Plus d’une personne sur cinq est victime de violence ou de harcèlement au travail, selon une étude mondiale de 2022 de l’Organisation internationale du Travail. Nouvelle illustration avec un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui juge une affaire de harcèlement sexuel commis par un supérieur hiérarchique.
L’originalité de cette décision réside dans l’un des arguments de défense avancé par l’auteur présumé. Ce dernier argue notamment devant les juges d’appel qu’il serait victime d’un phénomène de libération de la parole, en lien avec le mouvement « Metoo ». Changement d’époque, changement de ton ? Le salarié auteur peut-il être entendu sur ce point ?
Des baisers volés et une drague pesante
Dans cette affaire, le salarié est accusé de harcèlement sexuel à l'encontre de plusieurs salariées de l'association. Les victimes dénoncent des comportements tels que des propos déplacés ou liés à leur physique, masqués sous le ton de l’humour, des tentatives de baisers volés, des avances non désirées et un climat général de drague lourde persistante.
En réponse à ces faits, l’employeur diligente une enquête interne permettant de recueillir le témoignage de plusieurs salariés.
De son côté, entre autres arguments, le salarié en cause dénonce le manque de preuves et s’estime victime d’un « complot » et d’une « propagande calomnieuse » inspirée du mouvement « #Metoo ». Il conteste chaque témoignage, affirme qu’il est « connu pour son humour sain » et soutient même, à propos d’une de ses accusatrices, que c’est elle qui lui aurait fait des avances, ce qui l’a « surpris et gêné ».
Un schéma récurrent de harcèlement
La cour d’appel se prononce alors à la lumière de la définition du harcèlement sexuel prévue à l’article L 1153-1 du Code du travail qui suppose notamment des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés portant atteinte à la dignité du salarié, en raison de leur caractère dégradant.
Après avoir examiné les éléments en présence, la cour constate que les témoignages des employés sont particulièrement nombreux, précis, circonstanciés et concordants. Ces derniers mettent en exergue les agissements déplacés et dégradants du salarié envers des collègues de rang hiérarchique inférieur, provoquant gêne et malaise. Le contexte de révélation des faits ne met en évidence aucune incohérence chronologique, et le salarié ne démontre pas que ses collègues auraient témoigné sous une quelconque pression de l’employeur.
Face à ces preuves, l’argument du « complot » est balayé. Selon les juges, l’intéressé ne peut pas valablement alléguer se trouver victime du contexte de libération de la parole en lien avec le mouvement « #Me Too ». Les juges soulignent, en revanche, que l’employeur apporte la preuve d’un harcèlement sexuel répété, systématiquement exercé à l’encontre de femmes d’un niveau hiérarchique inférieur au sien.
Ils en concluent que la gravité des faits de harcèlement sexuel retenus justifie bien le licenciement de l’intéressé pour faute grave, privative d'indemnités.
Documents et liens associés
CA Aix-en-Provence 19-4-2024 n° 21/02932
Retrouvez toute l'actualité sociale décryptée et commentée par la rédaction Lefebvre Dalloz dans votre Navis Social.
Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis Social à distance
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Social pendant 10 jours.