Le syndicat non représentatif doit en principe avoir des adhérents pour contester l’élection
L’article 31 du Code de procédure civile impose que le demandeur à une action en justice justifie d’un intérêt légitime à agir. S’agissant des syndicats professionnels, l’article L 2132-3 du Code du travail précise qu’ils ont le droit d’agir en justice concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
En matière de contentieux électoral, la Cour de cassation considère que, la régularité des élections professionnelles mettant en jeu l'intérêt collectif de la profession, tout syndicat, même non représentatif dans l'entreprise, qui y a des adhérents, peut en demander la nullité (Cass. soc. 18-2-1949 P ; Cass. soc. 18-5-1982 n° 81-60.746 P). Il en va ainsi même si le syndicat n’a pas participé à la négociation du protocole préélectoral et n’a pas présenté de candidats (Cass. soc. 12-7-2006 n° 05-60.353 F-PB : RJS 11/06 n° 1208 ; Cass. soc. 28-1-2015 n° 14-16.146 F-D).
Conformément à cette jurisprudence, le tribunal d’instance avait jugé irrecevable la demande d’annulation des élections présentée par des syndicats non représentatifs n’ayant pas justifié de la présence d’adhérents dans l’entreprise concernée.
Mais ce principe ne s’applique pas aux syndicats intéressés
La chambre sociale de la Cour de cassation censure la décision des juges du fond. Elle considère qu’une organisation syndicale ayant vocation à participer au processus électoral a nécessairement intérêt à agir en contestation de la régularité des élections.
Ces décisions sont rendues au visa notamment des anciens articles L 2324-4 (CE) et L 2314-3 (DP) du Code du travail, qui définissent les syndicats intéressés, c’est-à-dire ceux devant être informés de l’organisation des élections et invités à la négociation du protocole préélectoral. En conséquence, n’ont pas à justifier de la présence d’adhérents dans l’entreprise pour pouvoir contester les élections :
- les organisations syndicales qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins 2 ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise ou l'établissement concernés ;
- celles reconnues représentatives dans l'entreprise ou l'établissement ;
- les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel.
A noter : La Cour de cassation avait déjà admis, à propos d’irrégularités affectant l’invitation des syndicats par l’employeur à négocier le protocole préélectoral, l’action de syndicats représentatifs au plan national n’ayant pas d’adhérents dans l’entreprise (Cass. soc. 4-2-1997 n° 95-60.983 P ; Cass. soc. 1-4-1998 n° 96-60.433 P : RJS 5/98 n° 616).
On notera par ailleurs que figurent aussi parmi les syndicats intéressés ceux ayant constitué unesection syndicale dans l’entreprise ou l’établissement. Ceux-ci auront donc un intérêt à agir en contestation de la régularité des élections à un double titre : au titre de la possession d’adhérents, et au titre de leur vocation à participer au processus électoral.
En revanche, cette solution ne semble pas devoir s’appliquer aux syndicats ne faisant pas partie des syndicats intéressés visés ci-dessus. Pour ces derniers, la jurisprudence précitée devrait continuer de s’appliquer. Ils n’auraient donc un intérêt à agir en annulation des élections que s’ils ont des adhérents dans l’entreprise. Une confirmation de la Cour de cassation sur ce point serait la bienvenue.
La solution est transposable au CSE
Les dispositions relatives à l’information des syndicats sur l’organisation des élections professionnelles et à leur invitation à négocier le protocole préélectoral ayant été reprises pour le comité social et économique (CSE) (C. trav. art. L 2314-5), la solution retenue ici lui est transposable.
Pour en savoir plus sur l'élection de la délégation du personnel au CSE : voir Mémento Social nos 8660 s.