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Le TGI de Créteil : une juridiction engagée dans la résolution amiable des règlements

Lors du discours de présentation des chantiers de la Justice, Mme Nicole Belloubet, ministre de la Justice, a appelé à « développer puissamment la conciliation et la médiation ». Dans cette perspective, Stéphane Noël, président du TGI de Créteil, a annoncé la création d’une commission réunissant juges, représentants des avocats, notaires, huissiers de justice et associations de médiation et de conciliation. Ce dernier a accepté de répondre à nos questions.


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La Quotidienne : Vous annoncez la création de permanences de médiateurs et de conciliateurs pour tous les contentieux civils, familiaux, commerciaux et sociaux du Val-de-Marne , avant ou après la saisine du juge. Est-ce une première réponse concrète à l’appel formulé par la ministre de la Justice ? Comment vont-être organisées ces permanences ? Les médiateurs seront-ils volontaires ou commis d’office ?La conciliation restera-t-elle un service gratuit ? Qui supportera les coûts de la médiation ?

Stéphane Noël. C'est un sujet qui est au cœur de mes préoccupations, comme de celles de nombreux juges du Val-de-Marne depuis de nombreuses années. Je suis heureux de voir que la garde des Sceaux envisage de développer une politique publique dans ce domaine. Pour répondre aux exigences de qualité et de célérité légitimement exprimées par nos concitoyens, il est indispensable de diversifier la réponse judiciaire, notamment par le développement des modes amiables de résolution des différends. Ces derniers sont plébiscités compte tenu de leurs nombreux avantages : rapidité, confidentialité, coût, maintien des relations entre les parties, solution inventive et originale, maîtrise du procès par les parties, prise en compte de l'équité.

Le circuit procédural qui sera mis en place passera par des permanences de médiateurs et de conciliateurs de justice, avant, pendant ou après l'audience dans les domaines du droit civil, commercial, familial ou social. Pour mémoire, il existe au TGI de Créteil tous les jours une permanence de médiation familiale. Le tribunal de commerce de Créteil organise régulièrement une permanence de conciliateurs de justice. De nombreuses permanences de conciliateurs de justice se tiennent également dans les tribunaux d'instance, les points d'accès au droit et les maisons de la justice et du droit du Val-de-Marne. Tout récemment, a été introduite la présence d'un conciliateur de justice ou d'un médiateur lors des audiences de référé du TGI.

Ces permanences de médiateurs et de conciliateurs sont gratuites. En revanche si les parties qui se rendent à ces permanences donnent leur accord pour une médiation, ils en supporteront le coût. Si c'est un conciliateur de justice qui est choisi par les parties, son intervention est gratuite, les conciliateurs de justice étant bénévoles. La commission réfléchira sur les critères de choix entre médiateur et conciliateur.

La commission que j'installe réfléchira également à des mesures incitatives pour que les parties et leurs avocats se rendent effectivement à ces permanences. Par exemple : instaurer des délais de procédure plus courts pour les parties qui accepteraient de rencontrer un médiateur ou un conciliateur ou des incitations financières par le mécanisme de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Quotidienne : Depuis 2015, l’article 56, alinéa 7, du Code de procédure civile prévoit, sauf exceptions, que la partie qui initie une procédure doit préciser dans l’assignation les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Seriez-vous favorable à ce que le non-respect de cette obligation soit une cause d’irrecevabilité de l’assignation ?

S.N. Effectivement, on peut constater qu'aucune sanction n'est prévue en l'absence de mention de ces diligences amiables. Cependant, le TGI de Créteil a développé, notamment en référé, une pratique innovante. Lorsqu'aucune diligence amiable n'est mentionnée dans l'assignation et si l'affaire présente des critères d'éligibilité à une mesure de médiation ou de conciliation, le juge des référés rend une ordonnance, sur le fondement de l'article 127 du Code de procédure civile, par laquelle il invite les parties à rencontrer un médiateur ou un conciliateur dans un délai déterminé.

Un développement de la médiation judiciaire implique l’adoption de mesures financières incitatives, comme cela existe dans de nombreux pays dont les pays anglo-saxons où le juge a le pouvoir de sanctionner, par la condamnation aux frais de justice, un refus déraisonnable de participer à la résolution amiable du litige.

La Quotidienne : Actuellement, dans quelle proportion les juges proposent-ils une conciliation en cours de procédure ? Disposez-vous de statistiques pour votre juridiction ?

S.N. Mes collègues sont pour la plus part très engagés dans les modes amiables de résolution des différends.

Votre question pointe l'absence d'outils statistiques fiables pour évaluer les mesures de médiation et de conciliation. Il faut absolument en développer. Je peux néanmoins donner quelques éléments chiffrés.

Au TGI de Créteil, 23 mesures de médiation ont été ordonnées en 2016 dans le domaine civil (hors médiation familiale). En matière familiale, le TGI de Créteil travaille avec 4 associations. En 2016, se sont tenues 900 séances de médiation et 324 mesures ont abouti.

Nous avons une large marge de progression comme vous pouvez le constater.

La Quotidienne : En réponse au développement des services de médiation et d’arbitrage proposés par des LegalTech, un groupe de travail de l’Institut Montaigne, présidé par le Premier président honoraire de la Cour de cassation, Guy Canivet, a émis le souhait de voir se « Développer une offre publique nationale de règlement amiable des litiges en ligne, arrimée aux services juridictionnels » (V. proposition n°11 du rapport : http://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/justice-faites-entrer-le-numerique-rapport.pdf.) Qu’en pensez-vous ?

S.N. Une expérience de médiation en ligne avait été inaugurée avec succès sur le ressort de la cour d'appel de Paris avec le Forum des droits sur l’internet (service gratuit plus particulièrement saisi pour les différents en matière de commerce en ligne et de fourniture d’accès internet). Cette initiative fut remarquée par la commission des Nations unies pour le droit commercial international. Le bilan de la première année de cette expérience marque sa réussite puisque 66 médiations ont été menées dans le cadre de ce partenariat avec un taux d'accord de 92%. Malheureusement, cette expérience s'est arrêtée en raison de la disparition du Forum et il est bien dommage qu'elle n'ait pu être reprise d’autant que de nombreuses organisations internationales s’intéressent à ce mode de résolution des litiges pour assurer la confiance dans le commerce en ligne.

Donc pour répondre à votre question, je suis favorable au développement de la médiation judiciaire en ligne.

La Quotidienne : Seriez-vous favorable à ce que le législateur accorde, dans le cadre des procédures participatives, la force exécutoire à l’acte sous signature privée. d’avocat afin d’éviter un recours à l’homologation du juge et ainsi désengorger les tribunaux ?

S.N. C'est d'abord le juge, gardien des libertés individuelles et garant de l'ordre public qui est le mieux à même de donner force exécutoire à un accord.

Propos recueillis par Audrey TABUTEAU

Stéphane NOEL, président du TGI de Créteil



© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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