Un couple pense avoir acquis un terrain avec une ruine et effectue des travaux de rénovation sur l’ouvrage existant. Un différend naît et le couple assigne le vendeur en reconnaissance de sa qualité de propriétaire et en indemnisation des travaux de restauration. La cour d’appel relève que la vente n’a pas eu lieu et que le couple a effectué des travaux de rénovation non encore achevés. Statuant sur l’indemnisation réclamée, elle estime, compte tenu de l’importance des travaux de rénovation, qu’il faut regarder l’ouvrage comme une construction neuve au sens de l’article 555 du Code civil, article qu’il convient d’appliquer.
Cassation : les dispositions de l’article 555 ne concernent que les constructions nouvelles. Le couple a pris possession d’un bâtiment en ruine dont la toiture et le plancher du 1er étage étaient effondrés. Les murs subsistaient et les travaux ont été exécutés sur cette construction préexistante, avec laquelle ils se sont identifiés.
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A noter :
L’article 555 du Code civil constitue le droit commun des rapports entre le propriétaire du sol et le tiers constructeur, notamment lorsqu’il n’existe aucune dérogation ou convention qui y fait obstacle. Le propriétaire du terrain peut soit exiger la suppression des travaux aux frais du tiers constructeur, soit conserver la propriété des constructions moyennant indemnité (C. civ. art. 555, al. 1). Lorsque le constructeur est de bonne foi, il ne peut pas être condamné à la démolition ; il a droit à une indemnité (C. civ. art. 555, al. 4). Par une interprétation restrictive, la jurisprudence n’applique cet article qu’aux nouvelles constructions ou plantations, et non pas à la réparation ou l’amélioration d’ouvrage existant (Cass. 3e civ. 5-6-1973 n° 72-12.323 : Bull. civ. III n° 405). L’arrêt pourrait laisser entendre que l’existence des murs permet de caractériser l’ouvrage préexistant, mais il serait sans doute téméraire de se laisser séduire par cette interprétation. Comme le relève Christian Larroumet (Les Biens, éd. Économica, 1988 p. 392), la rigueur de la jurisprudence s’explique notamment par l’obligation du propriétaire d’indemniser le constructeur de bonne foi même s’il n’y a pas d’amélioration, et parfois même s'il y a un désavantage pour lui.
Lorsque l’article 555 ne s’applique pas, on bascule sur la vieille théorie romaine des impenses, dont on estime que la jurisprudence fait parfois application à travers la gestion d’affaires (prise en charge par les constructeurs de l’intérêt d’autrui) ou l’enrichissement sans cause (le cas du propriétaire du sol qui récupère l’ouvrage). On distingue les impenses nécessaires (travaux indispensables à la conservation de la chose), les impenses utiles (travaux non indispensables mais améliorant la valeur de la chose) et les impenses voluptuaires (de pur agrément). Selon les cas, il n’y a pas lieu à indemnisation du constructeur (voluptuaires, la destruction peut même être demandée), ou il y a lieu à indemnisation selon une estimation variable : pour les impenses nécessaires, on se rapproche des règles de la gestion d’affaires, tandis que, pour les impenses utiles, on applique un calcul qui est très proche de celui qui résulte de l’article 555 (voir C. Larroumet, Les Biens, éd. Économica, 1988 ; A. Weill, Droit civil, Les Biens, 3e éd. Précis Dalloz nos 66 s.).