Un homme souscrit en novembre 2003 un contrat d’assurance-vie, sur lequel il investit 12 000 €. Estimant ne pas avoir reçu une information précontractuelle conforme aux exigences légales, il exerce son droit de renonciation en juillet 2012.
L’assureur est condamné en appel à restituer au souscripteur la somme de 12 000 € augmentée des intérêts au taux légal. Les juges du fond retiennent, d’une part, que les documents d’information remis à la souscription ne satisfaisaient pas aux exigences légales et que la note d’information envoyée en 2007 par l’assureur ne pouvait pas être considérée comme ayant été remise au souscripteur, qui n’était pas l’auteur de la signature portée sur l’avis de réception du recommandé. Ils retiennent, d’autre part, que la profession du souscripteur (directeur d’usine) et son patrimoine immobilier (d’environ 150 000 €) ne permettent pas de le qualifier d’assuré averti, ses connaissances spécifiques dans le domaine financier n’étant pas démontrées, et que l’exercice du droit de renonciation neuf ans après la souscription du contrat ne suffit à caractériser ni la mauvaise foi du souscripteur ni un abus de droit dans l’exercice de sa faculté de renonciation.
Sur le premier point, la Cour de cassation confirme. L’article L 132-5-1 du Code des assurances dans son ancienne rédaction applicable en l’espèce prévoit que le défaut de remise des documents et informations qu’il énumère entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation jusqu’au trentième jour suivant la remise effective de ces documents ; la cour d’appel a pu déduire de ses constatations que la note d’information dont se prévalait l’assureur ne pouvait pas être considérée comme ayant été remise au souscripteur, de sorte que le délai de 30 jours n’avait pas couru.
Sur le second point, en revanche, la Haute Juridiction censure la cour d’appel. La faculté prorogée de renonciation prévue par l’article L 132-5-1 du Code des assurances dans son ancienne rédaction applicable en l’espèce revêt un caractère discrétionnaire pour le souscripteur mais son exercice peut dégénérer en abus ; la cour d’appel aurait dû rechercher, à la date d’exercice de la faculté de renonciation, au regard de la situation concrète du souscripteur, de sa qualité d’assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, quelle était la finalité de l’exercice de son droit de renonciation et s’il n’en résultait pas l’existence d’un abus de droit.
A noter : 1. L’assureur est tenu de remettre au souscripteur d’un contrat d’assurance-vie une proposition d’assurance (ou un projet de contrat). Il doit aussi, sauf exception, remettre contre récépissé une note d’information sur les conditions d’exercice de la faculté de renonciation (le souscripteur dispose d’un délai de 30 jours suivant la conclusion du contrat pour y renoncer) et sur les dispositions essentielles du contrat (C. ass. art. L 132-5-2, al. 1 à 5). Le défaut de remise de ces documents et informations entraîne la prorogation du délai de renonciation jusqu’au trentième jour suivant la remise effective de ces documents (C. ass. art. L 132-5-2, al. 6).
Pour les contrats conclus depuis le 1er mars 2006, cette renonciation ne peut être exercée plus de 8 ans après la conclusion du contrat. Pour les contrats conclus comme en l’espèce avant le 1er mars 2006, l’exercice de la faculté prorogée de renonciation n’est enfermé dans aucun délai.
Pour contrecarrer le risque d’une renonciation plusieurs années après la souscription du contrat, certains assureurs n’ayant pas satisfait aux obligations d’information légale lors de sa conclusion ont procédé ultérieurement à des campagnes d’envoi par courrier des informations manquantes afin de faire courir le délai de 30 jours.
Cet arrêt remet en cause à l’évidence l’efficacité du procédé (purger le risque d’une renonciation tardive en faisant courir le délai de 30 jours) lorsque la signature portée sur l’avis de réception des documents d’information manquants n’est pas celle du souscripteur. Mais peut-on considérer que le procédé remplit l’objectif poursuivi lorsque l’avis de réception du courrier est signé par le souscripteur lui-même ? L’arrêt ne permet pas de l’affirmer.
2. Pour les contrats conclus depuis le 1er janvier 2015, la prorogation du délai de renonciation en cas de défaut de remise des documents et informations par l’assureur est réservée aux souscripteurs de bonne foi (C. ass. art. L 132-5-2, al. 6).
Pour les contrats conclus avant le 1er janvier 2015, les textes prévoyaient la prorogation de plein droit du délai de renonciation, sans référence à la bonne ou mauvaise foi du souscripteur.
Par un revirement de jurisprudence de 2016, la Cour de cassation a néanmoins imposé aux juges du fond de rechercher, au regard de la situation concrète du souscripteur, de sa qualité d’assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, quelle était la finalité de l’exercice de son droit de renonciation et s’il n’en résultait pas l’existence d’un abus de droit (Cass. 2e civ. 19-5-2016 n° 15-12.767 FS-PBRI : BPAT 4/16 inf. 166). En l’espèce la cour d’appel, qui a rendu sa décision après ce revirement de jurisprudence, n’a pas correctement suivi le guide fourni par la Cour de cassation pour apprécier le comportement du souscripteur. Certes, les juges du fond ont estimé que ce dernier ne pouvait pas être qualifié d’assuré averti, mais ils auraient dû aller plus loin en recherchant, au regard de sa situation, quelle était la finalité de l’exercice de son droit de renonciation et son éventuel caractère abusif.
Rémy FOSSET
Pour en savoir plus cette question : voir Mémento Patrimoine n° 28123