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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Patrimoine/ Majeurs protégés

Précisions sur la prescription de la nullité pour trouble mental invoquée par un héritier

L’action en nullité d’un acte à titre onéreux exercée par un héritier, étant celle de son auteur, est soumise aux mêmes point de départ et causes de suspension de la prescription, de sorte que celle-ci ne court pas durant la période de tutelle précédant le décès du majeur.

Cass. 1e civ. 13-12-2023 n° 18-25.557 FS-B


Par Nathalie PETERKA, professeur à l'Université Paris-Est Créteil (Upec, Paris XII), directrice du Master 2 Protection de la personne vulnérable et du Master 2 Droit privé des personnes et des patrimoines
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©Gettyimages

Une tutelle est ouverte au bénéfice d’un homme en 2004, l’un de ses fils étant désigné administrateur légal sous contrôle judiciaire. Après le décès de son père en 2008, le fils assigne, en 2012 et 2013, diverses personnes en nullité pour insanité d’esprit d’actes notariés passés en 2001 et 2002. La question était de fixer le point de départ de la prescription et de savoir si l’on pouvait, comme l’avait fait la cour d’appel, reprocher au fils exerçant la mesure de tutelle de ne pas avoir agi, ès qualités d’administrateur légal, du vivant de son père. Le pourvoi rétorquait que la prescription de l’action des héritiers ne commence à courir qu’à compter du décès de leur auteur si elle n’a pas commencé à courir avant et qu’aucune prescription n’avait pu courir du jugement d’ouverture de la tutelle jusqu’au décès du tutélaire.

 La Cour de cassation donne raison au fils et censure l’arrêt d’appel pour violation des anciens articles 489, 489-1, 1304 et 2252 du Code civil, aux motifs que :

  • « l'action en nullité d'un acte à titre onéreux pour insanité d'esprit intentée par un héritier sur le fondement de l’article 489-1 est celle qui existait dans le patrimoine du défunt sur le fondement de l’article 489 et doit être soumise à la même prescription » ;

  • selon l’article 2252, « la prescription extinctive ne court pas contre les majeurs en tutelle ».

La prescription n'avait donc pu courir à l'encontre du majeur en tutelle, de sorte que son fils, agissant en annulation des actes litigieux en sa qualité d'ayant droit de son père, ne pouvait se voir opposer l'écoulement du délai de prescription à compter du jugement de tutelle jusqu'au décès, peu important l'action qu'il aurait pu exercer durant la mesure de protection en sa qualité de représentant légal.

A noter :

Selon Nathalie Peterka, professeure à l’université Paris-Est Créteil (Upec, Paris 12), directrice du master 2 Protection de la personne vulnérable et du master 2 Droit privé des personnes et des patrimoines, cet arrêt apporte deux précisions. 

D’abord, les héritiers de la personne vulnérable conservent la faculté d’exercer l’action en nullité des actes à titre onéreux accomplis par leur auteur de son vivant sous certaines conditions (C. civ. art. 414-2, anciennement art. 489-1), dès lors que cette action n’est pas prescrite à son décès. Leur action est celle de leur auteur et non pas celle qu’ils détenaient en leur qualité de tuteurs, ni une action propre. La solution repose sur la transmission aux héritiers des actions en justice figurant dans le patrimoine du de cujus, et la qualité de tuteur d’un héritier est à cet égard indifférente. Or, la prescription ne court pas contre les majeurs en tutelle (C. civ. art. 2235, anciennement art. 2252). En l’espèce, la tutelle ayant perduré jusqu’au décès du tutélaire, la prescription de l’action ne pouvait donc pas être opposée à son héritier. 

Ensuite, la Cour de cassation distingue le régime de la prescription de l’action en nullité pour trouble mental des actes à titre onéreux et des actes à titre gratuit. Si, dans le premier cas, l’action de l’héritier est celle de son auteur, dans le second, il s’agit d’une action autonome, dont le point de départ est reporté au décès du disposant, en raison de l’impossibilité pour les héritiers de l’introduire avant cette date, les libéralités étant le plus souvent découvertes au décès du disposant (Cass. 1e civ. 20-3-2013 n° 11-28.318 FS-PBI : BPAT 3/13 inf. 101 ; Cass. 1e civ. 29-1-2014 n° 12-35.341 F-PB : BPAT 3/14 inf. 133 ; Cass. 1e civ. 8-3-2017 n°16-12.607 FS-PB : BPAT 3/17 inf. 113). 

La distinction rejoint celle faite sur le terrain des conditions de recevabilité de l’action des ayants droit, applicables aux seuls actes à titre onéreux (C. civ. art. 414-2). Elle se justifie par la dangerosité des actes à titre gratuit pour le patrimoine successoral. Les intérêts des héritiers doivent donc être davantage préservés et l’action plus largement ouverte en présence de tels actes qu’en matière onéreuse.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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