Une société vend en l’état futur d’achèvement un appartement et deux boxes à un couple de particuliers. La livraison, prévue au plus tard au cours du deuxième trimestre 2009, intervient finalement le 26 janvier 2010. Les acheteurs assignent le vendeur en indemnisation du préjudice résultant du retard de livraison.
La cour d’appel accueille leur demande, déclarant la clause de retard légitime insérée dans le contrat de vente abusive et donc nulle et de nul effet. Les juges du fond relèvent que sous le titre « causes légitimes de suspension du délai de livraison », il était stipulé qu’en cas de survenance des événements relatés au contrat, « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l’organisation générale du chantier ». En permettant un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés par le vendeur, la clause réduit de façon importante l’indemnisation due aux acquéreurs et contredit ainsi la portée d’une obligation essentielle du vendeur d’immeuble en l’état futur d’achèvement, celle de livrer le bien acheté à la date convenue et, en cas de retard non justifié contractuellement, de devoir l’indemniser. Cette clause permet donc au vendeur de limiter les conséquences d’un retard de livraison et de réduire très sensiblement l’indemnisation accordée à l’acheteur. Créant ainsi au détriment de l’acheteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de vente, la clause est abusive et doit donc être réputée non écrite (C. consom. L 132-1 ancien, devenu L 212-1 dans sa rédaction issue de l’ord. 2016-131 du 10-2-2016).
Cassation au visa du texte précité. La clause d’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu’en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l’acquéreur par une lettre du maître d’œuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de la répercussion des éléments visés sur l’organisation générale du chantier n’a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
A noter : Le contrat de vente en l’état futur d’achèvement peut prévoir une suspension ou une prolongation du délai contractuel d’achèvement dans différentes hypothèses (jours d’intempéries au sens de la réglementation du travail, faillite d’entrepreneurs, etc.) qui viendront s’ajouter aux cas de force majeure. Une telle clause dite de « retard légitime » n’est pas jugée abusive au regard du droit de la consommation (Cass. 3e civ. 24-10-2012 n° 11-17.800 : Bull. civ. III n° 152, BPIM 6/12 inf. 443). La commission des clauses abusives considère par ailleurs que la clause prévoyant un report du délai de livraison d’une durée du double des jours d’intempéries n’est pas abusive dès lors que « le relevé de ces jours est réalisé par un tiers au contrat et sur la base de relevés météorologiques publics » (Avis 16-01 du 29-9-2016). L’arrêt commenté va dans le même sens. La troisième chambre civile réaffirme ainsi le principe de validité des clauses de majoration de délai en cas de retard légitime, au sens du droit de la consommation.
Rappelons que depuis la réforme du droit des contrats, dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable déterminée à l’avance par l’une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite (C. civ. art. 1171, al. 1 issu de l’ord. 2016-131 du 10-2-2016 et modifié par la loi 2018-287 du 20-4-2018). Certains auteurs se sont alors interrogés sur la possibilité de voir la clause de retard légitime sanctionnée sur le terrain du déséquilibre contractuel significatif de droit commun dès lors que le contrat de Vefa est qualifié de contrat d’adhésion et que l’accédant est professionnel voire simple consommateur ou non professionnel (voir notamment, O. Tournafond et J.-P. Tricoire, Les contrats de construction face aux nouvelles orientations du droit des contrats : RDI 2016 p. 391). La jurisprudence n’a pas eu l’occasion de se prononcer. Mais, selon un rapport de la commission des lois du Sénat, ce dispositif instauré dans le droit commun des contrats n'aurait pas vocation à s'appliquer dans les champs déjà couverts par des droits spéciaux (Rapport Sén. n° 247 relatif à la loi 2018-287 du 20-4-2018 art. 7 ; voir également, L. Andreu, Contrat d'adhésion et clauses déséquilibrantes : SNH 15/18 inf. 13 n° 10).
Florence GALL-KIESMANN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Urbanisme Construction n° 78905