Une société de promotion immobilière engage des pourparlers avec des vendeurs en vue de l’acquisition de parcelles non bâties. Finalement, les vendeurs décident de ne pas donner suite à l’opération. Le promoteur les assigne alors en exécution forcée de signature d’une promesse de vente et fait publier l’assignation au service de la publicité foncière. La publication de l’assignation ayant pour effet d’empêcher la vente des biens à un tiers, les vendeurs sollicitent reconventionnellement des dommages-intérêts pour procédure abusive.
La cour d’appel fait droit à leur demande. Le promoteur est condamné à verser aux vendeurs des dommages-intérêts au titre du coût de l’entretien de leur propriété qu’ils ont continué d’assumer sans perspective de vente à court terme du fait de la procédure.
La Cour de cassation confirme la décision. Elle approuve la cour d’appel d’avoir déduit des circonstances que le promoteur avait commis un abus de droit engageant sa responsabilité. La cour d’appel a constaté que le promoteur ne sollicitait pas la réitération forcée de la vente, mais la signature d’une promesse de vente sous conditions suspensives. Il a publié l’assignation au service de la publicité foncière alors qu’elle n’était pas requise à peine d’irrecevabilité de sa demande. Elle a été réalisée dans le seul but d’empêcher les vendeurs de vendre les biens à un tiers, le promoteur connaissant le projet alternatif des vendeurs de vendre les terrains à construire et la maison de maître pour un montant nettement supérieur. La cour d’appel a relevé que l’intention d’obstruction du promoteur à tout autre projet que le sien était confirmée par une lettre adressée à un cabinet d’architectes engagé par les vendeurs pour le faire renoncer à poursuivre des consultations de promoteurs pour le compte de ses clients en vue d’un aménagement de l’ensemble de leur propriété.
À noter : La liberté caractérise la situation des parties pendant la période de négociation précontractuelle (C. civ. art. 1112, al. 1). Chacune des parties est libre de poursuivre la négociation ou d’y mettre fin et n’a aucune obligation de contracter. Seul le comportement abusif ou malveillant dans le déroulement ou la rupture des négociations peut être constitutif d’une faute susceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle de son auteur. Rien de tel dans le comportement des vendeurs qui restaient libres de ne pas signer de promesse de vente avec le promoteur, ayant le projet alternatif plus lucratif de vendre leur propriété dans son intégralité, au lieu des seuls terrains à construire.
Au contraire, le fait pour le promoteur d’agir en justice dans le seul but de faire reconnaître la signature d’une promesse de vente à son profit et de publier l’assignation au service de la publicité foncière afin d’empêcher la vente des biens à un tiers était constitutif d’un abus.
Fabienne DE BEAUFORT
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Vente immobilière n° 70