Des époux souscrivent chacun un contrat d'assurance-vie en 1999. Ils exercent leur faculté prorogée de renonciation en janvier 2011, se prévalant du manquement de l'assureur à son obligation précontractuelle d'information (C. ass. L 132-5-1 dans sa rédaction alors applicable, prévoyant que le défaut de remise des documents d'information proroge de plein droit le délai de rétractation). Ils assignent leur assureur en paiement des sommes versées.
Sur renvoi après cassation, la cour d'appel condamne la compagnie d'assurance au remboursement du capital investi majoré des intérêts. Notamment, la preuve de la mauvaise foi des époux et de leur abus de droit dans l'exercice de leur faculté de renonciation n'est pas rapportée par l'assureur ; pour ce faire, ce dernier aurait dû établir que l'assuré était au moment de la souscription du contrat mieux informé que lui-même de son manquement à son obligation d'information et qu'il n'aurait souscrit le contrat qu'en considération de la possibilité d'y renoncer ultérieurement.
Censure de la Cour de cassation. Si la faculté prorogée de renonciation pour non-respect du formalisme informatif revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus, celui-ci s'appréciant au moment où il exerce cette faculté. Les juges devaient donc rechercher, au moment de la renonciation, quelle était la finalité de celle-ci, et si elle était abusive ou non, compte tenu de la situation concrète des époux, de leur qualité d'assuré averti ou profane, et des informations dont ils disposaient réellement.
A noter : Pour les contrats conclus depuis le 1er janvier 2015, la bonne foi du souscripteur est une condition légale au bénéfice de la prorogation du délai de rétractation (C. ass. L 132-5-2 dans sa rédaction issue de la loi 2014-1662 du 30-12-2014 art. 5 : JO 31 texte 1). La solution rendue à propos d'un contrat antérieur à 2015 nous semble donc conserver son actualité et la Haute Juridiction apporte une précision bienvenue sur la date d'appréciation du caractère abusif ou non de la renonciation. Il s'agit de la date d'exercice de cette faculté et non pas de la date de souscription du contrat. Faisant œuvre de pédagogie, elle confirme que l'appréciation de la bonne ou mauvaise foi du souscripteur doit se faire au regard de sa situation concrète, de sa qualité de souscripteur averti ou profane, et des informations dont il dispose réellement (Cass. 2e civ. 19-5-2016 n° 15-12.767 FS-PBRI : BPAT 4/16 inf. 166).
Rappelons que, pour les contrats conclus avant 2015, la Cour de cassation a d'abord admis que l'assuré pouvait y renoncer discrétionnairement dès lors qu'il n'avait pas reçu d'information précontractuelle. Elle est ensuite, comme l'illustre la présente espèce, revenue sur sa position considérant qu'il pouvait y avoir abus de droit (Cass. 2e civ. 19-5-2016 n° 15-12.767 FS-PRBI, précité ; Cass. 2e civ. 5-10-2017 n° 16-19.565 F-D et Cass. 2e civ. 5-10-2017 n° 16-22.557 F-D : BPAT 6/17 inf. 250). En effet, certains souscripteurs faisaient jouer leur faculté prorogée de rétractation pour échapper aux pertes boursières subies par leur contrat plusieurs années après sa souscription.
Caroline CROS
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Patrimoine n° 28123