L’article L 2232-30 du Code du travail prévoit que la convention ou l’accord de groupe doit fixer son champ d’application qui peut être constitué de tout ou partie des entreprises constitutives du groupe.
Ce principe est rappelé par la Cour de cassation dans une série de décisions rendues le même jour, dont l’une est destinée à être publiée dans son bulletin d’information ainsi qu’au bulletin des arrêts des chambres civiles, les deux autres n'étant que diffusées (Cass. soc. 21-3-2018 n° 16-24.213 et 17-10.838 FS-D).
Un accord signé par le DRH groupe et traitant de la situation des salariés du groupe, sans distinction…
En l’espèce, des salariés engagés initialement par la société Banque Nationale de Paris, devenue BNP Paribas, puis passés au service de la société BNP Paribas Guadeloupe, reprochaient à leur ancien employeur de ne pas leur avoir versé l’intégralité de l’indemnité de fin de carrière à laquelle ils prétendaient.
Au soutien de leurs demandes, ils revendiquaient l’application d’un accord collectif conclu en 2002 par la société mère du groupe BNP au motif qu’il s’agissait d’un accord de groupe, ce que contestait la société BNP Paribas Guadeloupe.
Cet accord, modifié par un avenant de 2006, prévoyait pour tout collaborateur d’origine BNP une prime de fin de carrière selon un barème incluant l’indemnité de départ à la retraite prévue par la convention collective de la banque et prise en charge par l’entreprise.
Pour accueillir leurs demandes, la cour d’appel s’était fondée sur deux éléments :
- le fait que l’accord avait été conclu par la société BNP Paribas, société mère du groupe, représentée par son directeur des ressources humaines groupe ;
- l’existence dans l’accord de dispositions comportant des engagements au bénéfice des salariés transférés au sein du groupe, sans que celles-ci distinguent, parmi les sociétés du groupe, celles qui étaient concernées.
Une clause de l’accord prévoyait notamment que les salariés transférés dans une société du groupe BNP devaient bénéficier du maintien intégral de leurs droits lors de leur mise en situation de préretraité ou retraité par cette société du groupe, sans modification du niveau des prestations.
De ces circonstances, les juges du fond en ont déduit que l’accord engageait manifestement l’ensemble des sociétés du groupe.
… n’est pas nécessairement un accord de groupe
Les arrêts sont cassés par la chambre sociale de la Cour de cassation. Pour elle, en effet, le raisonnement des juges du fond consistant à déduire d’un faisceau d’indices le champ d’application d’un accord collectif est inopérant. Seule compte la lettre du texte.
Ainsi, pour être qualifié d’accord de groupe, l’accord doit prévoir une clause délimitant de manière précise son champ d’application, qui peut être constitué de tout ou partie des entreprises du groupe.
A noter : l’occasion est ici donnée à la chambre sociale de la Cour de cassation de rappeler qu’une convention ou un accord collectif doit être interprété strictement (Chronique J.-Y. Frouin, « L’interprétation des conventions et accords collectifs de travail » : RJS 3/96 p. 138).
En l’espèce, faute pour l’accord de 2002 et son avenant de 2006 de définir un champ d’application particulier, ainsi que l’exigent les articles L 2222-1 et L 2232-30 du Code du travail, ils ne pouvaient pas être qualifiés d’accords de groupe, ce d’autant que, comme le relève la Cour de cassation dans ces décisions, l’avenant lui-même s’intitulait « avenant à l’accord d’entreprise du 29 novembre 2002 ».
Ainsi, s’agissant d’accords d’entreprise, la cour d’appel aurait dû en déduire qu’ils ne pouvaient engager que la société signataire - en l’occurrence la société mère - et ne bénéficier qu’aux salariés de celle-ci.
A noter : la Haute Juridiction se prononce au seul visa de l’article L 2222-1 car, à l’époque où l’accord de 2002 a été conclu, le Code du travail n’avait pas encore consacré l’existence des accords de groupe.
Elodie EXPERT
Pour en savoir plus sur les accord de groupe : Voir Mémento Social n° 51928 s.