Deux époux concluent un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) en se réservant des travaux à leur charge. À la suite d’un différend, ils refusentde payer la somme réclamée par le constructeur et de réceptionner la maison. Le constructeur les assigne en paiement et en fixation d’une réception judiciaire. La cour d’appel fait droit à ces demandes.
Les époux forment un pourvoi. Ils reprochent notamment aux juges d’appel :
- d’avoir fixé une réception judiciaire sans réserve alors que la réception de l’ouvrage construit en exécution d’un CCMI ne peut résulter que d’un écrit ;
- de rejeter leur demande en dommages-intérêts et en annulation du contrat alors que la mention manuscrite obligatoire relative aux travaux réservés n’émanait pas de chacun d’eux.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel. D’une part, les dispositions applicables au CCMI n’imposent pas une réception constatée par écrit et n’excluent pas la possibilité d’une réception judiciaire. D’autre part, la notice descriptive comporte le montant des travaux réservés en les détaillant, ainsi que la mention manuscrite du maître de l’ouvrage reprenant le total de ces travaux. Quant à l’argument tiré du fait que cette mention n’a pas été apposée de la main de chacun des époux, il n’a pas été soulevé devant la cour d’appel.
1. Cette décision s’attache aux modalités de constatation de la réception en matière de CCMI. L’article L 231-6, IV du CCH prévoit que la garantie de livraison cesse lorsque la réception a été constatée « par écrit ». Cette disposition suscite des discussions et la doctrine propose diverses interprétations. Il est généralement admis que l’exigence d’un écrit n’exclut pas la réception tacite, mais la condamne en pratique dans le cadre de la garantie de livraison (P. Malinvaud, P. Jestaz, P. Jourdain et O. Tournafond : Droit de la promotion immobilière, Précis Dalloz 9e éd. 2015, n° 744). Depuis, la réception tacite a été jugée recevable en matière de CCMI (Cass. 3e civ. 20-4-2017 n° 16-10.486 FS-PBI : BPIM 3/17 inf. 212). Cette orientation est soutenue par l’arrêt commenté qui confirme que l’écrit ne s’impose pas pour constater la réception. Il applique le droit commun : en cas de refus du maître de l’ouvrage de réceptionner, la réception peut être prononcée judiciairement. L’écrit requis par l’article L 231-6, IV ne vise donc qu’à libérer le garant.
2. La mention manuscrite relative aux travauxdont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution doit être paraphée et signée par ce dernier, et figurer tant dans la notice descriptive que dans le contrat (CCH art. L 231-2 et R 231-4 ; Cass. 3e civ. 4-11-2010 n° 09-71.464 FS-PB : BPIM 1/11 inf. 34), à peine de nullité du contrat (Cass. 3e civ. 20-4-2017 n° 16-10.486 FS-PBI : BPIM 3/17 inf. 214 ; Cass. 3e civ. 21-6-2018 n° 17-10.175 FS-PBI : BPIM 4/18 inf. 270). En l’espèce, la mention manuscrite figure bien sur la notice descriptive mais elle est incomplète, n’étant reproduite que par l’un des époux. Cet argument n’ayant pas été soulevé devant la cour d’appel, la Cour de cassation considère que la sanction de la nullité du contrat n’est pas recevable. Implicitement, elle estime que le moyen est nouveau en cassation, sans pour autant en dénigrer l’intérêt.
Bernard BOUBLI, Conseilleur doyen honoraire à la Cour de cassation
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Urbanisme Construction n° 62310