Une société d’expertise comptable est chargée de tenir la comptabilité d’un de ses clients. Quelques mois plus tard, elle transfère sa clientèle à une association d’experts-comptables, son associé unique, dans le cadre d’une transmission universelle de son patrimoine. L’association conclut avec le client un accord amiable pour le paiement des honoraires, que celui-ci ne respecte pas. L’association lui réclame alors le paiement des sommes dues.
Condamné à payer, le client reproche à la cour d’appel de n’avoir pas recherché si la « cession » de clientèle intervenue entre la société et l’association n’a pas porté atteinte à sa liberté de choisir un expert-comptable ni s’il a donné son accord à ce changement d’expert-comptable pour l’exécution de la lettre de mission.
La Haute Juridiction rejette ces arguments.
D’une part, la clientèle de la société n’avait pas été cédée à l’association ; elle lui avait été transférée dans le cadre de la transmission universelle du patrimoine de la société à l’association, intervenue après la réunion de toutes les actions de la société comptable dans les seules mains de l'association, et la décision de cette dernière de dissoudre sa filiale, sans liquidation, conformément à l'article 1844-5, al. 3 du Code civil.
D’autre part, il résultait des éléments suivants que le client avait consenti au changement de contractant : après la transmission de patrimoine, il avait reçu dix factures sous l'en-tête commun de la société et de l’association, sans les contester ; il avait au contraire négocié avec l’association l’apurement des honoraires impayés et accepté de lui verser 650 € par mois, ce qu’il avait commencé à faire. La relation engagée par le client avec la société s'était donc poursuivie par tacite reconduction, d'année en année, avec l'association, ainsi que cela était prévu dans la lettre de mission donnée à la société.
A noter :
La cession de clientèle civile est licite à condition de ne pas porter atteinte à la liberté de choix des clients (notamment, Cass. 1e civ. 7-11-2000 n° 98-17.731 FP-PBR : RJDA 10/01 n° 953, à propos de la patientèle d’un médecin ; Cass. 1e civ. 14-11-2012 n° 11-16.439 FS-PBI : RJDA 4/13 n° 310, à propos de la clientèle d’un notaire). C’est ce principe que le client invoquait en l’espèce, mais encore fallait-il qu’il y ait cession de clientèle.
La décision prise par un associé unique personne morale de dissoudre la société entraîne la transmission universelle du patrimoine social à l’associé (C. civ. art. 1844-5, al. 3). Cette transmission n’est pas assimilée à une cession des éléments composant le patrimoine (notamment, Cass. 3e civ. 9-4-2014 n° 13-11.640 FS-PB : RJDA 7/14 n° 631, excluant que le transfert d’un contrat de bail commercial dans ces conditions soit subordonné au respect des modalités de cession prévues au contrat).
Un contrat conclu en considération de la personne d'une société (comme ici le contrat entre la société d’expertise comptable et son client résultant de la lettre de mission) prend fin au plus tard par l'effet de la dissolution de celle-ci, sauf accord contraire du cocontractant (Cass. com. 7-6-2006 n° 05-11.384 FS-PBR : RJDA 11/06 n° 1149 ; Cass. com. 11-3-2020 n° 18-20.064 F-D : RJDA 7/20 n° 373). En l’espèce, le comportement du client démontrait qu’il avait accepté la substitution de cocontractant.