Un homme est grièvement blessé dans un accident de la circulation. Tétraplégique et en complète dépendance, il est alimenté et hydraté artificiellement. Le juge des tutelles habilite son épouse à le représenter dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial. Quelques années plus tard, les médecins décident de mettre fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles. S’ensuivent plusieurs procédures en justice à l’initiative des parents du majeur afin d’obliger l’hôpital à poursuivre les soins.
Sur requête du procureur de la République, le juge des tutelles place le majeur sous tutelle pour 10 ans. Il désigne l’épouse tutrice.
Dans une nouvelle procédure, les parents du majeur contestent le placement sous tutelle, la désignation de leur belle fille et la durée de la mesure.
1. Ils tentent tout d’abord de faire valoir que la tutelle n’est pas nécessaire dès lors que les intérêts du majeur sont préservés par un protecteur naturel (eux-mêmes), désigné ainsi en raison des services affectifs qu’il rend au quotidien. Il n’était pas utile dès lors, pour eux, d’ouvrir une mesure de protection judiciaire.
Pour la Cour de cassation, c’est par une appréciation souveraine que la cour d’appel a estimé qu'indépendamment du rôle joué par les parents du majeur et de leur présence quotidienne à ses côtés, il était nécessaire de désigner un représentant légal, afin qu'il soit représenté dans les différentes procédures le concernant et que les décisions relatives à sa personne puissent être prises dans son seul intérêt, sous le contrôle du juge des tutelles.
2. Les parents soutiennent en outre que leur belle-fille ayant déménagé en Belgique, le juge des tutelles n’aurait pas dû la nommer tutrice, la communauté de vie ayant cessé entre les époux.
Moyen également rejeté par la Haute juridiction : comme le relève la cour d’appel, il ne peut être reproché à l’épouse son éloignement vers la Belgique et sa volonté de se rapprocher de son père dès lors qu’il existait une pression médiatique importante dont elle a souhaité protéger sa fille. La cessation de la vie commune n’était donc pas liée à des circonstances imputables à l’épouse, circonstances qui auraient pu faire obstacle à sa nomination comme tutrice.
3. Enfin, les parents reprochent au juge des tutelles d’avoir fixé la durée de la tutelle à 10 ans alors qu’une telle décision était soumise selon eux à l’avis conforme d’un médecin inscrit sur une liste établie auprès du procureur de la République. Là encore rejet.
Le juge peut, par décision spécialement motivée, fixer une durée supérieure à 5 ans si le médecin constate dans son certificat que l'altération des facultés personnelles du majeur n'est pas susceptible de s’améliorer selon les données acquises de la science, ce qui était le cas en l’espèce, mais il ne faut pas confondre constat (par le médecin) et pouvoir de décision (qui n’appartient qu’au juge).
Nathalie BESSON-SENECHAUD
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Patrimoine nos 2504 s.