Le directeur général d’une société avalise un billet à ordre émis par cette dernière au profit d’une banque. Après la mise en liquidation judiciaire de la société, la banque le poursuit en paiement du billet, estimant qu’il s’est engagé à titre personnel.
La cour d’appel de Montpellier rejette la demande. La banque ne pouvait pas se méprendre sur la volonté réelle du directeur général de ne donner aval qu’en cette qualité et non pas en son nom personnel. En effet, si dans un premier temps l’intéressé avait porté la mention « Bon pour aval de la signature du souscripteur » et signé l'acte de commerce en mentionnant son seul nom, il avait dès le lendemain adressé par fax un exemplaire modifié de ce billet à ordre portant la mention « Directeur général » à la suite de son nom ; cette mention correspondait exactement à celle portée sur deux actes de commerce précédemment remis pour escompte, pour lesquels la banque n’avait pas poursuivi le directeur en son nom personnel.
La Cour de cassation censure cette décision. En l'absence de tout élément accompagnant la signature d'un avaliste sur un billet à ordre, celui-ci est seul engagé comme avaliste, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il a agi en qualité de mandataire. L'original du billet à ordre comportait la signature du directeur général et la mention de son seul nom, de sorte qu'il était engagé comme avaliste à titre personnel.
A noter :
1° Solution classique transposable à l’aval d’une lettre de change par identité des textes applicables (C. com. art. L 512-4 et L 511-21).
La même personne ne peut pas, en la même qualité, intervenir à la fois comme souscripteur d'un billet à ordre ou d’une lettre de change et comme donneur d'aval de ce même effet de commerce (Cass. com. 7-4-1987 n° 85-14.624 : Bull. civ. IV n° 89 ; Cass. com. 23-3-1999 n° 96-13.709 D : RJDA 6/99 n° 718). Lorsque le représentant légal d'une société intervient à la fois comme souscripteur et comme donneur d'aval sans précision accompagnant sa signature, il est engagé personnellement à ce dernier titre (Cass. com. 7-4-1987 n° 85-14.624 : Bull. civ. IV n° 89 ; Cass. com. 6-10-1998 n° 95-13.496 P : RJDA 12/98 n° 1409), sans pouvoir apporter la preuve contraire (Cass. com. 28-6-1983 n° 82-13.006 : Bull. civ. IV n° 190). Les juges n’ont donc pas à rechercher en quelle qualité il a voulu intervenir (Cass. com. 28-6-1983 et Cass. com. 6-10-1998 précités) ni à tenir compte d’une délibération sociale précisant que l’aval a été consenti par l’intéressé en sa qualité de dirigeant (Cass. com. 28-6-1983 précité) ni, comme en l’espèce, d’une rectification qui ne figure pas sur le billet ou la lettre ou d’une pratique habituelle avec la banque escompteuse.
Le dirigeant doit donc être particulièrement attentif à la rédaction de la mention d’aval : la mention « Bon pour aval ès qualités de dirigeant de la société X » a été jugée comme écartant clairement un engagement personnel du signataire (Cass. com. 9-2-2016 n° 14-10.846 F-D : RJDA 6/16 n° 474). L’indication « Bon pour aval, le PDG » (ou le gérant, le directeur général) est à éviter car elle est ambiguë, de sorte que sa portée est interprétée souverainement par les juges du fond (Cass. com. 17-2-2021 n° 19-15.246 F-D : BRDA 9/21 inf. 14, retenant néanmoins l’absence d’engagement personnel du dirigeant comme avaliste).
2° Les principes exposés ci-dessus ne s’appliquent pas au cautionnement, qui doit être exprès (C. civ. art. 2294). Le dirigeant d’une société qui a signé un contrat d’achat en qualité de représentant de celle-ci n’est pas engagé personnellement par le cautionnement inclus dans le contrat, sauf mention non équivoque en ce sens (Cass. com. 12-10-2022 no 21-19.253 F-D : BRDA 24/22 inf. 12).
Retrouvez notre commentaire de l’ordonnance du 8 février 2023 dans le BRDA 7/23.
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