Après avoir été président de commission du 110e Congrès des notaires de France à Marseille en juin 2014 sur le thème "Vie professionnelle et famille, place au contrat", Emmanuel Clerget, notaire à La Charité-sur-Loire (Nièvre), s’est vu remettre les clés du bureau de l’Association du Congrès des notaires de France à l'issue du 113e Congrès de Lille (lire La Quotidienne du 18 septembre 2017). Il convie ses confrères à le rejoindre de nouveau au printemps prochain sur les bords de la Méditerranée, à Cannes, pour un « voyage dans l’espace et dans le temps, une invitation à dessiner et à construire la France de demain. » À quoi le pays ressemblera-t-il en 2050 ? Pour conduire les travaux intellectuels, il a choisi comme rapporteur général Antoine Bouquemont, notaire à Reims (Marne).
Des enjeux majeurs : la production, la cohésion sociale et la qualité de vie
Explosion démographique, flux migratoire, réchauffement climatique, épuisement des énergies fossiles emportent un cortège de défis à relever en ce début de 21e siècle. Prendre en compte ces données pour dessiner le territoire de demain n’est pas suffisant. « Cette adaptation doit se faire dans un cadre contraint, celui de notre espace et de nos moyens financiers, admet Emmanuel Clerget. Elle doit également respecter une valeur devenue essentielle, la protection de l’environnement ». Quels sont les objectifs assignés à notre société pour aménager le territoire de demain ? L’équipe de rapporteurs, « infatigables arpenteurs » selon le président, a retenu deux axes de réflexion :
- le territoire, espace de production. Son organisation doit permettre de loger, de chauffer et de nourrir en quantité et qualité satisfaisantes, une population croissante dans un espace limité ;
- le territoire, espace de cohésion sociale et de vie.
Agriculture, énergie, ville et financement étudiés par quatre commissions
1e commission : l’agriculture. L’équipe a pour tâche de proposer de nouveaux modèles de détention et d’exploitation du foncier agricole, Quelles missions pour les Safer ? L’accès à la terre et l’activité doivent-ils toujours être encadrés ? Quel avenir pour l’entreprise agricole alors que le nombre d’agriculteurs n’a cessé de diminuer ? L’espace rural n’est plus seulement un espace de production, aujourd’hui il apparaît davantage comme un espace culturel et symbolique, un patrimoine collectif, ce qui modifiera le statut de l’agriculture.
2e commission : l’énergie. La transition énergétique passe par l’utilisation de nouveaux matériaux de construction pour les logements. Le bois, écologique et high tech, cumule des atouts qui en font le matériau d’avenir dans l’habitat. La forêt française qui représente un tiers du territoire et dont les ¾ sont privés est un espace stratégique. Quels modes de détention pour la forêt? Quelles conditions d’exploitation ? Comment lutter plus efficacement contre son morcellement ? Quelle efficacité pour les droits de priorité ? Quels outils pour une gestion durable ? La transition énergétique impose aussi la mise en place et le développement d’énergies nouvelles et renouvelables. Photovoltaïque, biomasse, éolien modifient les paysages. Comment mettre en place ces installations ? Avec quels contrats ? Quelles obligations en fin d’exploitation ?
3e commission : la ville. Où vivrons-nous en 2050 ? Dans de grandes villes verticales, au sud, au nord, sur le littoral ? La grande ville de demain se dessine peu à peu avec ses contraintes. Les ressources foncières diminuent et les aspirations nouvelles apparaissent (mixité sociale, végétalisation, agriculture urbaine, lutte contre l’étalement urbain, etc.). Quel avenir pour les territoires ruraux et les villes moyennes qui devront lutter pour leur revitalisation ? Celles du littoral et de montagne ?
4e commission : le financement. Quelle politique agricole commune pour demain ? Quelle fiscalité pour la forêt ? Quelles aides pour la construction et la rénovation énergétique ? Quelles compensations pour les atteintes aux espaces naturels ? « Au-delà du traitement fragmenté et compartimenté du territoire, une gestion plus globale semble aujourd’hui pertinente », relève Emmanuel Clerget. Les pouvoirs publics peuvent insuffler une vision plus cohérente dans l’aménagement du territoire par les aides publiques, la fiscalité et les incitations financières, autant de leviers pour orienter le choix des acteurs économiques.
Après les grandes mutations de la société, les notaires aborderont l’an prochain celles du territoire et, à partir des changements qu’ils constatent d’ores et déjà, ils formuleront des propositions pour un développement équilibré et durable de notre espace vital.
Alexandra DESCHAMPS
Pour en savoir plus sur les propositions phares du 113e Congrès des notaires : voir notre vidéo Le MAG du droit et du chiffre du 30 octobre 2017