En cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle liée à la faute inexcusable de l'employeur, le salarié a droit à une majoration de la rente d'incapacité permanente. Celle-ci indemnise notamment les pertes de gains professionnels futurs et les incidences professionnelles de l'incapacité.
Si cet accident ou cette maladie se traduit par un licenciement pour inaptitude physique, le salarié bénéficie d'une indemnité spéciale de licenciement. Mais il ne peut pas prétendre, devant le juge prud'homal, à l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de son emploi et/ou de ses droits à retraite. C'est ce que décide la Cour de cassation dans un arrêt du 6 octobre 2015 qui opère un revirement de sa jurisprudence.
La chambre sociale revient sur sa jurisprudence
Depuis 2006, la chambre sociale de la Cour de cassation jugeait que le salarié licencié pour inaptitude physique résultant d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur pouvait être indemnisé à raison du préjudice résultant de la perte de son emploi et/ou de ses droits à retraite (Cass. soc. 17-5-2006 n° 04-47.455 ; Cass. soc. 26-10-2011 n° 10-20.991).
Le service de documentation de la Cour de cassation avait justifié cette décision par le fait que les dispositions du Code de la sécurité sociale ne prennent pas réellement en compte le cas particulier de la faute inexcusable qui, non seulement provoque la maladie professionnelle, mais encore impose le licenciement pour inaptitude. Pour la chambre sociale de la Cour, il convenait en conséquence d'admettre que le salarié puisse exercer parallèlement à son action devant les juridictions de sécurité sociale, une action sur le terrain du droit commun afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice lié à la perte de son emploi.
Par son arrêt du 6 octobre 2015, la chambre sociale abandonne cette jurisprudence. Elle se range en effet à l'avis de la chambre mixte de la Cour de cassation qui, saisie d'un litige similaire, a jugé que la perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude physique, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée, laquelle présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et les conséquences de l'incapacité du salarié (Cass. ch. mixte 9-1-2015 n° 13-12.310).
Une compétence exclusive des juridictions de sécurité sociale
La réparation des conséquences de l'accident du travail, y compris lorsqu'il se traduit par un licenciement pour inaptitude physique, relève donc de la compétence exclusive des juridictions de sécurité sociale.
La victime de l'accident du travail dû à une faute inexcusable de l'employeur a droit à une rente d'incapacité permanente majorée. Elle peut également obtenir, devant la juridiction de sécurité sociale, réparation de tous les dommages qu'elle a subis, à condition qu'ils ne soient pas déjà couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale (Cons. const. 18-6-2010 n° 2010-8 QPC). Elle peut ainsi être indemnisée notamment au titre des souffrances physiques et morales et des dépenses d'aménagement de son logement (Cass. 2e civ. 30-6-2011 n° 10-19.475) ou des frais exposés à raison de l'assistance de son médecin lors des opérations d'expertise (Cass. 2e civ. 18-12-2014 n° 13-25.839).
Rappelons toutefois que le juge prud'homal reste compétent pour statuer sur la légitimité du licenciement pour inaptitude physique du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Si le licenciement est jugé abusif, le salarié peut obtenir une indemnité au moins égale à 12 mois de salaire. La Cour de cassation a précisé que cette indemnité comprend nécessairement l'indemnisation de la perte d'emploi, y compris lorsque l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur (Cass. soc. 29-5-2013 n° 11-28.799).