Un bailleur délivre un congé pour reprise à son locataire puis l’assigne en validation de ce congé, en expulsion et en paiement d’une indemnité d’occupation.
Le locataire conteste la validité du congé pour absence de justification, dans le corps de l’acte, de l’intention du bailleur de reprendre les lieux et pour ineffectivité de la reprise.
La cour d’appel accueille la demande du bailleur. D’une part, la prescription de la justification, dans le congé, du caractère réel et sérieux de la décision de reprise, à titre de condition de forme, n’est pas édictée à peine de nullité. D’autre part, il peut être tenu compte, pour déduire le caractère réel et sérieux de l’intention du bailleur, d’éléments postérieurs à la délivrance du congé dès lors qu’ils sont de nature à établir cette intention.
La Cour de cassation confirme.
A noter :
Le bailleur donnant congé à son locataire afin de reprendre le logement doit justifier du caractère réel et sérieux de sa décision (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15). La justification formelle dans le congé du caractère réel et sérieux de cette reprise n’est pas prescrite à peine de nullité. La solution retenue est conforme à l’article 114 du Code de procédure civile et, plus généralement, à l’adage « pas de nullité sans texte » (Cass. 3e civ. 14-3-1990 n° 88-18.536 : D. 1990 IR 90 ; Cass. 3e civ. 21-2-1990 n° 88-16.788 ; Cass. 3e civ. 15-5-2008 n° 07-10.243 : BPIM 5/08 inf. 396).
Il reste que l’article 15 de la loi de 1989 indique également que le juge peut déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes. La contradiction avec la solution retenue n’est qu’apparente car il faut distinguer le contrôle a priori de la reprise (le bailleur a-t-il, formellement dans son congé, justifié sa décision de reprise ?) du contrôle a posteriori (le bailleur a-t-il effectivement repris les lieux pour les habiter ?).
En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues par la loi (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15) et déterminer le moment auquel il convient de se placer pour apprécier la bonne foi du bailleur dans son intention de reprendre les lieux. En l’espèce, le bailleur, devenu veuf, souhaitait retourner vivre dans sa région d’origine auprès de ses proches en établissant sa résidence principale dans le logement loué, tout en conservant une résidence secondaire dans le Sud. Le refus des locataires de quitter les lieux et la contrainte d’intenter une action en justice ont retardé d’autant le moment pour le bailleur de s’inscrire sur les listes électorales de sa nouvelle commune, ce qu’il a fait un an après la délivrance du congé, de réaliser des travaux importants dans son logement et de souscrire des contrats d’eau, de gaz et d’électricité et un abonnement internet. En approuvant la décision des juges du fond, la Cour de cassation valide leur raisonnement d’appeler à la rescousse des évènements postérieurs à la délivrance du congé et de s’adapter à la situation de fait, qui nécessite une certaine souplesse d’analyse.