Obligation d’établissement et de publication des comptes consolidés
Qualification du contrôle
L’article L 233-16 du Code de commerce impose aux sociétés commerciales d’établir et de publier des comptes consolidés dès lors qu’elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises à la clôture de l’exercice.
S’agissant du contrôle conjoint, il est défini comme étant le partage du contrôle d’une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d’associés ou d’actionnaires, de sorte que les politiques financière et opérationnelle résultent de leur accord (C. com. art. L 233-16, III). En réponse à une question qui lui a été récemment posée, la CNCC a précisé la nature de l’accord requis pour établir un contrôle conjoint.
Q1. Le contrôle conjoint peut-il être de fait ?
Selon la CNCC (EC 2024-06 du 15-1-2024, voir FRC 1/25 inf. 22), le contrôle conjoint défini par le Code de commerce pour établir l’existence d’un contrôle conjoint dans les comptes consolidés doit résulter d’un accord contractuel, comme le précise le règlement ANC n° 2020-01 (art. 211-4) qui vient compléter la définition donnée par le Code de commerce. Ainsi :
les statuts de la société peuvent être qualifiés d’accord, il n’est pas nécessaire d’avoir un accord spécifique ;
le contrôle de fait prévu par l’article L 233-3, III du Code de commerce ne trouve pas à s’appliquer dans le cadre de l’obligation d’établissement et de publication des comptes consolidés.
A noter :
La notion de contrôle de fait de l’article L 233-3, III du Code de commerce sert notamment de référence en ce qui concerne les obligations dinformation liées aux prises de contrôle dans le rapport de gestion (voir Mémento Comptable nos 64980 s.), les franchissements de seuils (voir Mémento Comptable nos 39015 s.) et les conventions réglementées (voir FRC 12/24 Hors-série inf. 130).
Pour plus de détails et un exemple d’application, voir FRC 1/25 inf. 22 n° 5.
Exemption d’établissement des comptes consolidés « petits groupes »
Le Code de commerce (art. L 233-17, 2°, L 230-2 et D 230-2) prévoit l'exemption d'établissement des comptes consolidés quand l'ensemble constitué par une société et les entreprises qu'elle contrôle est qualifié de « petit groupe », c'est-à-dire :
si deux des trois seuils arrêtés par décret (total du bilan, montant net du chiffre d’affaires et nombre moyen de salariés) ne sont pas dépassés pendant deux exercices successifs ;
et si aucune entité de cet ensemble ne relève de l'article L 123-16-2 du Code de commerce (à savoir notamment, une société dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, une banque ou une société de financement, une société d’assurance, une entité faisant appel à la générosité publique).
Relèvement des seuils
Le décret 2024-152 du 28 février 2024 a transposé en droit français les nouveaux seuils européens définissant les différentes catégories d’entreprises et de groupes à la suite de la modification de la directive comptable (voir ce FRC inf. 34).
Concernant les comptes consolidés toutefois, un doute subsistait sur la date de première application de ce décret.
Q2. Quels sont les seuils à ne pas dépasser au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2024 ?
Dans une récente décision, la CNCC (EJ 2024-14 du 18-10-2024) a précisé qu’il convient de continuer de se référer aux seuils d’exemption édictés à l’article R 233-16 du Code de commerce (bilan : 24 M€, chiffre d’affaires net : 48 M€ et nombre moyen de salariés : 250) lorsqu’une société s’interroge sur son obligation d’établissement et de publication des comptes consolidés au titre de ses exercices clos au 31 décembre 2023 et au 31 décembre 2024.
Pour plus de détails, voir FRC 1/25 inf. 22 nos 8 s.
Modalités de calcul des seuils
Q3. Quels sont les comptes à utiliser pour l’appréciation des seuils ?
Les seuils doivent être appréciés sur la base des comptes annuels arrêtés des deux derniers exercices précédents de la société mère et des entités qu’elle contrôle exclusivement ou conjointement, sans aucun retraitement, comme le rappelle régulièrement la CNCC.
Pour plus de détails, voir FRC 1/25 inf. 22 n° 11.
Q4. Comment convertir des comptes annuels établis en devise étrangère ?
En présence de comptes annuels établis en devise étrangère, deux méthodes sont, selon la CNCC (EJ 2024-14 du 18-10-2024 ; voir FRC 1/25 inf. 22 n° 12), acceptables en l’absence de précision du Code de commerce :
conversion du total du bilan au cours de change à la date de clôture de chaque exercice d’appréciation des seuils (N – 1 et N – 2) et du chiffre d’affaires au cours moyen de ces exercices, similaire à la méthode du cours de clôture de l’article 272-17 du règlement ANC n° 2020-01 pour les comptes consolidés (voir Mémento Comptes consolidés nos 3878 s.) ;
ou conversion du total du bilan et du chiffre d’affaires au cours de change à la date de clôture de chaque exercice d’appréciation des seuils (N – 1 et N – 2).
Sous réserve, toutefois, de retenir l’approche la plus prudente en la matière.
Q5. Doit-on retraiter les comptes annuels établis dans la monnaie d’un pays en forte inflation ?
La CNCC (EJ 2024-14 précitée) préconise, à l’instar de ce qui est prévu par le règlement ANC n° 2020-01 (art. 272-23 et 272-25, voir Mémento Comptes consolidés nos 3943 s.) pour la consolidation des entités étrangères établies dans un pays en forte inflation, de corriger les comptes de la filiale, préalablement à leur conversion en euros, des effets de l’inflation.
Pour plus de détails, voir FRC 1/25 inf. 22 n° 13.
Hyperinflation
Selon un consensus de place, 14 pays sont en situation d’hyperinflation en 2024 ; 12 d’entre eux l’étaient déjà en 2023.
Plus généralement, l'appréciation du phénomène de forte inflation doit nécessairement faire appel au jugement et tenir compte de l'ensemble des traits caractéristiques de la forte inflation, et non pas du seul critère lié au taux cumulé de l'inflation sur trois ans.
Q6. Quels sont les pays en situation d’hyperinflation en 2024 ?
Il s’agit des pays suivants :
Argentine ;
Éthiopie ;
Ghana ;
Haïti ;
Iran ;
Liban ;
Sierra Leone ;
Soudan ;
Soudan du Sud ;
Suriname ;
Turquie ;
Venezuela.
Deux nouveaux pays ont rejoint la liste des pays hyperinflationnistes en 2024 (dont il faut tenir compte pour les périodes de reporting se terminant à partir du 31 décembre 2024) :
Laos ;
Malawi.
Le Yémen n’est plus considéré comme hyperinflationniste depuis le 30 juin 2024 et le Zimbabwe considéré comme hyperinflationniste au 31 décembre 2023 pourrait ne plus l’être au 31 décembre 2024 (si la situation actuelle se confirme).
A noter :
En l’absence, à ce jour, de données fiables s’agissant de l’évolution du taux d’inflation, 10 pays ne figurent pas dans la liste des économies en hyperinflation mais sont à surveiller :
– Angola ;
– Burundi ;
– Égypte ;
– Nigeria ;
– Myanmar (Birmanie) ;
– Pakistan ;
– Sri Lanka ;
– Afghanistan ;
– Érythrée ;
– Syrie.
L’Égypte et le Nigeria doivent toutefois faire l’objet d’une surveillance accrue.
Pour plus de détails, voir Mémento Comptes consolidés nos 3922 s. et 3961 s.
Pilier 2
Le dispositif GloBE de l’OCDE (Pilier 2) vise à imposer un taux d'imposition minimum global de 15 % aux grands groupes (avec plus de 750 M€ de chiffre d’affaires consolidé) afin de garantir une imposition minimale sur leurs bénéfices dans chaque pays où ils opèrent.
Dans un article consacré à une interview de Sven Dufils, associé PwC (voir ce FRC inf. 1), nous rappelons en synthèse ce dispositif (et plus particulièrement les mécanismes de liquidation de l’impôt complémentaire et son impact dans les comptes sociaux des entités redevables dudit impôt) et présentons son retour d’expérience sur la mise en œuvre de ce dispositif au sein de groupes qu’il a accompagnés.
Q7. Le dispositif Pilier 2 a-t-il une incidence sur les comptes consolidés clôturant au 31 décembre 2024 ?
Oui. À la différence des comptes consolidés clôturant au 31 décembre 2023 et en décalé en 2024, les comptes consolidés des groupes concernés clôturant au 31 décembre 2024 présentent pour la première fois une charge d’impôt complémentaire exigible présentée sur la ligne « Impôt sur les résultats » du compte de résultat consolidé.
Q8. L’exception à la comptabilisation des impôts différés liés à Pilier 2 continue-t-elle cependant de s’appliquer ?
Oui. Pour rappel, en raison des complexités potentielles induites par l’application aux impôts complémentaires Pilier 2 des règles de calcul des impôts différés, l’IASB et l’Autorité des normes comptables ont introduit en 2023, respectivement en IFRS (voir FRC 2/24 inf. 5) et en règles françaises (Règl. ANC 2020-01 art. 272-7 ; voir FRC 8-9/23 inf. 4), une exception à la comptabilisation des impôts différés liés à Pilier 2.
L’application des règles GloBE n’a donc pas d’incidence sur le calcul des impôts différés comptabilisés dans les comptes consolidés clôturant au 31 décembre 2024 en application de cette exception.
Q9. Quelles sont les informations attendues dans l’annexe des comptes consolidés clôturant au 31 décembre 2024 ?
Selon le règlement ANC n° 2020-01 (art. 282-27), l’annexe doit mentionner distinctement la charge d’impôt comptabilisée en application de Pilier 2.
En effet, une telle information s’avère nécessaire dans la mesure où les modèles de compte de résultat consolidé (qui sont prescriptifs et non modifiables) présentés par le règlement ANC n° 2020-01 (art. 281-2 et 281-3) ne présentent qu’une seule ligne « Impôts sur les résultats » comprenant l’ensemble des impôts exigibles et différés, ne permettant pas d’avoir cette information en lecture directe.
A notre avis :
Si le montant de l’impôt revêt un caractère significatif aux bornes du groupe consolidé et en cas d’incertitude importante sur l’évaluation de la dette d’impôt, à notre avis, le groupe devrait le mentionner dans l’annexe des comptes consolidés.
Si le groupe consolidé bénéficie du régime de « protection temporaire » (ou « Safe harbor » ; voir Mémento Fiscal n° 41305), il peut en faire mention dans l’annexe.
S’il n’en bénéficie pas, il peut mentionner dans l’annexe :
– soit qu’il a conclu que le montant de l’impôt n’est pas significatif aux bornes des comptes consolidés ;
– soit qu’il a procédé aux calculs qui ont abouti à une absence d’impôt.
Pour plus de détails, voir Mémento Comptes consolidés nos 3656 et 7523 s.