Par testament authentique, un homme consent un legs à titre particulier au profit de sa compagne et prévoit une clause pénale en ces termes : « En outre, j’informe mes enfants que depuis janvier 2009, étant totalement dépendant, j’ai décidé d’attribuer au profit de Mme X. la somme de huit cents euros (800,00 €) par mois au titre de l’assistance et des soins qu’elle m’accorde jour et nuit ainsi que pour le logis et le couvert […] si l’un de mes enfants venait à contester ces versements, il serait privé de ses droits dans la quotité disponible de ma succession, lesquels droits reviendraient alors à Mme X., ma compagne ». Les héritiers légaux discutent de l’interprétation à donner des dernières volontés de leur père quant aux versements mensuels au profit de sa concubine : s’agit-il d’un véritable legs ou bien les versements ont-ils d’ores et déjà été opérés du vivant du testateur ?
La concubine obtient en appel la condamnation des réservataires à des dommages et intérêts pour résistance abusive. Selon les juges du fond, ceux-ci s’opposent contre l’évidence même de la lettre du testament et contre l’esprit mêmes des dernières et expresses volontés de ce dernier à ce qu’elle bénéficie de la gratification voulue par lui, engageant leur responsabilité (C. civ. art. 1240).
Il n’en est rien pour la Cour de cassation, qui censure leur analyse. Les clauses par lesquelles le testateur informait ses enfants de sa décision prise en 2009 d’attribuer des versements mensuels à sa compagne sont ambiguës. Partant, l’abus des héritiers dans l’exercice de leur droit de se défendre en justice n’est pas caractérisé.
A noter :
Chaque fois que les clauses testamentaires sont obscures ou ambiguës, les juges du fond peuvent être amenés à rechercher l’intention du testateur. Il en va ainsi que le testament soit olographe ou, comme en l’espèce, authentique. Et, rappelle la Cour de cassation, dès lors que plusieurs lectures sont possibles, il ne peut y avoir abus à soutenir l’une contre une autre.
Pour être complet, on soulignera que la recherche de l’intention s’effectue conformément aux règles de droit commun d’interprétation des conventions (C. civ. art. 1188 s.) : plutôt que de s’en tenir au sens littéral des termes, le juge recherche le sens que lui donnerait une personne raisonnable, il interprète les clauses les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l‘acte tout entier et il privilégie le sens qui donne un effet contre celui qui n’en fait produire aucun.
En l’espèce, la Cour de cassation ne se prononce pas sur l’interprétation à retenir, ce qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Elle retient seulement l’ambiguïté des termes.
Preuve s’il en était besoin que la confection d’un testament, quelle que soit sa forme, est une affaire bien délicate pour assurer son efficacité à terme.