Une femme décède le 7 octobre 2015, laissant ses deux frères. L’un d’eux se prévaut d’un testament olographe le désignant comme légataire universel. Ce testament, rédigé par la défunte au verso d’un relevé de compte bancaire, est signé mais non daté.
Le frère écarté de la succession par le testament en demande la nullité en raison de l’absence de date. Mais la cour d’appel valide le testament. Elle relève que la défunte a établi son testament au verso de l’original d’un relevé de banque donnant la valorisation d’une épargne au 31 mars 2014 et y a indiqué l’adresse de son domicile, laquelle correspond à celle figurant sur le relevé. Par ailleurs, la testatrice a été hospitalisée à compter du 27 mai 2014 jusqu’à son décès. En présence de deux éléments intrinsèques, corroborés par un élément extrinsèque, les juges d’appel estiment que le testament a été écrit entre ces deux dates. Ils retiennent enfin qu’il n’est pas démontré que l’intéressée était atteinte d’une incapacité de tester à cette période, pendant laquelle elle n’a pas pris d’autres dispositions testamentaires.
La Cour de cassation confirme. En dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible. Une date pré-imprimée sur le support utilisé par le testateur pour rédiger son testament olographe peut constituer un élément intrinsèque à celui-ci.
A noter :
Le testament olographe doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Aucune autre condition de forme n'est requise (C. civ. art. 970). La date doit comprendre trois éléments : l'année, le mois et le jour. Peu importe en revanche sa place dans le testament. Il s'agit d'une condition de validité du testament, en principe sanctionnée par la nullité absolue (C. civ. art. 1001).
Afin de limiter l'invalidation de testaments, la jurisprudence a, dans un premier temps, procédé à une reconstitution de la date incomplète du testament à partir d'éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques (Cass. req. 8-5-1855 : DP 1855 I p. 163). Il a ainsi été jugé que des éléments extrinsèques peuvent, « dans la mesure où ils corroborent les éléments intrinsèques dans lesquels doit avoir son principe et sa racine la preuve de la date d'un testament olographe, servir à établir cette date et à la compléter » (Cass. civ. 24-6-1952 : Bull. civ. I n° 209, D. 1952 p. 613 ; voir également Cass. 1e civ. 24-9-2002 n° 00-21.761 FS-P). Les éléments intrinsèques sont des éléments factuels, tels l'indication par le testament de l'année de son établissement, la référence à un événement datable ou l'indication d'un lieu de rédaction où le testateur se trouvait à une période donnée, l'identité des légataires, la désignation des biens légués, le graphisme de l'écriture ou de la signature, etc. On peut y ajouter, comme le précise la décision commentée, la date pré-imprimée sur le support utilisé par le testateur pour rédiger son testament. Quant aux éléments extrinsèques, ils permettent une détermination plus pertinente de la période considérée.
Dans un second temps, la jurisprudence a fait référence à la période de rédaction du testament afin de sauver les dispositions de dernières volontés irrégulièrement datées (Rép. civ. Dalloz, V° Testament par M. Nicod, n° 73), ce second tempérament au formalisme légal étant susceptible de se combiner avec le premier (P. Malaurie et C. Brenner : Droit des successions et des libéralités, LGDJ 10e éd. 2022, n° 386). Dans cette hypothèse, la date est indifférente car le testateur n'a pas été privé de sa capacité de tester pendant la période de rédaction du testament et ne laisse aucun autre testament révocatoire ou incompatible. Ce système de la date « indifférente » a d’abord été consacré en présence d’un testament simplement daté « janvier 1975 » (Cass. 1e civ. 9-3-1983 n° 82-11.259 : Bull. civ. I n° 95, Defrénois 1983 art. 33172 note H. Souleau). La Cour de cassation l’a ensuite étendu au cas d’un testament non daté, celui-ci ayant pu être rédigé à un moment quelconque au cours d'une période de dix mois pendant laquelle le testateur avait fixé sa résidence au lieu indiqué dans l'acte. L'élément intrinsèque retenu était la mention manuscrite de l'adresse du testateur sur le testament, tandis que les éléments extrinsèques corroborant cet élément intrinsèque étaient la date de son emménagement en ce lieu et la date de son admission à l'hôpital (Cass. 1e civ. 10-5-2007 n° 05-14.366 FS-PB : BPAT 4/07 inf. 112, RTD civ. 2007 p. 604 obs. M. Grimaldi, Defrénois 30-10-2007 p. 1432 n° JP2007DEF1432N1 note M. Beaubrun).
L'évolution de la jurisprudence montre que la Cour de cassation refuse de s'en tenir à la lettre de l'article 970 du Code civil, qui exige formellement la datation du testament olographe, préférant s'attacher à sa finalité : la protection de la volonté du testateur. Il n’en résulte pas pour autant que le testament n’ait plus à être daté ; il suffit simplement que sa date soit déterminable.
En pratique, on ne saurait toutefois trop recommander au testateur de prendre conseil auprès d’un notaire pour la rédaction de ses dernières volontés. C’est encore le meilleur moyen d’éviter les contentieux ultérieurs et d’assurer la conservation du testament en le déposant chez ce notaire.
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