Une parcelle fait l’objet d’une propriété démembrée. Elle est classée en zone A du plan local d’urbanisme (PLU), en zone Natura 2000 et en zone rouge du plan de prévention des risques inondations. Sur cette parcelle, le nu-propriétaire consent un bail et la société locataire entreprend en toute irrégularité des travaux d’exhaussement. La commune assigne le nu-propriétaire et l’usufruitier de la parcelle ainsi que la société locataire afin d’obtenir la suspension des travaux et la remise en état des lieux. Tous sont condamnés. Le nu-propriétaire et l’usufruitier contestent la décision, ni l’un ni l’autre n’étant l’auteur des travaux irréguliers.
Leur pourvoi est rejeté. La Cour de cassation rappelle que le Code de l’urbanisme permet à la commune de saisir le tribunal de grande instance d’une action civile en vue de faire ordonner la remise en conformité des lieux (C. urb. art. L 480-14) et dans l’affaire jugée, les travaux irréguliers sont imputables :
- à la société locataire qui les a entrepris ;
- au nu-propriétaire qui a consenti « en parfaite connaissance de cause » un bail pour y exercer une activité de transformation de matériaux et de concassage incompatible avec le classement de la parcelle en zone agricole ;
- à l’usufruitier de la parcelle, qui en percevait les revenus et était ainsi bénéficiaire des travaux irréguliers réalisés.
Dans ces conditions, leur condamnation in solidum est justifiée.
A noter : En droit pénal de l’urbanisme, parmi les personnes susceptibles d’être condamnées pour la réalisation de travaux irréguliers, figure le bénéficiaire des travaux (C. urb. art. L 480-4). Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a jugé que le propriétaire d’un terrain était bénéficiaire des travaux entrepris illégalement par son locataire ; sa responsabilité pénale a donc été engagée, alors même qu’il n’était pas l’auteur de l’ouvrage illégal (Cass. crim. 24-10-2017 n° 16-87.178 F-PB : BPIM 6/17 inf. 395).
Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation procède à la transposition au civil de la solution rendue au pénal, tout en l’affinant puisqu’il s’agit d’une propriété démembrée. L’usufruitier, qui perçoit les revenus locatifs, est jugé bénéficiaire des travaux et, à ce titre, il est tenu de remettre les lieux en l’état, tout comme le nu-propriétaire qui a signé un bail dont il savait que l’objet était incompatible avec le classement de la parcelle en zone A, et le locataire, auteur des travaux irréguliers.
Juliette COURQUIN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Urbanisme construction n° 16905