L’Autorité de la concurrence vient de publier sur son site internet (autoritedelaconcurrence.fr) un communiqué relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, qui abroge et remplace le communiqué du 16 mai 2011.
Ce nouveau communiqué tient compte des modifications législatives issues des textes ayant transposé la directive européenne 2019/1 du 11 décembre 2018, dite « directive ECN+ » : la loi 2020-1508 du 3 décembre 2020, dite « loi Ddadue » (BRDA 1/21 inf. 28) et l’ordonnance 2021-649 du 26 mai 2021 (BRDA 12/21 inf. 26). Il s’appuie également sur la pratique décisionnelle de l’Autorité et la jurisprudence de ses autorités de contrôle. Enfin, il intègre certains principes appliqués par la Commission européenne pour déterminer le montant des sanctions.
Nous exposons l’essentiel des nouvelles règles, abstraction faite des développements qui reprennent les dispositions législatives telles quelles.
Le communiqué engage l’Autorité, mais celle-ci reste libre de s’en écarter, en motivant ce choix, soit en raison des circonstances particulières de l’espèce (caractéristiques des pratiques en cause, activité des parties concernées, contexte économique et juridique de l’affaire, notamment), soit pour des raisons d’intérêt général (point 6).
Etapes suivies pour déterminer le montant des sanctions
Les sanctions pécuniaires sont désormais déterminées en fonction des quatre critères suivants, tels qu’issus de l’ordonnance du 28 mai 2021 : la gravité des faits ; la durée des pratiques ; la situation de l’association d’entreprises ou de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient ; l’éventuelle réitération de pratiques prohibées. Le critère du dommage à l’économie a, on le rappelle, été supprimé par l’ordonnance.
Les étapes traditionnellement suivies par l’Autorité pour déterminer le montant de la sanction sont donc adaptées (point 19).
L’Autorité détermine d’abord le montant de base de la sanction pécuniaire pour chaque entreprise ou association d’entreprises concernée, en prenant en considération la gravité des faits et la durée des pratiques. Ce montant est ensuite adapté pour prendre en considération les éléments propres au comportement et à la situation individuelle de chaque entreprise ou association d’entreprises concernée, à l’exception de la réitération, dont la loi fait un critère autonome. Puis, ce montant est augmenté, pour chaque entreprise ou association d’entreprises concernée, en cas de réitération. Le montant ainsi obtenu est comparé au maximum légal, avant d’être réduit pour tenir compte, le cas échéant, de la clémence, puis ajusté, lorsqu’il y a lieu, au vu de la capacité contributive de l’entreprise ou de l’association d’entreprises qui a présenté une demande à cet effet.
Avec le Bulletin Rapide Droit des Affaires, suivez toute l'actualité juridique commentée et analysée pour assurer la relance d'activité pour vos clients ou votre entreprise :
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un essai gratuit d'un mois à la revue Bulletin Rapide Droit des Affaires.
Détermination du montant de base de la sanction
Comme auparavant, le montant de base de la sanction est déterminé par une proportion de la valeur des ventes du ou des produits ou services en relation avec l’infraction (et non du chiffre d’affaires total de chaque entreprise en cause). Ce montant tient compte de la gravité des faits et, désormais, de la durée de l’infraction (point 20).
Valeur des ventes
L’Autorité précise que la valeur des ventes prise en compte est la valeur de l’ensemble des catégories de produits ou de services en relation « directe ou indirecte » avec l’infraction vendues par l’entreprise ou l’association d’entreprises concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle-ci (sauf à ce que cet exercice ne soit pas représentatif, auquel cas l’Autorité peut retenir un exercice plus approprié ou une moyenne d’exercices). La relation est indirecte, par exemple, pour des accords de prix horizontaux portant sur un produit donné, lorsque le prix de ce produit sert ensuite de base pour fixer le prix de produits de qualité supérieure ou inférieure (point 22).
Lorsque l’infraction d’une association d’entreprises porte sur les activités de ses membres, l’Autorité tient compte de la somme des ventes de biens et de services en relation directe ou indirecte avec l'infraction qui sont réalisées par les entreprises membres de l'association durant leur dernier exercice comptable complet de participation à l’infraction (sous la réserve indiquée n° 7). Lorsqu’une sanction est infligée non seulement à l’association d’entreprises mais également à ses membres, le chiffre d’affaires des membres auxquels une amende est infligée n’est pas pris en compte lors du calcul de l’amende infligée à l’association d’entreprises (point 25).
L’Autorité rappelle qu’elle peut adapter cette méthode si elle estime que la référence à la valeur des ventes aboutirait à un résultat ne reflétant pas l’ampleur économique de l’infraction ou le poids relatif de chaque entreprise qui y a pris part. Aux deux cas déjà évoqués dans le communiqué de 2011, elle ajoute celui d’une infraction portant sur un marché biface ou multiface, dont les particularités permettent à l’entreprise concernée de monétiser une face du marché par une ou plusieurs autres faces (infraction par une plateforme de vente en ligne, par exemple) ; dans un tel cas, l’Autorité peut tenir compte de la valeur des ventes réalisées par l’entreprise concernée sur les marchés amont, aval et connexe, lorsque ces derniers sont en lien direct ou indirect avec l’infraction (point 26).
Appréciation de la gravité des faits
L’Autorité met à jour la liste, non exhaustive, des éléments dont elle peut tenir compte pour apprécier la gravité des pratiques (point 28).
Pour ce qui concerne la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés par l’infraction, elle ajoute aux critères existants (prix, production, mais la référence à la nature de la clientèle disparaît) le volume, la diversité de l’offre, la qualité, le coût, l’innovation et l’environnement (point 28 ; dans son communiqué de presse, l’Autorité cite, pour exemple, sa décision n° 17-D-20 du 18-10-2017, aff. « Revêtements de sols » : entente visant à prévenir toute concurrence sur les performances environnementales des produits respectifs des membres de l’entente).
Pour ce qui concerne la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause, elle tiendra compte du fait que les atteintes à la concurrence affectent le secteur de la santé ou un marché innovant (point 28).
Quant à la nature des personnes susceptibles d’être affectées, l’Autorité cite non plus seulement les PME et les consommateurs vulnérables mais aussi les acheteurs captifs (point 28).
Enfin, l’Autorité ajoute la connaissance du caractère infractionnel de la pratique.
Comme auparavant, la proportion de la valeur des ventes réalisées que l’Autorité retient au cas par cas, en considération de la gravité des faits, est comprise entre 0 et 30 %. Pour les ententes horizontales de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves, cette proportion sera généralement située entre 15 et 30 %, comme le prévoyait déjà l’ancien communiqué (pt 30).
L’Autorité prévoit la possibilité de punir plus sévèrement les abus de position dominante et les ententes horizontales les plus graves précitées : comme la Commission européenne (LD pt 25), elle pourra ajouter au montant de base défini ci-dessus une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de participer à de telles pratiques (pt 31).
Durée de l’infraction
La durée de l’infraction étant devenue un paramètre à part entière pour déterminer le montant de la sanction, comme en droit de l’Union européenne, l’Autorité aligne les modalités de prise en compte de la durée sur celles prévues par la Commission européenne lorsque la durée de l’infraction est supérieure à un an (Lignes directrices pour le calcul des amendes, point 24 : JOUE 2006 C 210). Désormais, chaque année pleine de durée d’infraction est donc prise en compte (point 34), alors qu’auparavant, au-delà de la première année complète de participation à l’infraction, seule la moitié de la valeur des ventes était retenue au titre de chacune des années suivantes.
Tenant compte par ailleurs des évolutions de la jurisprudence européenne en cas d'infraction inférieure à une année, l’Autorité prévoit qu'elle calcule la durée de l’infraction de l’entreprise ou de l’association d’entreprises au prorata temporis de sa participation à celle-ci (point 34). Sur ce point, elle s’écarte des lignes directrices de la Commission, celles-ci précisant que les périodes de moins d'un semestre sont comptées comme une demi-année et les périodes comprises entre six mois et un an comme une année complète (LD point 24).
Individualisation de la sanction
L’Autorité complète la liste des circonstances atténuantes permettant de réduire le montant de base de la sanction. Désormais, ce montant peut être réduit si l’entreprise ou l’association d’entreprise prouve (point 37) :
qu'elle a mis fin à l'infraction dès les premières interventions de l’Autorité, étant précisé que cette circonstance atténuante n’est pas applicable aux accords ou pratiques de nature secrète, en particulier les cartels ;
qu’elle coopère effectivement avec l’Autorité, en allant au-delà des obligations auxquelles elle est juridiquement soumise et en dehors du champ d’application de la procédure de clémence ;
que l’infraction a été sollicitée par les autorités publiques (et non seulement « autorisée » ou « encouragée ») ;
qu’elle a mis en œuvre, en cours de procédure, des mesures de réparation bénéficiant spécifiquement aux victimes de la pratique, allant au-delà de l’indemnité transactionnelle prévue par l’article L 464-2, I-al. 5 du Code de commerce.
La liste des circonstances atténuantes complétée
Comme la Commission européenne (LD point 31), l’Autorité peut décider de majorer la sanction lorsqu’il résulte des éléments à sa disposition que les gains illicites estimés réalisés par l’entreprise ou l’association d’entreprises concernée grâce à l’infraction ou aux infractions en cause sont supérieurs au montant de la sanction pécuniaire qu’elle pourrait prononcer (point 42).
Prise en compte de la réitération
L’Autorité rappelle que la réitération est une circonstance aggravante qui, compte tenu de son importance particulière, doit faire l’objet d’une prise en compte autonome.
Pour apprécier son existence, l’Autorité prend en compte quatre critères cumulatifs, dont l’un a été précisé : l’existence d’une décision constatant une infraction de même nature est appréciée en prenant en compte les décisions de sanction adoptées tant au niveau national qu’au niveau européen, c’est-à-dire par la Commission européenne ou par une autorité de concurrence ou une juridiction d’un Etat membre de l’Union européenne (point 44).