Les cadeaux d'affaires consentis aux dirigeants et salariés d'une société sont une pratique commerciale utilisée pour consolider un partenariat commercial ou fidéliser une clientèle. Bien que courante, cette pratique peut comporter des risques, tant pour celui qui offre le cadeau que pour celui qui le reçoit. L'avantage consenti peut en effet, dans certains cas, conduire à un redressement Urssaf et fiscal, voire être constitutif d'un délit de corruption ou d'un abus de bien social. C'est pourquoi les entreprises ont tout intérêt à définir des règles internes afin d'encadrer cette pratique et les salariés à les respecter, sous peine de licenciement en cas de manquement.
L'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 29 mai 2020 fournit une illustration du risque que prend le salarié qui accepte de recevoir un cadeau d'affaires de grande valeur en violation des règles internes à son entreprise.
Des tablettes numériques comme cadeaux
En l'espèce, un assistant d’achat d’une fonderie se voit proposer de la part d’un fournisseur deux tablettes numériques d’une valeur de 798 euros.
En application du code de conduite professionnelle, le salarié ne pouvait accepter que des cadeaux d’affaires « de valeur raisonnable » et devait, en cas de doute, interroger son responsable hiérarchique. Lors de formations dispensées en interne sur l’éthique, la déontologie et la lutte anti-corruption, il lui avait été rappelé, à de nombreuses reprises, que les cadeaux personnels étaient à proscrire, sauf situations exceptionnelles telles qu’une naissance, et que seuls les cadeaux d’une valeur se situant aux alentours de 20 euros pouvaient être acceptés.
Le salarié accepte cependant les cadeaux du fournisseur et tente de le cacher à sa hiérarchie en demandant expressément à ce que lesdits cadeaux lui soient livrés à son domicile. Les faits sont découverts de façon fortuite par le contrôleur financier qui, à l’occasion d’une commande d’un nouveau GPS auprès du fournisseur, apprend qu’il ne peut bénéficier d’aucun cadeau car l’assistant d’achat a déjà commandé des lots.
Ne pouvant tolérer de tels manquements, l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire. Il apprend alors que ce n’était pas la première fois que le salarié avait commandé et reçu à son domicile un cadeau (en l’occurrence, une tablette numérique d’une valeur de 159 euros) du même fournisseur sans en informer sa hiérarchie. Ces manquements graves, répétés et délibérés conduisent l’employeur à le licencier pour faute grave.
Des manquements graves à l’obligation de loyauté causant un préjudice à l’employeur
Pour la cour d’appel, qui confirme le jugement de première instance, le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié car les graves manquements du salarié à son obligation de loyauté sont caractérisés et ont causé un préjudice à l’entreprise.
Elle relève en effet que le salarié avait accepté personnellement des cadeaux d’un montant important d’un fournisseur à deux reprises, et en toute discrétion, en dépit des exigences d’intégrité en vigueur au sein de la société dont il avait parfaitement connaissance. Elle constate également que par ses manquements, il avait :
- perturbé potentiellement les règles encadrant le choix du fournisseur et ce, nécessairement au préjudice de son employeur dont l’image est en outre ternie ;
- privé l’entreprise de gratification qu’elle entendait utiliser pour son compte ;
- fait peser sur elle un risque de redressement eu égard à l’avantage en nature indûment octroyé, qui demeure soumis à cotisations sociales suivant l’article L 242-1-4 du CSS.
Le salarié avait tenté de minimiser la gravité de sa faute en faisant valoir plusieurs circonstances atténuantes : absence d’antécédents disciplinaires, ancienneté (18 ans) et non-réception des deux tablettes d’une valeur de 798 euros. Mais pour la cour d’appel, de telles circonstances ne pouvaient pas être retenues dans la mesure où :
- l’évaluation globalement positive du salarié et son ancienneté ne peuvent pas atténuer la gravité de la faute commise ;
- il importe peu que le salarié n’ait finalement pas reçu les deux tablettes puisque cette situation est indépendante de sa volonté en raison soit du blocage de la commande par le contrôleur financier, comme il l’atteste, ou de l’absence de disponibilité des produits.
A noter : Par le passé, des cours d'appel ont rendu des décisions validant le licenciement de salariés ayant accepté un cadeau ou une somme d'argent de la part d'un fournisseur. Un tel manquement a tantôt été qualifié de faute grave (voir par exemple CA Versailles 12-3-2013 n° 11/04740 pour le licenciement d'un gestionnaire de ventes ayant accepté une somme d'argent de la part d'un fournisseur) ou de faute simple, constitutif d'une cause réelle et sérieuse (voir par exemple CA Versailles 17-3-1992 n° 91-890 pour le licenciement d'un salarié ayant accepté un cadeau de la part d'un fournisseur en l'absence d'intention frauduleuse), voire de faute lourde (voir par exemple CA Paris 26-11-2009 n° 08-1424 pour le licenciement d'un directeur de clientèle ayant utilisé sa fonction en vue de se voir rétrocéder une somme d'argent de la part d'un fournisseur).
Elodie EXPERT
Pour plus d'illustrations de comportements fautifs du salarié liés à l'acceptation de cadeaux : Voir notre Documentation experte du Navis Social : NB-I-74520 s.
Pour en savoir plus sur le régime fiscal des cadeaux d'affaires : voir notre vidéo
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