Par Philip SERVAJEAN, avocat honoraire, et Gwenael GAUTHIER, avocat chez VATIRIS Avocats
Réalise une prestation à titre onéreux entrant dans le champ d’application de la TVA, le créateur d’une dénomination et d’un logo qui renonçant à se prévaloir d’une décision de justice lui reconnaissant le droit à la protection des droits d’auteur, concède ce droit moyennant le paiement d’une somme qualifiée d’indemnité transactionnelle et de compensation du préjudice subi.
CAA Bordeaux 9-7-2020 n° 19BX03597
Un pharmacien a obtenu au terme d’une procédure judiciaire l’interdiction pour un réseau concurrent d’utiliser une dénomination et un logo associé qu’il avait créés et ce au titre de la protection des droits d’auteur.
A la suite de cette décision de justice, le pharmacien a signé avec le réseau concurrent un protocole d’accord transactionnel autorisant ce dernier à utiliser la dénomination et le logo moyennant le versement de la somme d’un million d’euros à titre d’indemnité transactionnelle et de compensation du préjudice subi, les deux parties renonçant pour l’une au bénéfice de la décision de la cour d’appel, et pour l’autre à se pourvoir en cassation .
La CAA juge que l’indemnité d’un million d’euros a pour contrepartie la renonciation par le pharmacien à se prévaloir de la décision de justice lui reconnaissant le droit à la protection des droits d’auteur qu’il détient et l’autorisation qu’il donne en tant que créateur de la dénomination et du logo au réseau concurrent de les utiliser pour les besoins de leur exploitation commerciale.
En concédant ce droit d’utilisation moyennant paiement d’une somme, le pharmacien a réalisé une prestation à titre onéreux entrant dans le champ d’application de la TVA et ce alors même que la transaction qualifie la somme de compensation du préjudice subi.
Le Conseil d’Etat juge qu’il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil Constitutionnel la QPC soulevée par un redevable qui soutenait qu’en subordonnant le bénéfice du régime de taxation sur la marge applicable aux cessions de terrains à bâtir à la réunion de deux conditions cumulatives, l’article 268 du CGI tel qu’interprété par la Haute Assemblée méconnaitrait les principes d’égalité devant la loi et les charges publiques.
CE 16-7-2020 n° 435464
Le Conseil d’Etat casse l’arrêt de la CAA qui a jugé qu’un particulier qui ayant acquis un ensemble immobilier composé d’un chalet et de son terrain d’assiette ,a revendu comme terrain à bâtir la même parcelle ,grevée d’un immeuble inachevé , était fondé à bénéficier du régime de taxation sur la marge ,ce régime étant subordonné à la seule condition que l’acquisition du bien cédé n’ait pas ouvert droit à déduction de la taxe et en jugeant sans incidence sur sa mise en œuvre la circonstance que les caractéristiques du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente.
A cette occasion, le Conseil d’Etat rappelle que les dispositions de l’article 268 du CGI lues à la lumière de l’article 392 de la directive du 28 novembre 2006 n’ouvrent la possibilité d’asseoir la TVA sur la différence entre le prix de vente et le prix d’achat que dans la seule hypothèse de la livraison d’un terrain à bâtir acquis comme tel en vue de sa revente ,lorsque l’assujetti n’a pas eu de droit à déduction à l’occasion de l’acquisition ; corrélativement, l’opération de vente d’un terrain à bâtir acheté comme immeuble bâti est passible de la TVA sur la prix de vente total.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat juge qu’il n’y a pas lieu de renvoyer devant le Conseil Constitutionnel la QPC soulevée par le requérant.
N’entrent pas dans le champ d’application de la TVA, les subventions publiques perçues par un gestionnaire d’activités sportives payantes de basket-ball et ce dès lors qu’elles présentent un caractère global et forfaitaire, sans distinguer entre les opérations d’intérêt général et les actions de promotion de l’image des collectivités locales.
CAA Versailles 10-6-2020 n° 18VE02377
La requérante qui a pour activité la gestion et l’animation d’activités sportives payantes de basket-ball a conclu :
-d’une part avec une commune une convention d’objectifs et de partenariat qui prévoit qu’en contrepartie d’une subvention, le club de la requérante conserve en première place dans sa dénomination le nom de la commune, s’engage notamment à mener des actions propres à favoriser la formation des jeunes ,à animer des stages au profit des écoles municipales, à participer à des dispositifs sportifs organisés par la ville ,à mettre en œuvre des actions en faveur du basket handisport, à fournir un contingent de places à la commune ; de son côté, la commune pourra utiliser librement l’image professionnelle du club et demander la participation des joueurs à des opérations de promotion du sport ou de valorisation de l’image de la ville ;
- d’autre part avec le département une convention qui prévoit qu’en contrepartie de la subvention ,la requérante s’engage à des activités d’intérêt général consistant notamment à former et perfectionner une élite de joueurs et d'athlètes, à développer des actions en direction des autres clubs du département ainsi que des actions de promotion de sa discipline et de formation sportive et à mener des actions en faveur du développement de la pratique d'activités physiques et sportives dans le département.
La Cour juge que les subventions reçues dans le cadre de ces conventions présentent un caractère global et forfaitaire, sans distinguer entre les opérations d'intérêt général et les actions de promotion de l'image des communes et du département. Elles ne correspondent pas à des prestations de services individualisées au profit des collectivités locales versantes et sont donc sans lien direct avec les avantages immédiats que celles-ci pouvaient retirer des actions de la requérante. Ainsi, les subventions reçues ne peuvent être regardées comme entrant dans le champ d'application de la TVA, le moyen tiré de ce que ces subventions sont soumises à cette taxe devant, être écarté.
Est déductible la TVA facturée au titre de la levée d’option d’achat d’un voilier même si ce voilier est situé en Turquie à cette date et ce dès lors que dans le cadre du contrat de crédit de bail conclu en l’espèce, c’est la remise matérielle initiale du bien effectué en France qui a rendu la TVA exigible au titre d’une livraison de biens.
CAA Bordeaux 16-6-2020 n° 18BX02182
La Cour rappelle que selon les dispositions de l'article 14 de la directive 2006/112/CE, éclairées par l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 4 octobre 2017 dans l'affaire C-164/16 Mercedes-Benz Financial Services UK, en cas de signature d'un contrat de crédit-bail, l'opération doit être considérée comme une livraison de bien rendant la TVA exigible dès la remise matérielle du bien lorsqu'il peut être déduit des conditions financières du contrat que l'exercice de l'option d'achat apparaît comme le seul choix économiquement rationnel que le preneur sera susceptible de faire le moment venu si le contrat est exécuté jusqu'à son terme.
Aussi, après avoir constaté que les échéances prévues au contrat de crédit-bail signé le 19 juillet 2007 s'élevaient au total à 550 099 euros, soit un montant supérieur à la valeur vénale hors taxe du bateau, la Cour considère que l'option d'achat que la société Bonita a exercée en octobre 2009 doit être regardée comme un choix économiquement rationnel de sa part et que la mise à disposition du bateau à la société Bonita effectuée, à La Rochelle en juillet 2007, dans le cadre du crédit-bail doit être regardée comme correspondant à la livraison de ce bien en France. En conséquence, elle juge que la vente survenue dans le cadre de l’exercice de l’option d’achat était bien assujettie à la TVA en France même si le bateau était situé en Turquie au moment de la levée d’option. Dès lors et selon la Cour, c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a jugé que la société Bonita n'était pas en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée à raison de l'achat du bateau.
Par ailleurs et sur le fondement des dispositions des articles L. 205 du livre des procédures fiscales et L. 199 du même code, la cour juge que la société requérante n'est pas recevable à solliciter devant la cour un dégrèvement excédant celui qu'elle avait initialement sollicité et ce dès lors qu’elle avait expressément accepté dans sa réclamation contentieuse les rectifications notifiées par l’Administration fiscale. Elle rappelle que la contestation soulevée en appel par la société et qui vient s'ajouter à celle figurant dans la réclamation contentieuse, porte en effet atteinte au quantum demandé au stade de cette réclamation.
Une indemnité versée en réparation des désordres constatés dans le cadre de la mise en jeu d’une garantie décennale n’entre pas dans le champ de la TVA. Lorsqu’elle invoque un paiement par compensation, une société étrangère doit fournir à l’Administration les éléments permettant de vérifier le montant de taxe déductible dont elle se prévaut (comptes de tiers et relevés bancaires).
CAA Paris 24-6-2020 n° 19PA02431
La société Hitachi Zosen Inova (HZI) demandait à la CAA de Paris d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris par lequel ce dernier avait confirmé le bien-fondé de la décision de rejet de la demande de remboursement de crédit de TVA déposée par la société au titre du mois de novembre 2015 (l’administration ayant considéré que la TVA déductible dont le remboursement était demandé n’était pas justifiée).
Sur le 1er montant de TVA dont la déduction était contestée, la Cour relève que la société Inova et la société Hitachi Zosen Inova AG (HZI) ont été condamnées solidairement à payer à la société normande de valorisation énergétique (SNVE) la somme totale de 3 043 140 euros HT, soit 3 639 595,44 euros TTC, avec intérêts, au titre de la garantie décennale des constructeurs leur incombant. Elle note également que par convention du 27 janvier 2014, les sociétés Inova et HZI ont convenu que HZI était seule responsable de ces désordres, ce qui a conduit la société Inova a établir, le 27 janvier 2014, une facture au nom de HZI pour un montant de 3 672 394 euros TTC (dont la TVA en litige d'un montant de 601 830 euros). La CAA de Paris juge que dans la mesure où le versement de la somme litigieuse trouve son origine dans la fixation, par le juge judiciaire, d'une indemnité en réparation des désordres constatés dans le cadre de la garantie décennale des constructeurs, elle ne constitue pas la contrepartie directe et la rémunération d'une livraison de bien ou d'une prestation individualisable. Dès lors, la Cour considère que, quand bien même les décisions judiciaires ont fait état d'une indemnité à verser TTC, la société Inova n'était pas autorisée légalement à faire figurer la TVA sur la facture adressée à la société HZI et que c’est donc à bon droit que la déduction de cette TVA facturée à tort a été refusée à la société HZI.
Sur le 2ème montant de TVA dont le remboursement avait été rejetée, il s’agissait de la TVA figurant sur des factures de prestations de services émises à l’attention d’HZI par la société Inova en décembre 2010, mais qui, en raison d'un litige entre ces deux sociétés, n'ont été réglées qu’en 2014 dans le cadre d’une compensation avec des dettes réciproques de la société Inova sur HZI. Pour justifier du règlement de ces factures, HZI avait produit l'avis de paiement du 29 août 2014, les factures de la société Inova venues compenser celles de HZI ainsi que l'accord de compensation du 29 avril 2015 détaillant le flux financier entre les deux sociétés et faisant état de paiements d'acomptes. La Cour a cependant considéré qu’en l'absence d'éléments permettant de suivre l'évolution des dettes réciproques des deux sociétés, tels que le comptes de tiers de la société Inova dans les écritures de la société HZI et les relevés bancaires de cette dernière, les pièces produites ne suffisaient pas à établir que le paiement de la facture litigieuse avait effectivement eu lieu dans le cadre de l’accord de compensation présenté par HZI. En conséquence, elle a confirmé le bien-fondé de la décision de rejet sur ce point.
Philip SERVAJEAN, avocat honoraire, et Gwenael GAUTHIER, avocat chez VATIRIS Avocats
Après 19 ans passés chez CMS Bureau Francis Lefebvre, Gwenael Gauthier a participé à la création de VATIRIS Avocats. Associée en charge de la fiscalité indirecte et plus particulièrement des questions de TVA et de taxe sur les salaires, elle conseille des grands groupes industriels ou de services, mais aussi des PME et des associations (sport et évènementiel), des établissements et organismes en charge de mission de service public... Elle est membre de la Commission TVA de l’Institut des avocats conseils fiscaux et co-présidente de la Commission fiscale de l’ACE.
D’abord inspecteur des impôts, Philip Servajean a passé près de trente ans au sein de CMS Bureau Francis Lefebvre, années au cours desquelles il a fait de la TVA et de la taxe sur les salaires ses spécialités. En 2013, il reprend sa liberté pour exercer sa profession en indépendant. Il est désormais avocat honoraire.