Le frère d’une personne décédée en 2014 porte plainte la même année pour abus de faiblesse. Il reproche à une personne proche de son frère de l’avoir déterminé à rédiger un testament en sa faveur le 14 avril 2005.
La plainte est classée sans suite deux ans plus tard. Le frère se constitue alors partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Bordeaux, le 2 novembre 2017. Le 7 janvier 2021, le juge d’instruction rend une ordonnance de refus d'informer, considérant que les faits sont prescrits.
La cour d’appel infirme l’ordonnance, au motif que le point de départ de la prescription de l'abus de faiblesse est fixé au jour du dernier prélèvement sur le patrimoine de la victime. Le délai aurait donc commencé à courir lors de la mise en œuvre des dispositions testamentaires par l'ordonnance d'envoi en possession du legs, rendue le 17 avril 2014 par le président du tribunal de grande instance, ordonnance qui constitue le dernier prélèvement sur le patrimoine du défunt dans le cadre d'un acte unique commencé en 2005 par la rédaction du testament.
La décision est censurée par la chambre criminelle : le délai de prescription de l'action publique court, lorsque la victime de l'abus de faiblesse est un testateur, à compter de la date d'établissement du testament. La prescription était donc acquise dès le 15 avril 2008, les réformes ultérieures du droit de la prescription n’étant pas applicables.
A noter :
Par cet arrêt, la Cour de cassation refuse de considérer que l’abus de faiblesse, lorsqu’il est matérialisé par la rédaction d’un testament, se réalise au moyen de plusieurs actes dont le dernier serait la mise en œuvre du legs litigieux. Elle écarte par conséquent tout report du point de départ du délai et applique les règles de droit commun de la prescription s’agissant d’un délit instantané. Relevons qu’une solution analogue avait été adoptée en matière de vente immobilière, le délai de prescription de l'action publique débutant à compter du jour de l'acte de vente, sans possibilité de report à la date du transfert de propriété ou du paiement intégral du prix (Cass. crim. 24-5-2018 n° 17-83.780 F-D : BPAT 4/18 inf. 183).
La solution, qui pourrait sembler sévère, aurait peut-être pu aujourd’hui être contournée puisque, depuis la loi 2011-267 du 14 mars 2011, il est possible de reporter le point de départ de la prescription au jour où l’abus de faiblesse est apparu à la victime dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. La réforme de la prescription pénale du 27 février 2017 ne modifie pas cette règle. Autrement dit, il faut désormais partir du jour où la victime a été en mesure de se rendre compte qu’elle a été abusée. Un tel raisonnement, appliqué à l’espèce, supposerait toutefois que le frère ayant déposé plainte n’ait eu connaissance du testament que lors du règlement de la succession de son frère et qu’il ait personnellement souffert de l’infraction (Cass. crim. 22-1-2020 n° 19-82.173 F-D : BPAT 2/20 inf. 80-5).