La cour d'appel de Paris a déduit des circonstances suivantes que l'actionnaire majoritaire d'une société de construction mise par la suite en liquidation judiciaire avait accompli des actes positifs de gestion en toute souveraineté et en était le dirigeant de fait :
- le dirigeant de droit avait une formation de métreur et de conducteur de travaux, n'avait eu que des fonctions techniques au sein de la société ; il ne percevait pas d'indemnité de gérance mais une rémunération en tant qu'autoentrepreneur pour le suivi des chantiers ; il avait déclaré que la société avait toujours été dirigée par l'actionnaire majoritaire assisté des membres de sa famille pour la comptabilité ;
- si les contrats de travail étaient signés par le dirigeant de droit, l'actionnaire majoritaire avait imposé le recrutement de deux salariés d'une autre société lui appartenant, lesquels avaient travaillé quasi exclusivement à l'entretien du patrimoine immobilier de l'actionnaire ;
- l'actionnaire majoritaire était l'interlocuteurprincipal de l'expert-comptable, du notaire intervenant dans le montage des programmes immobiliers de la société et du courtier chargé de les commercialiser ainsi que de l'administration fiscale dans le cadre d'un contrôle qu'il avait suivi en intégralité en liaison directe avec l'expert-comptable ;
- le commissaire aux comptes s'adressait à l'intéressé pour fixer les termes de sa mission et ses honoraires, discuter d'aspects juridiques et il n'avait prévenu que celui-ci de son intention de déclencher une procédure d'alerte ;
- lors de l'audience d'ouverture de la procédure collective, la société était uniquement représentée par l'actionnaire majoritaire qui a indiqué au dirigeant de droit vouloir être le seul interlocuteur du liquidateur judiciaire.
Si le dirigeant de droit, conclut la cour d'appel, signait des documents officiels comme la déclaration de cessation des paiements, toutes les décisions étaient en réalité prises par cet actionnaire.
Après avoir relevé que l'actionnaire majoritaire avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société qui s'élevait à 5 millions d'euros, la cour d'appel l'a condamné à combler cette insuffisance à hauteur de 3 millions d'euros.
A noter : parmi les indices dont ils déduisent une direction de fait, les juges relèvent souvent le fait que la personne poursuivie est l'interlocuteur unique ou privilégié à l'égard des clients (Cass. com. 10-2-2015 n° 13-17.589 F-D : RJDA 5/15 n° 344), des fournisseurs (CA Paris 2-5-2003 n° 01-16406 : RJDA 7/04 n° 817) ou de l'expert-comptable (CA Paris 25-2-2014 n° 12/18714 : RJDA 6/14 n° 527). La situation réelle du dirigeant de droit est un autre indice : ont ainsi été pris en compte son éloignement (Cass. com. 10-2-2015 n° 13-17.589 F-D : RJDA 5/15 n° 344), son jeune âge (Cass. crim. 28-2-1983 n° 82-90.364) ou son inexpérience dans le domaine d'activité considéré (CA Paris 12-4-2002 n° 01/16515 : RJDA 10/02 n° 1030).