En 1992, une maison est vendue en viager. La rente viagère cesse d'être réglée à compter d'août 2015. Le vendeur (crédirentier) assigne l’acheteur (débirentier) en résolution de la vente, paiement des arrérages impayés et expulsion.
La cour d’appel de Pau prononce la résolution du contrat de rente viagère en laissant au vendeur les arrérages versés jusqu’en août 2015, mais en condamnant également l'acheteur à payer les arrérages ayant continué à courir jusqu’à l’acquisition de la clause résolutoire.
Censure de la Cour de cassation : la clause résolutoire prévoit qu’en cas de résolution du contrat seuls les arrérages versés et les embellissements et améliorations apportés au bien demeurent acquis au vendeur. La cour d’appel ne peut donc pas laisser au bénéfice du vendeur le « bouquet » et les arrérages échus et impayés au jour de la résolution, sans retenir qu’ils constituent des dommages-intérêts.
A noter :
En principe, la résolution du contrat impose aux parties de restituer les prestations fournies, le bien acquis pour le débirentier et les arrérages versés pour le crédirentier. Mais les juges admettent souvent que les arrérages déjà payés demeurent acquis au vendeur crédirentier à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la résolution fautive imputable au débirentier (Cass. 3e civ. 22-11-2018 n° 16-13.321 F-D).
À son action en résolution, le demandeur (crédirentier) ajoute alors une demande en réparation et non en paiement des arrérages (Cass. 3e civ. 10-11-1992 n° 90-20.193 : Bull. civ. III n° 294).
Les arrérages demeurent également acquis au vendeur en cas de non-paiement par l'acquéreur lorsque la convention le prévoit par une clause expresse.
Tel était le cas dans l’arrêt commenté. Se posait toutefois la question du sort des arrérages échus et impayés. La Cour de cassation étend ici la solution retenue pour les arrérages déjà payés aux arrérages échus et impayés au jour de la résolution : ils peuvent revenir au vendeur, mais uniquement à titre de dommages et intérêts.
L'avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux prévoit expressément que, « nonobstant toute clause contraire, en cas de résolution du contrat par suite d'un défaut de paiement de la rente, les arrérages déjà reçus ne sont pas restituables » (C. civ. art. 1980, al. 1 dans sa version figurant dans l'avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux). Par « souci d'équité », les auteurs de ce texte ont toutefois prévu de « tempérer » cette règle en prévoyant que le juge peut ordonner la « restitution totale ou partielle » des arrérages déjà reçus « si leur conservation procure au crédirentier un avantage manifestement excessif » (C. civ. art. 1980, al. 2 dans sa version figurant dans l'avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux).