention apposée par la caution étendue mais simplifiée

Afin d’assurer l’information de la caution sur la portée et l’étendue de son engagement, la loi subordonne actuellement la validité de certains cautionnements – ou de la seule clause de solidarité qu’ils comportent – à la présence dans l’acte de cautionnement de mentions particulières écrites de la main de la caution et conformes à des modèles légaux impératifs : tel est le cas des cautionnements consentis par une personne physique envers un créancier professionnel (C. consom. art. L 331-1, L 331-2, L 343-1 et L 343-2) ou en garantie d'une opération relevant de la réglementation du crédit à la consommation ou du crédit immobilier (C. consom. art. L 314-15, L 314-16 et L 341-51-1). L’application de ces exigences donne lieu à un abondant contentieux en cas de discordance entre la mention portée par la caution et le modèle légal (voir un récapitulatif de la jurisprudence au BRDA 1/19 inf. 20).

L'ordonnance abroge les dispositions précitées (Ord. 2021-1192 art. 32) et leur substitue un régime unique, élargi mais simplifié, qui relèvera du seul Code civil (art. 2297 nouveau).

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Extension de l’exigence d’une mention

La mention sera requise de la part de la caution personne physique, peu important que le créancier soit un professionnel ou pas, le nouvel article 2297 étant silencieux sur ce point.

Elle sera donc exigée, notamment, pour un cautionnement conclu entre particuliers, par exemple entre un bailleur non professionnel et un parent du locataire, ce qui est expressément prévu pour le bail d’habitation (Loi 89-462 du 6-7-2021 art. 22-1, dernier al. modifié).

Comme aujourd’hui, la mention ne sera pas obligatoire pour les cautionnements souscrits par les personnes morales ni pour ceux consentis par acte notarié ou par acte sous signature privée contresigné par un avocat (C. civ. art. 1369, al. 3,  et 1374, al. 3).

La mention requise que le créancier soit ou non un professionnel

La personne physique qui donne mandat de se porter caution devra apposer la même mention (art. 2297, al. 3 nouveau). En application des textes actuels du Code de la consommation, la Cour de cassation a déjà jugé que le mandat, donné par acte sous signature privée, de se porter caution doit comporter la mention manuscrite prescrite par le Code de la consommation et que, à défaut, l’irrégularité du mandat s’étend au cautionnement subséquent même consenti par acte authentique (Cass. 1e civ. 8-12-2009 n° 08-17.531 FS-D : RJDA 3/10 n° 287). Il en sera à notre avis de même en application du nouvel article 2297, al. 3 du Code civil.

Bien sûr, la mention sera exigée du certificateur de caution (celui qui se porte caution d’une caution de premier rang à l’égard du créancier) sous les mêmes conditions que la caution de premier rang. L’exigence est incertaine en ce qui concerne la sous-caution (celle s’engage à l’égard de la caution de premier rang à payer ce que lui doit le débiteur principal), dans la mesure où certains juges refusent de considérer la caution de premier rang comme un créancier à la date de la conclusion du sous-cautionnement (n° 29).

Une mention pas nécessairement manuscrite

Le nouvel article 2297 du Code civil ne fait plus référence à une mention manuscrite mais à une mention apposée par la caution elle-même, afin de tenir compte de la possible conclusion du cautionnement par voie électronique (n° 8). Les conditions de cette apposition doivent, en application de l’article 1174, al. 2 du Code civil, garantir qu’elle n’a pu être faite que par la caution.

Comme sous l’empire des actuelles dispositions du Code de la consommation, la mention ne pourra donc pas être valablement apposée par un tiers, par exemple par la secrétaire de la caution (Cass. com. 13-3-2012 n° 10-27.814 : RJDA 8-9/12 n° 801 som.). A notre avis, sera également toujours applicable le principe dégagé par la Cour de cassation selon lequel la caution, qui a sciemment fait rédiger la mention par un tiers, ne pourra pas invoquer l’irrégularité de son engagement (Cass. com. 5-5-2021 n° 19-21.468 F-P : BRDA 11/21 inf. 11).

Contenu de la mention

La caution devra indiquer dans l’acte, à peine de nullité de celui-ci, qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres ; en cas de différence, le cautionnement vaudra pour la somme écrite en toutes lettres (C. civ. art. 2297, al. 1 nouveau). Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaîtra dans cette mention ne pas pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions ; à défaut, elle conservera le droit de se prévaloir de ces bénéfices (art. précité, al. 2).

Par rapport au régime actuel issu du Code de la consommation, on peut notamment relever les différences suivantes.

La mention n’est plus sacramentelle

Contrairement à celles prévues par le Code de la consommation, la mention de l’article 2297 n’est plus sacramentelle: si ce texte la prescrit à peine de nullité de l’engagement ou de la clause de solidarité, il ne fait qu’en fixer le contenu sans imposer une formulation donnée. En cas de contestation, il incombera au juge d’apprécier si la mention est suffisante pour assurer l’information de la caution. Cette exigence sera satisfaite en cas de reprise des actuelles mentions des articles L 331-1 et L 331-2 du Code de la consommation sous la réserve exposée n° 16.

Jusqu’à présent, les mentions manuscrites imposées par le Code la consommation constituaient à elles seules l’engagement de la caution, la Cour de cassation ayant refusé de pallier les éventuelles omissions par rapport aux formules prescrites en se référant au reste de l’acte de cautionnement (Cass 1e civ. 9-7-2015 n° 14-24.287 F-PB : RJDA 11/15 n° 783 pour la durée du cautionnement ; Cass. com. 24-5-2018 n° 16-24.400 FS-PB : RJDA 8-9/18 n° 682 pour l’identité du débiteur). Le juge recouvrira-t-il cette latitude avec la nouvelle mention ?

Le montant de l’engagement de la caution devra être indiqué à la fois en chiffres et en lettres, ce qui n’est pas exigé dans les modèles imposés par le Code de la consommation (Cass. com. 18-1-2017 n° 14-26.604 F-PB : RJDA 3/17 n° 206, validant le cautionnement comportant seulement une indication chiffrée).

Le cautionnement donné par une personne physique devra être d’un montant déterminé.

La nouvelle mention n’énumère pas les accessoires de la dette qui sont couverts par le cautionnement. Cela sera sans incidence sur les droits du créancier puisque, sauf clause contraire, le cautionnement s’étendra aux intérêts et autres accessoires, ainsi qu’aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation faite à la caution (C. civ. art. 2295 nouveau, qui ne limite pas le principe au seul cautionnement indéfini d’une obligation principale, comme le fait aujourd’hui l’article 2293).

La caution ne sera pas tenue de mentionner la durée de son engagement alors que cette indication, pour l’instant requise par le Code de la consommation, fait l’objet d’une jurisprudence contradictoire (Cass 1e civ. 9-7-2015 n° 14-24.287 F-PB : RJDA 11/15 n° 783 exigeant que cette indication figure clairement dans la mention manuscrite et non ailleurs dans l’acte de cautionnement ; Cass. com. 15-11-2017 n° 16-10.504 F-PBI : RJDA 2/18 n° 177 admettant la validité du cautionnement à durée indéterminée, en l’espèce « jusqu'au paiement effectif de toutes les sommes dues »).

Il ne sera pas nécessaire d’indiquer dans la mention que la caution s’engage à rembourser le créancier « sur ses biens et revenus». La précision est inutile puisque le cautionnement constitue une obligation personnelle qui engage tout le patrimoine de la caution.

Appliquant à la lettre les actuels textes du Code de la consommation qui imposent cette précision, la Cour de cassation a jugé que, en cas d’omission des termes « mes biens » dans la mention, le cautionnement est valable mais que le créancier ne peut poursuivre que les revenus de la caution (Cass. com. 1-10-2013 n° 12-20.278 FS-PB : RJDA 2/14 n° 169, 3e espèce). Nonobstant toute mention en ce sens, la caution engagera donc tous ses biens et revenus, sous réserve du plafond minimum de ressources (« reste à vivre » ; cf. C. consom. art. L 731-2) qu’elle peut conserver si elle est une personne physique (C. civ. art. 2301 actuel ; art. 2307 nouveau). Rien n’interdira à la caution de stipuler qu’elle n’engage que ses biens ou que ses revenus, mais encore faudra-il que le créancier l’accepte.

La clause de solidarité ne visera plus seulement la solidarité entre la caution et le débiteur principal mais aussi celle entre les différentes cautions de la même dette. En outre, seront abrogés les articles L 331-3, L 343-3 du Code de la consommation et 47, II-al. 1 de la loi 94-123 du 11 février 1994, qui réputent non écrites les clauses de solidarité figurant dans un cautionnement donné par une personne physique à un créancier professionnel lorsque l’engagement n’est pas limité à un montant déterminé (Ord. 2021-1192 art. 32, I-2° et VI).

Autre nouveauté, le nouvel article 2297 ne comporte aucune prescription en ce qui concerne l’emplacement de la signature de la caution par rapport à la mention, contrairement à ce qui est actuellement prévu par les modèles du Code de la consommation (signature apposée immédiatement après la mention manuscrite). Ceci mettra un terme au contentieux fourni en ce domaine (voir, notamment, Cass. com. 1-4-2014 n° 13-15.735 F-D : RJDA 7/14 no 671 ; Cass. 1e civ. 22-9-2016 n° 15-19.543 F-PB : RJDA 12/16 n° 904 ; Cass. com. 28-2-2018 n° 16-24.637 F-D : RJDA 5/18 n° 459).

Protégeant l’intérêt privé de la caution, la nullité prévue par l’article 2297 nouveau est à notre avis relative (cf. C. civ. art. 1179). Le cautionnement irrégulier peut donc être confirmé par la caution, par exemple par son exécution volontaire, comme cela a été admis en cas d’irrégularité de la mention prescrite par le Code de la consommation pour le cautionnement d’un crédit à un consommateur (Cass. com. 5-2-2013 n° 12-11.720 FS-PB : RJDA 5/13 n° 452).

Le devoir de mise en garde étendu à tout créancier professionnel

La jurisprudence fait aujourd’hui peser sur les établissements de crédit (et assimilés, telle une société de crédit-bail) qui réclament un cautionnement l’obligation de mettre en garde la caution si l’engagement de celle-ci est, lors de sa conclusion, inadapté à ses capacités financières et s’il existe un risque d’endettement né de l’opération garantie, risque qui résulte de l’inadaptation du contrat aux capacités financières de l’emprunteur ou du crédit-preneur (notamment, Cass. com. 9-10-2019 n° 18-12.813 F-D : RJDA 1/20 n° 47 ; Cass. com. 5-5-2021 n° 19-21.468 F-P : RJDA 8-9/21 n° 604).

L’établissement est tenu d’une telle obligation envers la caution profane (arrêts précités) et, exceptionnellement, envers une caution avertie si l’établissement détient des informations que la caution ignorait sur les revenus de l'emprunteur garanti, son patrimoine et ses facultés de remboursement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération (Cass. com. 20-4-2017 n° 15-16.184 F-D : RJDA 10/17 n° 664).

L'ordonnance codifie partiellement cette jurisprudence.

Mise en garde sur l’inadaptation de l’engagement du débiteur principal à ses capacités financières

Aux termes du nouvel article 2299, al. 1 du Code civil, le créancier professionnel (sur cette notion, voir n° 4) sera tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.

Relevons d’abord que le nouveau texte ne reprend pas l’obligation de mettre en garde la caution sur l’inadaptation du cautionnement à ses propres capacités financières. En effet, cette question relèvera de l’interdiction faite au créancier de se prévaloir d’un cautionnement disproportionné (nos 26 s.).

Mise en garde de la caution seulement sur la capacité financière du débiteur

Le devoir de mise en garde sera réservé aux cautions personnes physiques. La jurisprudence rappelée n° 22 n’avait pas, à notre connaissance, imposé une telle limite ; elle avait même admis, s’agissant du devoir de mise en garde de l’emprunteur, que la banque n’en était pas nécessairement exonérée à l’égard d’une personne morale dès lors que celle-ci était une emprunteuse profane (Cass. com. 11-4-2018 n° 15-27.133 FS-PB : RJDA 6/18 n° 524 ; Cass. com. 31-1-2017 n° 14-20.548 F-D).

Il reste que le nouveau texte ne fait nullement référence à la qualité de caution avertie ou profane ; il faut en déduire que toutes les cautions personnes physiques bénéficieront du devoir de mise en garde, quelles que soient leurs compétences et expériences.

Sanction du devoir de mise en garde

Actuellement, le créancier qui manque à son devoir de mise en garde engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de la caution pour lui avoir fait perdre la chance de ne pas s’engager (notamment, Cass. com. 20-10-2009 n° 08-20.274 FS-PB : RJDA 1/10 n° 68 ; Cass. com. 12-7-2017 n° 16-10.793 F-PBI : RJDA 11/17 n° 751) et, le cas échéant, pour lui avoir causé un préjudice moral (Cass. com. 7-2-2018 n° 16-12.808 F-D : RJDA 5/18 n° 549). La caution peut alors demander la compensation entre les sommes qu’elle doit au créancier et les dommages-intérêts auxquels il est condamné.

L'ordonnance substitue une déchéance à cette action en responsabilité : le créancier sera déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci (C. civ. art. 2299, al. 2 nouveau). Pour la caution, ceci constituera une simplification procédurale, la déchéance d’un droit constituant une défense au fond qui échappe à la prescription (cf. Cass. com. 6-6-2018 n° 17-10.103 FS-PBI : RJDA 10/18 n° 770), mais le résultat sera en pratique le même : la caution sera libérée de son engagement à hauteur de son préjudice.

Le cautionnement disproportionné sera réduit

On le sait, plusieurs dispositions du Code de la consommation interdisent à un créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement donné par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution ne lui permette de faire face à son engagement lorsqu’elle est appelée à l’exécuter (C. consom. art. L 314-18, L 332-1 et L 343-4).

En cas de disproportion manifeste de son engagement, la caution est intégralement libérée (Cass. com. 22-6-2010 n° 09-67.814 FS-PBI : RJDA 11/10 n° 1106), à moins qu’elle n’ait dissimulé sa situation patrimoniale lors de la souscription du cautionnement (Cass. com. 13-9-2011 n° 10-20.959 F-D : RJDA 1/12 n° 89) ou qu’elle ne soit revenue à meilleure fortune.

L’ordonnance du 15 septembre 2021 abroge ces textes (Ord. 2021-1192 art. 32), pour leur substituer une disposition unique intégrée dans le Code civil qui maintient l’exigence de proportionnalité du cautionnement lors de sa conclusion entre une personne physique et un créancier professionnel (C. civ. art. 2300 nouveau).

Toutefois, le créancier ne perdra pas toute possibilité de se prévaloir d’un cautionnement manifestement disproportionné : ce dernier sera réduit au montant à hauteur duquel la caution pouvait s’engager à la date où elle s’est engagée (art. précité). Disparaîtra aussi l’exception de retour à meilleure fortune de la caution. Il y a donc un rééquilibrage entre les intérêts du créancier (le cautionnement n’est pas totalement inefficace) et ceux de la caution (elle ne pourra pas être poursuivie pour le tout, même en cas de retour à meilleure fortune).

Sous réserve de ces exceptions, les principes jurisprudentiels dégagés en application de l’actuel article L 332-1 du Code de la consommation seront à notre avis transposables au nouvel article 2300 du Code civil : application que la caution soit avertie ou profane (Cass. com. 20-4-2017 n° 15-16.184 F-D : RJDA 10/17 n° 764) et que la dette garantie soit un crédit ou pas (Cass. com. 22-2-2017 n° 14-17.491 F-D : RJDA 6/17 n° 432) ; preuve de la disproportion à la charge de la caution (Cass. com. 12-11-2020 n° 19-14.243 F-D : RJDA 7/21 n° 517) ; éléments pouvant être pris en considération pour caractériser la disproportion (par exemple, Cass. com. 12-11-2020 précité ; Cass. 1e civ. 24-3-2021 n° 19-21.254 FS-P : RJDA 7/21 n° 518).

Le fait que la caution ne puisse être déchargée que partiellement ne devrait pas remettre en cause la solution antérieure selon laquelle la caution peut invoquer la disproportion de son engagement à tout moment sans que la prescription ne puisse lui être opposée (Cass. 1e civ. 31-1-2018 n° 16-24.092 FS-PB : RJDA 7/18 n° 603 ; Cass. com. 8-4-2021 n° 19-12.741 F-P : RJDA 8-9/21 n° 603).

La question de savoir si la sous-caution peut opposer le caractère disproportionné de son engagement à la caution de premier rang n’a pas été définitivement réglée sous l’empire de l’article L 332-1 du Code de la consommation : certains juges du fond l’ont admis, à condition que la caution de premier rang puisse être considérée comme un créancier professionnel (CA Amiens 7-7-2016 n° 14/05361 : RJDA 10/16 n° 903 estimant que tel était le cas du brasseur qui s’était porté caution, dans le cadre de son activité professionnelle, du prêt bancaire accordé à l’exploitant d’un bar) ; d’autres juges ont écarté l’application de ce texte, estimant que la caution n'était pas, au moment du sous-cautionnement, réellement créancier, cette qualité ne pouvant lui être octroyée qu'à partir du paiement fait au créancier principal (CA Lyon 15-10-2015 n° 14/03568). L'ordonnance ne tranche pas ce débat.

Le régime de l’information de la caution par le créancier unifié

L’ordonnance unifie le régime de l’information que le créancier doit communiquer à la caution sur l’évolution de la dette et les éventuels défauts de paiement du débiteur principal. Les nouvelles dispositions s’appliqueront même aux cautionnements consentis avant le 1er janvier 2022 (Ord. 2021-1192 art. 37, III).

Information annuelle de la caution sur l’évolution de la dette garantie

Aujourd’hui, plusieurs textes imposent au créancier de communiquer chaque année à la caution des informations sur l'évolution de la dette garantie (C. civ. art. 2293, al. 2 ; C. mon. fin. art. L 313-22, C. consom. art. L 333-2 et L 343-6 ; Loi 94-126 du 11-2-1994 art. 47, II-al. 2). Ils diffèrent quant à leurs champs d’application (cautionnement indéfini ou non, donné seulement par une personne physique ou pas, au profit d’un établissement de crédit ou d’un autre créancier professionnel ou de tout créancier, pour garantir un crédit à un consommateur ou à un entrepreneur ou toute dette…), la date à laquelle l’information doit être communiquée (31 mars ou date anniversaire du cautionnement ou date convenue avec la caution), son contenu (ajout parfois d’information sur le terme ou la révocation du cautionnement) et enfin la sanction, la déchéance du créancier défaillant de son droit à réclamer certaines sommes (intérêts et/ou pénalités) à la caution étant totale ou partielle selon les cas (à cet égard, voir Cass. 1e civ. 10-10-2019 n° 18-19.211 FS-PB : BRDA 22/19 inf. 17).

Ces textes seront abrogés (Ord. 2021-1192 art. 32) ou non repris (actuel art. 2293) et remplacés par un unique article du Code civil qui unifie le régime de l’information annuelle de la caution.

Aux termes du nouvel article 2302 du Code civil, le créancier professionnel (sur cette notion, n° 4) sera tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période seront imputés prioritairement sur le principal de la dette. Le créancier professionnel sera aussi tenu, à ses frais et sous la même sanction, de rappeler à la caution le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci pourra être exercée.

La déchéance du créancier de son droit sur les intérêts et pénalités échus ne concerne que la période durant laquelle le créancier est défaillant ; un manquement partiel du créancier (omission de l’information pour une année) ne peut donc plus entraîner une déchéance totale du droit aux intérêts et aux pénalités, comme cela a été jugé en application de l’ex-article 2293 du Code civil (Cass. 1e civ. 10-10-2019 précité  n° 31).

Cette information devra être également délivrée à la personne morale qui a souscrit un cautionnement envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordé à une entreprise (C. civ. art. 2302, al. 3 nouveau) ; la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancien article L 313-22, al. 1 du Code monétaire et financier s’agissant de l’existence d’un « concours financier » (Cass. com. 8-11-2011 n° 10-24.171 : RJDA 2/12 n° 203 excluant le crédit-bail ; Cass. com. 28-1-2014 n° 12-24.592 : RJDA 5/14 n° 478 excluant la location avec option d'achat) devrait continuer à s’appliquer.

Sur l‘information de la sous-caution, voir n° 36.

Actuellement, seul l’article L 313-22, al. 2 du Code monétaire exclut la facturation du coût de cette formalité à la caution. L’article 2302 nouveau précisant que les frais incomberont au créancier, il sera interdit à ce dernier de les répercuter non seulement sur la caution mais aussi sur le débiteur principal (Rapport au président de la République relatif à ord. 2021-1192).

Information de la caution sur les incidents de paiement du débiteur

Comme celle relative à l’évolution de la dette garantie, l’information qui doit être communiquée à la caution en cas d’incident de paiement du débiteur principal est actuellement régie par différents textes (C. consom. art. L 314-17 , L 333-1 et L 343-5 ; Loi 94-126 du 11-2-1994 art. 47, II-al. 3) qui n’ont pas le même champ d’application.

Ici encore l’ordonnance procède à une uniformisation, abrogeant les textes précités pour les remplacer par une disposition unique (Ord. 2021-1192 art. 32).

Aux termes du nouvel article 2303, le créancier professionnel sera tenu d'informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en aura été informée. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période seront imputés prioritairement sur le principal de la dette.

Cette dernière précision sur l’imputation des paiements ne figure pas dans les textes actuels ; à cet égard, le régime de l’information annuelle et de celle sur les incidents de paiement sera harmonisé. En revanche, l’article 2303 ne précise pas si les frais de cette dernière information seront à la charge du créancier, contrairement à ce qu’indique l’article 2302 pour l’information annuelle.

La sous-caution également informée

Autre nouveauté issue de la réforme : la caution devra communiquer, à ses frais, à la sous-caution personne physique, dans le mois qui suit leur réception, les informations qu’elle a reçues en application des articles 2302 (évolution de la dette garantie et, éventuellement, faculté de révocation) et 2303 (incidents de paiement du débiteur) nouveaux du Code civil (C. civ. art. 2304 nouveau).

La sous-caution informée par la caution

On notera que l’information de la sous-caution n’est pas à la charge du créancier, qui n’a pas nécessairement connaissance du sous-cautionnement, et que le nouveau texte ne comporte pas de sanction spécifique en cas de manquement de la caution. La précision relative à la charge des frais appelle les mêmes remarques qu’au n° 34.

Les exceptions purement personnelles au débiteur ouvertes à la caution

Actuellement, la caution poursuivie en exécution de son engagement peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, mais elle ne peut pas lui opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur (C. civ. art. 2313). En application de cette interdiction, il a été jugé notamment que la caution ne peut pas invoquer la nullité du contrat garanti à raison du dol subi par le débiteur lors de sa conclusion (Cass. ch. mixte 8-6-2007 n° 03-15.602 PBRI : RJDA 3/08 n° 327) – solution contestée par la doctrine compte tenu du caractère accessoire du cautionnement – ni la prescription biennale de l’article L 218-2 du Code de la consommation que le débiteur consommateur peut opposer à l’action en paiement d’un professionnel (Cass. 1e civ. 11-12-2019 n° 18-16.147 F-PBI : BRDA 4/20 inf. 14).

Ces principes sont remis en cause par l’ordonnance (C. civ. art. 2298 nouveau) : la caution pourra opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur mais elle ne pourra pas :

- invoquer le défaut de capacité à contracter du débiteur personne physique dès lors qu’elle en avait connaissance (art. 2293 , al. 2) ;

- se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire (art. 2298 nouveau).

Sous les réserves précitées, la caution recouvrera donc la faculté d’invoquer les exceptions purement personnelles au débiteur, telle celle précitée relative au vice du consentement du débiteur.

Par exemple, en application du nouveau texte, la caution ne pourra pas se prévaloir à l’égard du créancier des délais de grâce accordés par le juge au débiteur sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil, à moins qu’ils ne l’aient été au cours d’une procédure de conciliation ouverte au profit du débiteur ou, pour les conciliations ouvertes à compter du 1er octobre 2021, durant l’exécution de l’accord de conciliation (C. com. art. L 611-10-2, al. 1 modifié par ord. 2021-1193 du 15-9-2021). Elle continuera à bénéficier des délais et remises consentis par les créanciers lors de cette conciliation et qui auront été constatés ou homologués par le juge (art. précité). L’effacement judiciaire de la dette du débiteur à l’issue d’une procédure de rétablissement professionnel (C. com. art. L 645-11) ne devrait pas profiter à la caution, en l’absence de dispositions le prévoyant.

Limitation des cas de décharge de la caution pour perte de subrogation

Le principe de la libération de la caution qui n’a pas pu être subrogée dans les droits du créancier (C. civ. art. 2314 actuel) est maintenu par l'ordonnance dans une formulation plus claire : lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s’opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu’elle subit (C. civ. art. 2314, al. 1 nouveau). Comme aujourd’hui, toute clause contraire sera réputée non écrite (art. précité, al. 2).

L’article 2314 actuel subordonne la décharge à une perte de subrogation due « au fait du créancier », expression que la jurisprudence a interprétée restrictivement comme désignant une faute exclusive du créancier (notamment, Cass. 1e civ. 14-11-2001 n° 99-12.740 P-F : RJDA 3/02 n° 312 ; Cass. com. 8-3-2017 n° 15-14.632 F-D : RJDA 7/17 n° 501). L’exigence d’un lien direct et exclusif entre la faute et la perte devrait perdurer, nonobstant l’absence de précision en ce sens dans la nouvelle rédaction de l’article 2314. L’ampleur de la décharge de la caution sera celle déjà retenue par la jurisprudence (Cass. 1e civ. 12-2-2002 n° 286 FS-P : RJDA 7/02 n° 813 ; Cass. com. 17-2-2009 n° 07-20.458 P : RJDA 8-9/09 n° 778).

L'ordonnance innove toutefois en précisant que la caution ne pourra pas reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d’une sûreté (art. 2314, al. 3 nouveau).

Jusqu’à présent, en matière de sûreté réelle permettant au créancier de demander soit la vente, soit l’attribution judiciaire du bien donné en garantie, la Cour de cassation a jugé que l’attribution judiciaire n’est qu’une faculté pour le créancier mais que ce dernier commet une faute, lorsqu’il est par ailleurs garanti par un cautionnement, si en s'abstenant de demander cette attribution il prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter (Cass. com. 3-12-2003 n° 01-14.761 F-D : RJDA 5/04 n° 626). La décharge n’est prononcée que si l’abstention a effectivement causé un préjudice à la caution (Cass. com. 15-2-2011 n° 08-70.303 F-D : RJDA 6/11 n° 576 ; Cass. com. 13-12-2017 n° 16-14.672 F-D : RJDA 4/18 n° 360).

Désormais, y compris en ce cas, la caution ne pourra plus être déchargée pour perte de subrogation dans les droits du créancier. Le principe vaut pour l’attribution tant judiciaire que conventionnelle (en vertu d’un pacte commissoire) du bien donné en garantie. Selon le rapport au Président de la République sur l’ordonnance, la jurisprudence actuelle est excessive, le créancier pouvant légitimement ne pas souhaiter devenir propriétaire du bien.

Disparition du recours de la caution contre le débiteur avant paiement

En application de l’actuel article 2309 du Code civil, la caution peut, on le rappelle, agir en réparation contre le débiteur, avant même d’avoir payé le créancier, dans certaines hypothèses, notamment lorsqu’elle est poursuivie en justice en exécution de son engagement, lorsque le débiteur a fait faillite ou s’est engagé à décharger la caution dans un délai donné ou encore lorsque la dette est devenue exigible par arrivée du terme.

Cette disposition lui permet donc, avant tout paiement, d’appeler le débiteur en garantie (Cass. com. 21-1-2003 n° 00-21.654 FS-P : RJDA 6/03 n° 642), de saisir les biens de celui-ci (Cass. com. 1-2-1977 n° 75-12.168 : Bull. civ. I n° 33), d’exercer un droit de ce dernier par voie oblique (Cass. 1e civ. 25-5-2005 n° 04-11.622 F-PB : RJDA 10/05 n° 1151, en l’espèce contre l’assureur de celui-ci) ou encore de déclarer sa créance d’indemnité à la procédure collective du débiteur (Cass. com. 29-10-1991 n° 89-19.542 P : RJDA 1/92 n° 87).

La caution pourra prendre une sûreté judiciaire en cas de prorogation du terme

L’article 2309 actuel n’est pas repris. Le rapport au Président de la République relève que la faculté pour la caution d’être indemnisée alors qu’elle n’a pas encore payé est critiquable et que les mesures conservatoires (saisie conservatoire ou sûreté judiciaire) prévues par le Code des procédures civiles d’exécution permettent à la caution de préserver ses droits.

Ces mesures – qui supposent que la caution justifie devant le juge de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance (C. exécution art. L 511-1) – lui seront plus facilement accessibles en cas de prorogation par le créancier du terme de l’obligation garantie : en effet, lorsque le créancier aura prorogé ce terme, la caution pourra, une fois le terme initial échu et avant même d’avoir payé le créancier, solliciter une sûreté judiciaire sur les biens du débiteur à hauteur des sommes garanties ; elle sera alors présumée justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance, sauf preuve contraire apportée par le débiteur (C. civ. art. 2320, al. 2 nouveau).

Une fois la mesure conservatoire autorisée par le juge et réalisée, la caution doit en principe obtenir un titre exécutoire dans un délai d’un mois (C. exécution art. R 511-7), ce qu’elle ne peut pas faire, sa dette n’étant pas exigible. Cette exigence sera modifiée par décret afin, dans l’hypothèse précitée, de faire courir ce délai à compter du paiement du créancier par la caution (Rapport au Président de la République).

Malgré l’abrogation de l’article 2309 du Code civil, la caution pourra toujours, avant même d’avoir payé le créancier, déclarer sa créance dans la procédure collective du débiteur afin de sauvegarder son recours personnel contre celui-ci (C. com. art. L 622-34 nouveau issu de ord. 2021-1193 du 15-9-2021, applicable dans les procédures ouvertes à compter du 1-10-2021).

Sort du cautionnement en cas de fusion ou de scission

L’ordonnance consacre sur le plan législatif un certain nombre de solutions dégagées par la jurisprudence sur le sort du cautionnement en cas de dissolution de la société débitrice ou créancière par l'effet d'une fusion, d'une scission ou à la suite de la réunion de toutes les parts sociales entre les mains d’un seul associé personne morale (cf. C. civ. art. 1844-5, al. 3).

En effet, le Code civil dispose désormais que cette dissolution emporte les conséquences suivantes (C. civ. art. 2318, al. 1 nouveau).

  • En cas de dissolution de la société créancière dont le paiement des créances est garanti par un cautionnement, la caution demeure tenue pour les dettes nées avant que l’opération ne soit devenue opposable aux tiers (solution retenue notamment par Cass. com. 18-12-1984 : Bull. civ. IV n° 351 et Cass. com. 22-2-2017 n° 14-26.704 F-D : RJDA 5/17 n° 340) ; mais elle ne garantit celles nées postérieurement que si elle y a consenti à l’occasion de l’opération de restructuration (solution retenue notamment par Cass. com. 30-6-2009 n° 08-10.719 F-D : RJDA 11/09 n° 967 et Cass. com. 16-9-2014 n° 13-17.779 FS-PB : RJDA 1/15 n° 19). Précision nouvelle issue de l’ordonnance, la caution pourra s’engager par avance à maintenir son engagement.

  • En cas de dissolution de la société débitrice dont les dettes sont garanties par un cautionnement, la caution demeure tenue pour les dettes nées avant que l'opération ne soit devenue opposable aux tiers (solution retenue notamment par Cass. com. 16-10-2001 n° 98-15.501 F-D : RJDA 2/02 n° 154 et Cass. com. 21-1-2003 n° 98-15.501 FS-P : RJDA 6/03 n° 593) ; mais elle ne garantit celles nées postérieurement que si elle y a consenti à l’occasion de cette opération (solution retenue notamment par Cass. com. 17-5-2017 n° 15-15.745 F-D).

En outre, afin de lever toute incertitude en la matière, l’ordonnance prévoit expressément qu’en cas de dissolution de la société caution pour l’une des causes visées ci-dessus, toutes les obligations issues du cautionnement seront transmises (art. 2318, al. 2 nouveau). 

L’article 2318 vise non pas les seules sociétés mais toutes les personnes morales susceptibles de faire l’objet d’une dissolution dans les cas précités, par exemple les associations «  loi 1901 » en cas de fusion ou de scission (Loi du 1-7-1901 art. 9 bis).

Les règles dégagées ci-dessus sont applicables au sous-cautionnement, l'obligation de la sous-caution n'étant maintenue pour la garantie du paiement des créances nées après l'opération de restructuration (en l'espèce, un apport partiel d'actif soumis au régime des scissions) que dans le cas d'une manifestation expresse de volonté de cette sous-caution de garantir les dettes du débiteur envers la société bénéficiaire de la transmission (Cass. com. 8-3-2017 n° 15-14.290 F-D :  RJDA 8-9/17 n° 587). 

Les apports partiels d’actif, même soumis au régime des scissions, ne sont pas concernés par la réforme puisqu’ils n’entraînent pas la dissolution des sociétés participant à l’opération. Mais les tribunaux leur appliquent les solutions dégagées en matière de fusion ou de scission lorsque la transposition est possible malgré l’absence de dissolution des sociétés parties à l’opération (voir, par exemple, Cass. com. 8-3-2017 n° 15-14.290 F-D cité ci-dessus).

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Réforme des sûretés : évolutions sur le devoir du créancier de mettre en garde la caution

Le nouvel article 2299 du Code civil codifie l’obligation mise à la charge du créancier de mise en garde de la caution dégagée par la jurisprudence. Il s’appliquera aux cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022. Deux nouveautés à signaler :  le champ d’application du texte est étendu ; la sanction de l’obligation est modifiée. Le point sur ces évolutions en infographie.