Après l’exécution de travaux sur un navire en vertu d’un contrat de sous-traitance, un litige naît entre l’entrepreneur principal et le sous-traitant sur le prix facturé, le premier refusant de payer un surcoût invoqué par le second. Ce dernier demande alors l’annulation du contrat pour défaut de fourniture par l’entrepreneur principal d’un cautionnement pour garantir le paiement des travaux (Loi 75-1334 du 31-12-1975 art. 14, al. 1). L’entrepreneur s’y oppose, faisant valoir que le sous-traitant a exécuté le contrat et l’a ainsi confirmé.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence fait droit à la demande du sous-traitant : le contrat a été conclu sans fourniture du cautionnement et le défaut de paiement de l’intégralité des travaux au sous-traitant exclut qu’il ait confirmé le contrat entaché de nullité.
La Cour de cassation censure ce raisonnement : la violation des formalités de l’article 14, al. 1 de la loi du 31 décembre 1975, qui ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, est sanctionnée par une nullité relative, à laquelle ce dernier peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, en connaissance du vice l'affectant. Ayant constaté que le sous-traitant avait exécuté les obligations résultant du contrat de sous-traitance irrégulier, la cour d’appel devait rechercher si cette exécution n’avait pas eu lieu en connaissance du vice affectant le contrat.
A noter : 1. Les paiements dus par l'entrepreneur principal au sous-traitant d’un marché privé doivent – sous peine de nullité du contrat de sous-traitance – être garantis par un cautionnement fourni par un établissement qualifié, sauf délégation de paiement du maître d'ouvrage au sous-traitant (Loi 75-1334 art. 14, al. 1). Toute clause ou engagement contraire est nul (art. 15).
La chambre commerciale de la Cour de cassation avait déjà jugé que la nullité du contrat de sous-traitance est relative, de sorte que seul le sous-traitant peut l’invoquer (Cass. com. 19-5-1980 n° 79-10.532 et 79-10.408 D : D. 1980 p. 443 note Bénabent ; dans le même sens, Cass. com. 12-2-1991 n° 89-16.669 P : RJDA 4/91 n° 298). Elle en tire ici une autre conséquence : le contrat atteint d’une nullité relative peut être confirmé par le sous-traitant qui l’exécute en sachant qu’aucune des garanties prévues par la loi n’a été constituée à son profit. Rendue au visa de l’ex-article 1338 du Code civil, qui admettait la confirmation d’un acte nul en cas d’exécution volontaire de celui-ci, la solution est transposable sous l’empire de l’actuel article 1182 du même Code, par identité de texte.
Mais cette solution ne fait pas l’unanimité. Pour la troisième chambre civile de la Cour de cassation, devant laquelle sont portés les litiges en matière de sous-traitance de travaux de construction immobilière, le contrat de sous-traitance est nul dès l'origine du fait de l'absence de fourniture d'un cautionnement obtenu par l'entrepreneur auprès d'un établissement agréé, sauf délégation du maître de l'ouvrage, lors de sa conclusion, peu important que le sous-traitant ait rempli sa mission et reçu l'intégralité des sommes contractuellement dues avant de contester la validité du contrat (Cass. 3e civ. 18-7-2001 n° 00-16.380 D, rejetant le moyen de l’entrepreneur principal, qui invoquait l’ancien article 1338 du Code civil). Dans un arrêt de principe plus récent et se fondant sur le caractère d’ordre public des dispositions de la loi de 1975, cette chambre a jugé que le sous-traitant ne pouvait pas, une fois le contrat conclu et le cautionnement obtenu, valablement renoncer à ce dernier et en donner mainlevée à la banque garante sans qu’une délégation de paiement ou un autre cautionnement soit mis en place en remplacement (Cass. 3e civ. 14-9-2017 n° 16-18.146 FS-PBRI : BRDA 20/17 inf. 10). Voilà qui paraît exclure toute renonciation du sous-traitant au bénéfice de l’article 14 de la loi de 1975 et donc à invoquer la nullité qu’il prévoit.
2. L’annulation du contrat permet au sous-traitant d’obtenir le paiement d’un éventuel surcoût des travaux dans le cadre des restitutions, non pas au prix prévu par le contrat (généralement forfaitaire), mais à leur valeur réelle (cf. C. civ. art. 1352-8).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 15686 et 20369
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