Un homme de nationalité française conclut avec une femme de nationalité américaine une convention de gestation pour autrui (GPA) . Un enfant naît par la suite en Californie, reconnu tant par la mère porteuse que par le père français. Celui-ci se marie avec un autre homme, avec lequel il était lié par un Pacs. Son époux forme une demande d’adoption simple de l’enfant. Débouté en première instance, il fait appel. La cour d’appel de Dijon rejette sa demande au motif que la naissance de l’enfant résulte d’une violation, par le père, des dispositions de l’article 16-7 du Code civil aux termes duquel toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle d’une nullité d’ordre public. En outre, le consentement à l’adoption du père et de la mère étant requis, les juges estiment que le consentement initial de la mère porteuse est dépourvu de toute dimension maternelle subjective ou psychique, ce qui prive de portée juridique son consentement ultérieur à l’adoption de l’enfant dont elle a accouché. Un tel consentement ne peut en effet s’entendre que comme celui d’une mère à renoncer symboliquement et juridiquement à sa maternité dans toutes ses composantes et, en particulier, dans sa dimension subjective ou psychique. Un pourvoi est formé.
Cassation. Le recours à la GPA à l’étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. Les motifs de l’arrêt d’appel relatifs au consentement à adoption de la mère sont inopérants, dès lors que la cour d’appel a constaté l’existence, la sincérité et l’absence de rétractation de ce consentement.
A NOTER : par cette décision novatrice, la Cour de cassation complète son revirement de jurisprudence concernant la situation des enfants nés à l’étranger de contrat de gestation pour autrui et tire les conséquences de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe (Communiqué de presse du 5-7-2017). A la suite de la condamnation de la France par la CEDH (CEDH 26-6-2014 n° 65192/11, Mennesson c/ France et CEDH 26-6-2014 n° 65941/11, Labassée c/ France : BPAT 4/14 inf. 156), la Haute Juridiction avait en effet admis la possibilité de transcrire sur les registres d’état civil français un acte de naissance étranger pour des enfants issus d’une gestation pour autrui, dans la mesure où seul le père biologique (et non la mère d’intention) y était mentionné (Cass. ass. plén. 3-7-2015 nos14-21.323 et 15-50.002 : BPAT 5/15 inf. 160). Ce revirement résultait d’une interprétation « a minima » de la condamnation de la France, défendue par la grande majorité de la doctrine et qui semble confirmée par la Cour européenne des droits de l’Homme elle-même dans l’affaire Paradiso (CEDH gde ch. 24-1-2017 n° 25358/12, Paradiso et Campanelli c/ Italie : D. 2017 p. 1014 obs. H. Gaudemet-Tallon). Revenant sur la solution adoptée par un arrêt de chambre (CEDH 27-1-2015 n° 25358/12, Paradiso et Campanelli c/ Italie), la grande chambre a estimé que les autorités italiennes étaient en droit de retirer à ses parents d’intention l’enfant né d’une GPA en Russie pour le placer en famille d’accueil (H. Gaudemet-Tallon, précitée).
Dans plusieurs arrêts rendus le même jour que la décision commentée (Cass. 1e civ. 5-7-2017 nos 16-16.901 et 16-50.025 FS-PBRI ; Cass. 1e civ. 5-7-2017 n° 15-28.597 FS-PBRI), la Haute Juridiction réitère la solution en la précisant. Elle admet tout d’abord que seule une transcription partielle de l’acte de naissance étranger est recevable, celle de la filiation paternelle correspondant à la réalité biologique, tandis que celle du nom de la mère d’intention mentionné dans celui-ci ne l’est pas. Elle met un soin particulier à la motivation des décisions au regard de l’ article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales consacrant le droit au respect de la vie privée et familiale, de manière semble-t-il à prévenir une nouvelle condamnation. Elle relève ainsi que le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention résulte de la loi et poursuit un but légitime (protéger l’enfant et la mère porteuse, décourager cette pratique prohibée). En outre, il ne crée pas de discrimination injustifiée en raison de la naissance et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants. Ceci notamment parce que l’accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n’est pas remis en cause par les autorités françaises, qui délivrent des certificats de nationalité aux enfants nés d’une GPA à l’étranger (CE 12-12-2014 n° 367324, rejetant le recours contre la circulaire JUSC1301528C du 25-1-2013, dite circulaire « Taubira »), que les enfants peuvent voir reconnaître leur filiation paternelle et qu’enfin l’adoption permettrait de créer un lien avec la mère d’intention.
Les Hauts Magistrats paraissent vouloir ainsi utiliser la solution rendue dans l’arrêt commenté comme une justification de leur jurisprudence, maintenue, refusant la transcription de l’acte de naissance étranger constatant la filiation avec le parent d’intention. La solution est cependant adoptée spontanément, puisque la jurisprudence de la CEDH ne l’imposait pas à la lettre ; elle peut néanmoins se déduire de l’arrêt Mennesson précité.