Par Philip SERVAJEAN, avocat honoraire, et Gwenael GAUTHIER, avocat chez VATIRIS Avocats
La société qui organise des sauts à l’élastique à partir d’une infrastructure fixe ne peut bénéficier du taux réduit applicable aux « jeux et manèges forains » ; il en va différemment lorsque ces prestations sont réalisées au moyen d’une grue démontable exploitée de manière itinérante.
CAA Bordeaux 20-5-2020 n° 18BX02764, EURL Cap Liberty.
L’application du taux réduit prévue par l’article 279 b bis du CGI aux recettes provenant des droits d’entrée, d’accès ou de participation aux jeux et manèges forains n’est pas subordonnée à la condition que ces jeux et manèges soient exploités dans l’enceinte d’une fête foraine .
La qualification de jeu ou de manège forain peut notamment résulter, outre du caractère ludique ou récréatif inhérent au jeu ou au manège, de ce que les installations ou les matériels utilisés sont aisément démontables ou déplaçables, de ce que l'activité est exploitée de manière itinérante par son organisateur et de ce qu'elle est semblable à celles habituellement proposées à la clientèle des fêtes foraines.
L’activité consistant à organiser des sauts à l’élastique à partir d’une infrastructure fixe (viaduc) dominant une rivière ne peut être regardée comme une activité ludique ou récréative réalisée au moyen d’installations démontables ; elle est donc passible du taux normal de la TVA.
En revanche, la même activité réalisée au moyen d’une grue démontable exploitée de manière itinérante peut être assimilée à des « jeux et manèges forains » et dès lors relève du taux réduit prévu à l’article 279 b bis du CGI.
En mobilisant des moyens analogues à ceux d’un professionnel, la requérante établit la réalité de son intention de réaliser des opérations taxables dans le cadre d’une activité d’élevage de chevaux et ce alors même qu’elle a été contrainte de retarder l’engagement de cette activité pour des raisons indépendantes de sa volonté.
CAA Lyon 3-4-2020 n° 18LY03511, Mme E…
Il résulte des dispositions nationales et communautaires, que le droit à déduction, qui prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le fournisseur, reste acquis, dès lors que l'assujetti s'est acquitté du prix des biens ou services et détient une facture mentionnant la TVA. Il en est ainsi même lorsque l'activité économique envisagée ne donne pas lieu à des opérations ouvrant droit à déduction ou lorsque l'assujetti n'a pas utilisé les biens ou services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d'une opération taxable, comme il prévoyait de le faire, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et en l'absence de toute intention frauduleuse ou abusive.
La redevable, qui a créé en 2007 une entreprise d’élevage de chevaux, avait engagé des dépenses nécessaires aux besoins de cette activité (construction d’une écurie, d’un manège, d’une sellerie d’un hangar à fourrage…). Toutefois, au cours de la période vérifiée (années 2011 à 2013), la requérante n’a comptabilisé aucun cheval dans un compte d’immobilisation, le seul chiffre d’affaires déclaré portant sur des ventes de foin. Par ailleurs, elle était salariée à plein temps dans une société tierce.
Se fondant sur ces circonstances, l’administration a contesté sa qualité d’assujettie à la TVA et a remis en cause la taxe déduite lors de la période vérifiée.
La Cour juge que les démarches accomplies démontrent que la requérante a mobilisé pour son activité d’élevage des moyens analogues à ceux d’un professionnel ; ce faisant, elle doit être regardée comme ayant établi la réalité de son intention de réaliser des opérations taxables dans le cadre d’une activité agricole d’élevage de chevaux.
Si cette activité n’a, en pratique, débuté qu’en 2015, postérieurement à la période vérifiée, il résulte de l’instruction que la requérante a été contrainte de retarder son engagement pour des raisons indépendante de sa volonté et tenant notamment à des retards et des malfaçons intervenus lors de la construction de l’écurie, étant observé que l’administration n’établit, ni même n’allègue , que l’absence d’opérations taxables au cours de la période vérifiée résulterait d’une intention frauduleuse ou abusive .
La requérante est donc fondée à déduire la taxe grevant les dépenses engagée dans le cadre de cette activité.
Exerce une activité économique soumise à la TVA, la personne physique qui cède comme terrain à bâtir, plusieurs parcelles qu’elle a fait aménager en procédant à des travaux de viabilisation, qui eu égard à leur importance, ne relèvent pas de la simple gestion d’un patrimoine privé mais caractérisent l’existence de démarches actives de commercialisation.
CE 9-6-2020 n° 432596, M. A.
Pour l’application des dispositions des articles 256 et 257, I-2- 1° du CGI, le Conseil d’Etat indique que la livraison, par une personne physique, de terrains à bâtir est soumise à la TVA lorsqu'elle procède, non de la simple gestion d'un patrimoine privé, mais de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et qu'elle permet ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique.
En l’espèce, M. A a cédé en 2011 et 2012 comme terrain à bâtir, pour la somme de 1 307 400 €, dix-huit parcelles dont l'emprise globale avait été acquise entre 1977 et 1991 et qu'il avait fait aménager à compter de 2010 en procédant à des travaux de viabilisation d'un montant de 552 281,89 €, représentant plus de 40 % du prix de vente et un montant unitaire de plus de 30 000 € par parcelle.
Le Conseil d’Etat juge que la cour administrative d’appel, après avoir estimé que de tels travaux, eu égard à leur importance, ne relevaient pas de la simple gestion d’un patrimoine privé mais caractérisaient l’existence de démarches actives de commercialisation, a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, que M. A. avait exercé à raison de cette opération une activité économique soumise à la TVA.
L’administration fiscale ne peut remettre en cause pour le passé le bénéfice de l’exonération appliquée par un organisme de droit privé au titre d’une activité de formation professionnelle continue pour laquelle il avait sollicité et obtenu l’attestation visée à l’article 261, 4-4° du CGI.
CE 10-3-2020, n° 437592, IFKA
Pour l’application des dispositions du a de l’article 261, 4-4° du CGI, le Conseil d’Etat indique que l’attestation délivrée par l'autorité administrative compétente est une décision créatrice de droits qui conduit à l’exonération de TVA des activités déclarées comme entrant dans le champ de la formation professionnelle continue.
Lorsque l’administration entend remettre en cause le bénéfice de cette exonération au motif que l’activité déclarée ne relève pas de la formation continue, le Conseil d’Etat indique qu’elle ne peut le faire qu'à raison des opérations réalisées à compter de l'abrogation de l'attestation par l'administration qui l'a délivrée (sauf si l’attestation a été obtenue par fraude). Il ajoute toutefois qu’à défaut d'abrogation, l'administration fiscale a également le pouvoir de remettre en cause le bénéfice de l'exonération à raison des opérations réalisées à compter de la notification, à l'intéressé, des résultats du contrôle mais que le bénéfice de l'exonération de TVA ne saurait, en revanche, être remis en cause pour la période antérieure.
Un particulier qui réalise, sur 3 ans et pour un montant de 186 170 €, des ventes de vins portant sur plus de 300 bouteilles exerce une activité commerciale assujettie à la TVA.
CAA Douai 2-4-2020 n° 17DA02225, M. A
La Cour considère que la revente par M. A de vins de grand crus relevait de l’exercice d’une activité économique assujettie à la TVA. La Cour se fonde sur le nombre d'opérations de ventes effectuées par le contribuable, leur fréquence sur la période de trois ans considérée et leur montant (qui représentait plus du double des revenus retirés de l’activité salariée de M. A).
La Cour juge que les dispositions de l’article du I de l'article 297 A du CGI qui prévoit un régime de TVA sur marge pour les négociants en biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité acquis auprès de non-redevable de la TVA ne sont pas applicables au cas d’espèce et ce dès lors qu’il n'est pas allégué que les bouteilles de vins cédées par M. A...(dont les modalités d'entrée en sa possession ne sont pas établies), présenteraient le caractère de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité au sens et pour l'application des dispositions de l'article 98 A de l'annexe III à ce Code prises pour l'application du 1° du I de l'article 297 A du CGI.
La Cour juge qu’une société holding est en droit de récupérer la TVA ayant grevé des honoraires d’avocats supportés à la suite d’une cession de titres dès lors que la société établit que les frais en cause n’ont pas été inclus dans le prix de cession des titres et ce même si l’opération de cession revêt un caractère purement patrimonial.
CAA de Nancy 8-4-2020 n° 18NC03242, SARL Saint-Exupéry Holding
La SARL Saint-Exupéry Holding était venu se substituer à Monsieur D..B.. qui s’était engagé auprès de la société PSP, à céder et à apporter à la société Metland les titres d’une société dont il détenait 100 % du capital, et à recevoir, en contrepartie de l’apport, des titres de la société Metland que la société PSP s’engageait elle-même à lui racheter.
Un litige étant ensuite survenu sur le règlement du prix de cession et sur le rachat par PSP des titres Metland, la SARL Saint-Exupéry avait engagé d’importants frais d’avocats et d’instance dans le cadre de ce contentieux. L’administration fiscale avait remis en cause la récupération de la TVA grevant les dits frais et le tribunal administratif de Strasbourg avait donné raison à l’administration fiscale au motif que les frais avaient été engagés à l’occasion d’une opération de cession de titres présentant un caractère patrimonial.
La cour juge que le tribunal administratif de Strasbourg avait à juste titre regardé l'ensemble des opérations de cessions devant être réalisées par la société holding comme présentant un caractère patrimonial puisque les titres reçus (en échange des titres qu’elle avait elle-même cédés) n’avaient pas vocation à être conservés mais devaient être cédés à PSP.
Toutefois, la cour considère que la société était néanmoins en droit de déduire la TVA ayant grevé ces dépenses au titre de ses frais généraux et, ce, dès lors qu’il résulte des éléments apportés par la requérante ainsi que de la chronologie des opérations (les frais d'avocats et d'instance ayant été exposés postérieurement à la convention de cession), que ces frais n’ont pas été compris dans le prix de cession des titres.
La Cour juge qu’une opération de cession portant sur une partie des lots copropriété issus de la division d’un immeuble après d’importants travaux de rénovation ne relève pas de la simple gestion patrimoniale mais correspond à l’exercice d’une activité économique. Ces cessions doivent être soumises à la TVA du fait de l’option mentionnée dans les actes authentiques de vente.
CAA PARIS 19-5-2020 n° 19PA01072, SCI Guimel
La SCI Guimel, qui exerce notamment une activité d'achat et de revente de biens immobiliers, a acquis le 15 mars 2010 un immeuble dans lequel elle a effectué d'importants travaux de rénovation et qu’elle a ensuite divisé en plusieurs lots de copropriété. Elle a revendu cinq de ces lots au cours des années 2011 et 2012 et mis en location les appartements et locaux restants. La cour considère que ces opérations de cession n'ont pas été réalisées dans un cadre patrimonial, mais se rattachent à l'activité économique exercée par la société Guimel.
Selon la cour, le fait que les actes mentionnent que " le prix de vente s'entend TVA sur la marge comprise" et que "le vendeur assujetti à la TVA au sens de l'article 256 A du CGI déclare opter pour la TVA conformément aux dispositions de l'article 268 du même Code, et ce, sur la marge" emporte exercice de l'option prévue au 5° bis de l'article 260 du CGI et donc renonciation à l’exonération de TVA applicable aux cessions d’immeubles achevés depuis plus de 5 ans. La cour considère que dès lors qu’elle a signé les actes authentiques, la SCI Guimel ne saurait valablement prétendre que cette option a été prise à son insu par le notaire.
Philip SERVAJEAN, avocat honoraire, et Gwenael GAUTHIER, avocat chez VATIRIS Avocats
Après 19 ans passés chez CMS Bureau Francis Lefebvre, Gwenael Gauthier a participé à la création de VATIRIS Avocats. Associée en charge de la fiscalité indirecte et plus particulièrement des questions de TVA et de taxe sur les salaires, elle conseille des grands groupes industriels ou de services, mais aussi des PME et des associations (sport et évènementiel), des établissements et organismes en charge de mission de service public... Elle est membre de la Commission TVA de l’Institut des avocats conseils fiscaux et co-présidente de la Commission fiscale de l’ACE.
D’abord inspecteur des impôts, Philip Servajean a passé près de trente ans au sein de CMS Bureau Francis Lefebvre, années au cours desquelles il a fait de la TVA et de la taxe sur les salaires ses spécialités. En 2013, il reprend sa liberté pour exercer sa profession en indépendant. Il est désormais avocat honoraire.