Les dernières sentences arbitrales révèlent la progression des règles matérielles, c’est-à-dire posées par les arbitres sans recourir à la détermination de la loi applicable. Le professeur Emmanuel GAILLARD s’en est ouvertement félicité dans un article au titre sans équivoque : « Les vertus de la méthode des règles matérielles appliquées à la convention d’arbitrage (les enseignements de l’affaire Kout Food) » , mettant en valeur cette tendance, en la comparant à la méthode du conflit de loi que continue de suivre le droit anglais (Rev. arb. 2020, 701). Le professeur Hugo BARBIER et Alexander FESSAS, secrétaire général de la Cour internationale d’arbitrage de de la CCI, recensent de leur côté les sentences qui ont recours aux règles matérielles (Journal du droit international 2020, chronique, 1413 s.) : promesse de porte-fort, extension de l’arbitrage à un non-signataire de la convention d’arbitrage, arbitrabilité des litiges, effets sur un arbitrage au cours d’une procédure d’insolvabilité, pouvoirs de l’arbitre de prononcer une « anti suit injunction », règle de preuves applicables à un litige.
Cette tendance a été solennellement confirmée par la cour de Paris (CA 15-6-2021 n° 20/07999), qui a fixé la portée de l’autonomie de la clause compromissoire en matière d’arbitrage international en ces termes : « le principe de l’autonomie de la clause compromissoire est d’application générale en matière d’arbitrage international, en tant que règle matérielle internationale consacrant la licéité de la convention d’arbitrage, hors de toute référence à un système de conflit de lois, la validité de la convention devant être contrôlée au regard des seules exigences de l’ordre public international, abstraction faite de toute loi étatique, fut elle celle régissant la forme ou le fond du contrat qui la contient ».
Cette orientation est aussi partagée par le Tribunal fédéral suisse (T. fédéral 6-1-2020 : Rev. arb. 2020, 1180 obs. P.-Y. TSCHANZ et F. SPOORENDERG).
Il est vrai, en définitive, que le droit n’est contraignant que dans la mesure où ses dispositions sont d’ordre public car, à défaut, le droit relève de l’autonomie de la volonté des parties.
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