Les articles 4 à 8 de l'ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de Covid-19 prévoient de nouvelles mesures dérogatoires et exceptionnelles en matière d'activité partielle. A l'instar de l'ordonnance du 15 avril 2020 commentée ici, ces textes complètent et modifient l'ordonnance 2020-346 du 27 mars 2020 commentée là. Ils prévoient la possibilité pour l'employeur d'individualiser l'activité partielle sous conditions, la prise en compte des heures supplémentaires contractuelles (dans le cadre d'une convention au forfait en heures) et conventionnelles (pour les assistants maternels, les salariés des particuliers employeurs et des HCR), précisent le régime social de l'indemnité complémentaire en cas de dépassement de 4,5 fois le Smic ainsi que les modalités d'indemnisation pour les salariés de droit privé par les employeurs publics (non traité ci-après).
Ces mesures exceptionnelles et provisoires s'appliquent à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à une date fixée par décret au plus tard, jusqu'au 31 décembre 2020 (Ord. 27-3-2020, art. 12).
À noter : Précisons toutefois que, afin de protéger au maximum les salariés, le Gouvernement a décidé que les nouvelles règles d’activité partielle couvriraient toutes les demandes ou/et les mises en activité partielle des entreprises effectuées depuis le 1er mars 2020 (Questions-réponses « Dispositif exceptionnel d’activité partielle »). Si ce document n’a pas de valeur juridique, on peut noter qu’il reprend les dispositions du décret du 25 mars 2020 ayant modifié le dispositif d’activité partielle, notamment les modalités de calcul de l’allocation remboursée à l’employeur. En conséquence, selon nous, dans un souci de cohérence et de simplification, toutes les mises en activité partielle effectuées ou demandées depuis le 1er mars devraient obéir au même régime unique et en partie exceptionnel. Il paraitrait incohérent de ne pas prendre en charge les salariés en forfait jours entre le 1er et le 12 mars au seul motif que les règles d’indemnisation n’étaient pas encore fixées. Nous invitons par prudence les employeurs ayant mis des salariés en activité partielle avant le 12 mars 2020 et concernés par ces nouvelles mesures à prendre contact avec leur Direccte.
L'individualisation de l'activité partielle est possible, mais encadrée
A titre exceptionnel et dérogatoire, l'ordonnance du 22 avril 2020 permet le placement en activité partielle de salariés de façon individualisée ou selon une répartition non uniforme des heures chômées ou travaillées sous conditions (Ord. 22-4-2020, art. 8 ; Ord. 27-3-2020 modifiée, art. 10 ter).
Ainsi, l’employeur peut placer une partie seulement des salariés de l'entreprise, d'un établissement, d'un service ou d'un atelier, y compris ceux relevant de la même catégorie professionnelle, en position d'activité partielle ou appliquer à ces salariés une répartition différente des heures travaillées et non travaillées, lorsque cette individualisation est nécessaire pour assurer le maintien ou la reprise d'activité, à condition que cela résulte :
- soit d’un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, d’une convention ou d'un accord de branche,
- soit après avis favorable du CSE ou du conseil d'entreprise.
L'accord ou le document soumis à l'avis du CSE ou du conseil d'entreprise détermine notamment :
- 1° Les compétences identifiées comme nécessaires au maintien ou à la reprise de l'activité de l'entreprise, de l'établissement, du service ou de l'atelier ;
- 2° Les critères objectifs, liés aux postes, aux fonctions occupées ou aux qualifications et compétences professionnelles, justifiant la désignation des salariés maintenus ou placés en activité partielle ou faisant l'objet d'une répartition différente des heures travaillées et non travaillées ;
- 3° Les modalités et la périodicité, qui ne peut être inférieure à 3 mois, selon lesquelles il est procédé à un réexamen périodique des critères mentionnés au 2° afin de tenir compte de l'évolution du volume et des conditions d'activité de l'entreprise en vue, le cas échéant, d'une modification de l'accord ou du document ;
- 4° Les modalités particulières selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés concernés ;
- 5° Les modalités d'information des salariés de l'entreprise sur l'application de l'accord pendant toute sa durée
Les accords conclus et les décisions unilatérales cessent de produire leurs effets au plus tard le 31 décembre 2020.
Les heures supplémentaires structurelles sont prises en compte
En principe, le nombre d’heures donnant lieu à versement de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle ne peut pas excéder la durée légale du travail (ou la durée conventionnelle ou contractuelle si elle est inférieure) au titre de la période considérée (C. trav. art R 5122-11, al. 1).
Dans le cadre de l’activité partielle « Covid-19 », il est déjà prévu une exception à ce principe pour les salariés soumis à un régime d’équivalence. Pour ces salariés, il faut tenir compte de la durée d’équivalence et non de la durée légale du travail (voir ici pour les modalités pratiques d'indemnisation).
L’ordonnance du 22 avril 2020 étend la prise en compte, dans les heures non travaillées indemnisables, des heures supplémentaires (Ord. 22-4-2020, art. 7 ; Ord 27-3-2020 modifiée, art. 1 bis) :
- pour les salariés ayant conclu, avant le 24 avril 2020, une convention individuelle de forfait en heures (sur le mois, la semaine ou l’année) incluant des heures supplémentaires ;
- pour les salariés dont la durée de travail est supérieure à la durée légale en application d'une convention ou d'un accord collectif de travail conclu avant le 24 avril 2020. Sont concernés notamment les salariés des Hôtels-cafés-restaurants (HCR).
De même, le calcul de l'indemnité versée au titre du placement en activité partielle d'un salarié d'un particulier employeur, peut tenir compte des heures non travaillées au-delà de la durée légale de 35 heures par semaine et jusqu’à la durée de 40 heures prévue par la convention collective nationale des salariés du particulier employeur (Ord. 22-4-2020 art. 4 ; Ord. 27-3-2020 modifiée, art. 7).
À noter : Un dispositif similaire est prévu pour les assistants maternels pour lesquels la durée conventionnelle de travail est de 45 heures.
L’indemnité complémentaire au-delà de 4,5 Smic est soumise à cotisations
Par dérogation au principe de non-assujettissement aux cotisations de l’indemnité d’activité partielle y compris en cas de complément versé par l’employeur en application d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale, lorsque la somme de l'indemnité légale d'activité partielle et de l'indemnité complémentaire versée par l'employeur est supérieure à 3,15 fois la valeur horaire du Smic, la part de l'indemnité complémentaire versée au-delà de ce montant est assujettie aux contributions et cotisations sociales applicables aux revenus d'activité dans les conditions définies aux articles L 136-1-1 et L 242-1 du CSS. Ce régime s’applique aux indemnités relatives aux périodes d'activité à compter du 1er mai 2020 (Ord. 22-4-2020, art. 5 ; Ord. 27-3-2020 modifiée, art. 11).
En clair, à compter de cette date, si le total du taux horaire de l’indemnité légale et de l’indemnité complémentaire est supérieur à 31,97 € (ce montant correspond à l’indemnité maximale susceptible d’être remboursée à l’employeur, c’est-à-dire au plafond de l’allocation d’indemnité partielle. Toutefois, selon le site internet du ministère du travail, le plafond horaire de l'allocation est de 31,98 €), la part complémentaire de l’employeur est alors soumise aux cotisations de sécurité sociale ainsi qu’à la CSG-CRDS sans écrêtement.
Attention, si l’employeur verse uniquement l’indemnité légale (70 % de la rémunération) et que le montant est supérieur à 31,98 €, celle-ci sera totalement exonérée de cotisations.
Stanislas DE FOURNOUX
Pour en savoir plus sur cette question : voir le FRS 9/20
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