Des marchandises avaient été vendues avec réserve de propriété au vendeur jusqu’au paiement du prix par l'acheteur. Sans les avoir payées, ce dernier les avait revendues. Après sa mise en liquidation judiciaire, une cour d’appel avait condamné le sous-acquéreur à restituer au vendeur initial les marchandises ou à défaut leur prix.
La Cour de cassation a confirmé la condamnation du sous-acquéreur à payer le prix des marchandises. En cas de revente de marchandises achetées avec réserve de propriété mais demeurées impayées, le vendeur initial peut revendiquer tout ou partie du prix qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé entre le revendeur et le sous-acquéreur à la date du jugement ouvrant la procédure collective du revendeur (C. com. art. L 624-18). La revendication du prix est donc possible si aucun règlement n’est intervenu entre le revendeur et le sous-acquéreur avant ou après l’ouverture de la procédure collective, ce qui était le cas en l’espèce.
En revanche, la revendication des marchandises elles-mêmes était impossible. Elle n’est, en effet, admise que si les marchandises se retrouvent en nature dans le patrimoine de l’acheteur initial à la date d'ouverture de sa procédure collective (application de l’article L 624-16 du Code de commerce). En l’espèce, la cour d’appel avait estimé que le sous-acquéreur, qui avait aussi acheté les marchandises avec réserve de propriété et qui n’en n’avait pas payé le prix, devait être considéré comme les détenant pour le compte de son vendeur. La Haute Juridiction a invalidé ce raisonnement : du fait de la revente, le sous-acquéreur ne détenait pas les marchandises à titre précaire pour le compte de son vendeur.
à noter : Dans le cadre de procédure collective de l'acheteur, la revendication des marchandises vendues avec réserve de propriété ou, en cas de revente, celle de leur prix ne sont pas exactement soumises aux mêmes conditions.
La revendication du prix des marchandises entre les mains du sous-acquéreur suppose la réunion des conditions suivantes.
Le sous-acquéreur doit avoir reçu les marchandises « en nature », c’est-à-dire dans leur état initial ; une marchandise incorporée dans un autre bien est en nature si elle peut en être dissociée sans dommage (Cass. com. 5-11-2003 n° 00-21.357 : RJDA 3/04 n° 348 ; voir aussi CA Paris 5-12-2013 n° 12/20624 : RJDA 5/14 n° 460).
Le vendeur intermédiaire ne doit pas avoir cédé sa créance sur le sous-acquéreur avant que ce dernier ait été mis en possession des marchandises (Cass. com. 14-12-2010 n° 09-71.767 : RJDA 4/11 n° 338 : voir aussi CA Paris 5-12-2013 n° 12/20624 : RJDA 5/14 n° 460). Cette cession empêche en effet la subrogation du prix de revente aux marchandises elles-mêmes.
Enfin, le prix de revente ne doit pas avoir été réglé au vendeur intermédiaire avant que celui-ci n’ait été mis en procédure collective (C. com. art. L 624-18). La Cour de cassation en avait déduit qu’il incombe au revendiquant, le vendeur initial, de prouver que le prix ou une partie du prix a été payé par le sous-acquéreur après le jugement d'ouverture de la procédure collective (Cass. com. 2-11-1993 n° 91-16.297 : RJDA 4/94 n° 452 ; Cass. com. 2-3-2010 n° 08-22.003). Contrairement à ce que soutenait le liquidateur judiciaire dans l'affaire commentée, cette exigence ne s’impose que si un paiement est intervenu, ce qui n’était pas le cas ici. La seule condition posée à l'article L 624-18 du Code commerce est l'absence de paiement du prix à la date du jugement d'ouverture. Le fait qu'il n'ait pas été payé par le sous-acquéreur ne prive pas le revendiquant du report de son droit de propriété sur la créance de prix. La revendication des marchandises elles-mêmes suppose notamment qu’elles se retrouvent en nature dans le patrimoine de l’acheteur (C. com. art. L 624-16, al. 2), qu'il les détienne lui-même ou qu'elles soient détenues par un tiers pour lui (Cass. com. 3-12-1996 n° 94-21.227 : RJDA 3/97 n° 421) ; si l’acheteur est une société, cette condition est remplie si elles se trouvent entre les mains de son dirigeant (Cass. com. 10-5-2012 n° 11-17.626 : RJDA 10/12 n° 882).
La cour d’appel avait à tort fait application de ce principe en l’espèce. La clause de réserve de propriété suspend le transfert de propriété jusqu’au complet paiement (C. civ. art. 2367) mais nullement la formation du contrat de vente (cf. Cass. com. 24-9-2002 n° 98-22.280 : RJDA 6/03 n° 602 ; CA Versailles 13-11-2003 n° 01-8374 : RJDA 8-9/04 n° 990). Celle-ci est conclue dès l’accord des parties sur le bien vendu et sur le prix (C. civ. art. 1583). Le détenteur final a bien la qualité d’acheteur.
Pour en savoir plus : Mémento Droit commercial, éd. Francis Lefebvre 2015, nos 61996 et 61976