D’utiles précisions viennent d’être apportées par décret à la mise en œuvre de la vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) assortie de travaux réservés par l’acquéreur, prévue à l’article L 261-15 du CCH dans sa rédaction issue de la loi Élan 2018-1021 du 23 novembre 2018 (voir sur ce point V. Zalewski-Sicard, Focus sur la Vefa après la loi Élan : SNH 41/18 inf. 5).
Le décret, entré en vigueur le 27 juin 2019, prévoit d’abord les mentions obligatoires que doit comporter le contrat préliminaire de réservation. Celui-ci doit indiquer (CCH art. R 261-26 modifié) :
- le prix prévisionnel, décomposé entre le prix de vente convenu et le coût des travaux réservés par l’acquéreur ;- les travaux réservés, chiffrés pour chacun des types de travaux ;- le délai, à compter de la signature du contrat préliminaire, dans lequel l’acquéreur peut revenir sur sa décision de se réserver l’exécution des travaux. Un mécanisme d’information à double détente est mis en place. En effet, l’acquéreur qui entend revenir sur sa décision de se réserver l’exécution des travaux en informe le vendeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou lettre recommandée électronique dans le délai stipulé au contrat (CCH art. R 261-13-2 nouveau). Le vendeur, à l’expiration de ce même délai, doit informer le notaire et le garant financier d’achèvement de la consistance des travaux réservés afin d’adapter en conséquence l’acte de vente et la garantie financière d’achèvement (CCH art. R 261-13-3 et R 261-23-1 nouveaux).Au-delà de ces modalités, le décret apporte deux précisions très attendues. Tout d’abord, l’achèvement est redéfini ! Notion sur laquelle achoppait jusqu’alors la possibilité pour l’acquéreur de se réserver des travaux en secteur protégé. Le champ du « Do it yourself » y était en effet jusqu’alors limité aux travaux de finition ne relevant pas des ouvrages et installation des éléments d’équipement indispensables à l’utilisation de l’immeuble (CCH art. R 261-1). Difficile d’imaginer dans ce cadre, d’ordre public (CCH art. L 261-10), la possibilité de livrer « brut de décoffrage ». Il convenait donc de modifier la notion d’achèvement. C’est chose faite par l’adjonction a minima d’une incise à l’article R 261-1 du CCH qui prévoit que l’immeuble est réputé achevé lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d'équipement qui sont indispensables à l'utilisation, conformément à sa destination, de l'immeuble faisant l'objet du contrat, « à l'exception des travaux dont l'acquéreur se réserve l'exécution ».
Ainsi défini, l’achèvement ressemble de moins en moins à une exigence d’habitabilité de l’ouvrage. Il se mue, non sans contradiction avec l’article R 261-1, alinéa 2 du CCH, en une sorte d’exécution conforme des travaux à la charge du vendeur. Au surplus, cette définition a des conséquences sur la garantie financière d’achèvement. En effet, le garant sera libéré dès l’exécution des travaux à la charge du vendeur, sans attendre l’exécution de ceux que l’acquéreur s’est réservés. Il conviendrait, néanmoins, d’envisager un « substitut » à cette garantie afin de remédier à une éventuelle inexécution des travaux réservés qui pourrait avoir d’importantes conséquences.
Seconde précision importante, bien au-delà des seuls travaux de finition, l’acquéreur peut se réserver des travaux d’une toute autre ampleur, comme le laissait déjà entendre l’article L 261-15 du CCH évoquant des travaux de finition ou d'installation d’équipements. Le nouvel article R 261-13-1 du CCH procède à une définition plutôt extensive des travaux réservés, en visant « des travaux de finition des murs intérieurs, de revêtement ou d'installation d'équipements de chauffage ou sanitaires, et le cas échéant du mobilier pouvant les accueillir ».
Malgré ces précisions, demeurent encore des incertitudes. Si les travaux de finition des murs intérieurs et de revêtement sont identifiés (peintures, papiers peints, parquets, etc.), il n’en va pas de même des autres travaux, potentiellement d’une toute autre ampleur et qu’un arrêté, prévu, devra mieux circonscrire. Mais d’ores et déjà on constate que pourrait être livré un logement sans sanitaire, sans système de chauffage, sans cloison intérieure (« le mobilier pouvant les accueillir »), sans revêtement de sol ni de murs… ce qui doit susciter la vigilance. En effet, eu égard à leur ampleur, la qualité d’exécution de ces travaux, voire leur inexécution par l’acquéreur pourraient avoir un impact sur le respect de règles légales, telle la RT2012, ou conventionnelles, telles les certifications sollicitées par le vendeur. Aussi, outre la nécessité de garantir ces travaux, les référentiels de certification limiteront sans doute le recours à ces travaux réservés, comme cela a pu être le cas en construction de maison individuelle.
Matthieu POUMARÈDE, Professeur de droit à l'Université Toulouse Capitole, Directeur de l'IEJUC
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Urbanisme Construction n°s 76973, 78050 et 78450