Par plusieurs actes de donation successifs établis entre 1994 et 2001, les époux G transmettent à leurs enfants la nue-propriété d’actions composant le capital de deux sociétés A et B. En mai 2010, la nue-propriété d’une partie des actions de la société A est de nouveau transmise à titre gratuit par l'un des donataires au profit de ses propres enfants. Le 15 juin 2010, l’usufruit et la nue-propriété de la totalité des titres démembrés des sociétés A et B sont cédés à un tiers. Le 9 juillet 2010, les cédants concluent une convention de quasi-usufruit conférant aux époux G, précédemment usufruitiers des titres cédés, les droits de disposition du quasi-usufruit pour l’ensemble des sommes subsistant du prix de vente.
Compte tenu de cette convention de quasi-usufruit, l’administration fiscale considère que la totalité de la plus-value dégagée à l’occasion de la cession conjointe des titres démembrés est imposable au nom des époux G.
La cour administrative d’appel de Paris ne partage pas cette analyse. Elle rappelle qu’en cas de cession simultanée pour un prix commun de titres dont la propriété est démembrée, le prix de cession global se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf convention contraire des parties pour reporter l’usufruit sur le prix. Elle constate qu’il résulte de l’instruction que ni les actes de donation successifs, ni le contrat de cession des titres du 15 juin 2010, ni aucune convention antérieure ou simultanée à la cession n’ont attribué aux requérants des droits de quasi-usufruit sur le prix de vente des actions cédées. Elle juge donc que c’est à tort que l’administration a décidé d’imposer au nom des époux G, usufruitiers des titres, la plus-value litigieuse pour une part excédant leur part d’usufruitier sur le prix de cession de ces titres.
À noter : 1. En principe, la cession conjointe de leurs droits par le nu-propriétaire et l’usufruitier de titres démembrés dégage une plus-value imposable au nom de chacun des titulaires des droits démembrés, à hauteur de leurs droits respectifs. Toutefois, lorsque le nu-propriétaire et l’usufruitier conviennent (ou ont convenu lors d’une convention antérieure) ensemble que le prix de vente sera attribué en totalité à l’usufruitier dans le cadre d’un quasi-usufruit, la plus-value dégagée par l’opération est imposable au nom du seul usufruitier (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 n° 100). En l’espèce, la convention de quasi-usufruit avait été conclue, non pas antérieurement ou concomitamment à la cession, mais près d’un mois plus tard. La solution retenue par la cour, qui juge que cette convention postérieure à la cession - et donc au fait générateur de l’impôt sur la plus-value - ne modifie pas le redevable de l’impôt, doit être approuvée.
2. On notera que pour remettre en cause les opérations de donation avant cession de titres et constitution d'un quasi-usufruit sur le prix de cession, l'administration fiscale se place généralement sur le terrain de l'abus de droit. Le Conseil d'Etat lui a donné raison dans une espèce où le quasi-usufruit avait été conclu postérieurement à la cession et au mépris de la clause contenue dans l'acte de donation prévoyant le remploi obligatoire du produit de la cession dans d'autres titres eux-mêmes démembrés (CE 14-10-2015 n° 37440 : BPAT 1/16 inf. 32). Dans l'affaire jugée par la cour administrative d'appel de Paris, l'administration fiscale ne s'était pas placée sur le terrain de l'abus de droit et ne remettait pas en cause la réalité et la sincérité des opérations, mais attachait à la convention de quasi-usufruit des effets que, conclue après la vente, elle ne pouvait pas avoir.
Sophie DIDIER
Pour en savoir plus sur les règles d'imposition des plus-values de cession de titres démembrés : voir Mémento Patrimoine nos 3650 s.