Pendant la suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le licenciement d’un salarié n’est possible qu’en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir la relation contractuelle non liée à l’état de santé de l’intéressé (C. trav. art. L 1226-9). Il en va de même si le salarié est titulaire d’un contrat à durée déterminée : la rupture anticipée n’est possible qu’en cas de faute grave ou de force majeure (C. trav. art. L 1226-18).
La Cour de cassation apporte des précisions sur la nature de la faute susceptible de justifier, dans un tel cas, une rupture pour motif disciplinaire.
Basketteur n’ayant pas suivi le protocole de soins
L’affaire oppose un joueur professionnel de basketball à son équipe. Le salarié, titulaire d’un contrat à durée déterminée, est victime d’une blessure liée à son activité professionnelle. Placé en arrêt de travail, il est vu par le médecin de l’équipe qui lui prescrit des séances de kinésithérapie. Mais le salarié ne se présente pas au rendez-vous fixé avec le praticien et ne suit pas le protocole de soins établi, malgré les relances de son employeur.
Ce faisant, il manque aux obligations prévues à la fois par la convention collective de la branche du basket et par son contrat de travail, qui lui imposent de soigner sa condition physique, de respecter le plan de préparation physique du club et d’adopter une hygiène de vie conforme à sa profession.
L’employeur, considérant que le joueur a manqué à ses obligations contractuelles, lui notifie la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave. Le salarié saisit le conseil de prud’hommes pour contester cette rupture. Selon lui, dès lors que son contrat de travail était suspendu, il ne pouvait pas lui être imposé, pendant cette période, une quelconque activité en lien avec son emploi.
A noter : Le moyen du salarié pouvait s’appuyer sur la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle le salarié en arrêt de travail reste tenu à une obligation de loyauté envers l’employeur mais, étant dispensé de son obligation de fournir sa prestation de travail, ne saurait être tenu de poursuivre une collaboration avec l'employeur pendant cette période (Cass. soc. 15-6-1999 n° 96-44.722 P : RJS 8-9/99 n° 1049 ; Cass. soc. 25-6-2003 n° 01-43.155 F-D : RJS 10/03 n° 1147).
Seul le manquement à l’obligation de loyauté constitue une faute grave
La Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel, qui a donné raison à l’employeur. Elle rappelle le principe selon lequel pendant la suspension du contrat de travail pour maladie ou accident, seule l’obligation de loyauté du salarié à l’égard de l’employeur subsiste (voir, en ce sens, Cass. soc. 18-3-2003 n° 01-41.343 F-D : RJS 6/03 n° 723 ; Cass. soc. 30-3-2005 n° 03-16.167 FS-PB : RJS 7/05 n° 709).
Par conséquent, pour la Cour, lorsque le contrat de travail est suspendu en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et alors que seule une faute grave peut justifier la rupture pour motif disciplinaire, l’employeur ne peut reprocher au salarié qu’un manquement - grave - à l’obligation de loyauté. En d’autres termes, l’intéressé doit se garder de tout comportement contraire à l’intérêt de l’entreprise.
A noter : Classiquement, le manquement à l’obligation de loyauté est caractérisé lorsque le salarié exerce, pendant la suspension de son contrat de travail, une activité portant préjudice à l’entreprise (voir par exemple Cass. soc. 5-7-2017 n° 16-15.623 FS-PB : FRS 15/17 inf. 1 p. 2 pour un salarié en congés payés ; Cass. soc. 21-11-2018 n° 16-28.513 F-D : RJS 3/19 n° 148 pour un salarié en arrêt maladie).
On notera que la faute grave a également été retenue contre un salarié victime d'un accident du travail ayant cessé d’adresser des justificatifs d’arrêt de travail à l’employeur et ayant fait obstacle de façon réitérée à la visite médicale de reprise (Cass. soc. 29-11-2006 n° 04-47.302 FS-PB : RJS 2/07 n° 213). Un tel comportement, qui relève davantage de l’insubordination que du manquement à l’obligation de loyauté, devrait en tout état de cause continuer à légitimer une rupture à l’initiative de l’employeur.
La question posée aux juges en l’espèce était celle de savoir si le salarié avait manqué à son obligation de loyauté à l’égard de l’employeur en refusant de se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique.
Pour la cour d’appel, dont le raisonnement est approuvé par la Cour de cassation, la spécificité du métier exercé par le salarié permet de caractériser un manquement grave à l’obligation de loyauté. Cette spécificité, mise en évidence à la fois par la convention collective et par le contrat de travail, lui imposait de suivre le protocole de soins déterminé par l’employeur. En l’espèce, le manquement a été considéré comme suffisamment grave pour justifier la rupture immédiate et sans indemnités pendant la suspension du contrat de travail.
Laurence MECHIN
Pour en savoir plus sur l'effet d'un accident du travail sur le contrat de travail : voir Mémento Social nos 200 s.