Les entreprises, soumises à l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu selon un régime réel d’imposition, qui acquièrent ou fabriquent certains biens d’équipement entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016 peuvent bénéficier d’une déduction exceptionnelle de 40 % de la valeur d’origine de ces biens (CGI art. 39 decies créé par la loi 2015-990 du 6-8-2015 : FR 32/15 [29] p. 47). Ce dispositif a fait l’objet d’un commentaire administratif avant même son adoption (FR 20/15 [1] p. 3 et BF 6/15 inf. 563). Mais, face aux nombreuses interrogations suscitées par la mise en place de cette déduction, Bercy a donné des précisions lors d’une manifestation organisée le 29 juin 2015 par le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables (FR 29/15 [1] p. 3). L’administration s’était engagée à modifier sa doctrine dès l’adoption définitive de la loi ; c’est chose faite avec cette mise à jour en date du 2 septembre 2015 qui contient en outre quelques précisions nouvelles.
La déduction peut être cumulée avec d’autres mesures de faveur
Si les entreprises exonérées d’impôt par une disposition particulière sont exclues du bénéfice de la déduction exceptionnelle, en revanche, celles exonérées partiellement ou temporairement d’impôt sur les sociétés peuvent en bénéficier.
Sont visées les entreprises nouvelles (CGI art. 44 sexies), les jeunes entreprises innovantes (CGI art. 44 sexies A), les sociétés créées pour la reprise d’entreprises industrielles en difficulté (CGI art. 44 septies), les entreprises situées en ZFU-territoire entrepreneur (CGI art. 44 octies et 44 octies A), dans un bassin d’emploi à redynamiser (CGI art. 44 duodecies) ou en zone de revitalisation rurale (CGI art. 44 quindecies) (BOI-BIC-BASE-100 n° 23).
En outre, il est possible de cumuler la déduction exceptionnelle avec le crédit d'impôt recherche (CGI art. 244 quater B), le crédit d'impôt pour investissement en Corse (CGI art. 244 quater E) ou les régimes d'aide pour investissement productif en outre-mer (CGI art. 199 undecies B, 217 undecies et 244 quater W) (BOI précité n° 27).
La location du bien n’empêche pas le propriétaire juridique de pratiquer la déduction
La loi prévoit que pour les biens donnés en crédit-bail ou en location avec option d'achat, la déduction peut être pratiquée par l'entreprise crédit-preneur ou locataire et non par le propriétaire-bailleur.
En dehors de ces cas, la location du bien n'empêche pas le propriétaire juridique du bien de pratiquer la déduction.
De même, le propriétaire juridique qui met gratuitementà disposition une immobilisation dont le contrôle est effectivement exercé par l'utilisateur peut pratiquer la déduction exceptionnelle. La déduction n'est pas transférée à l'utilisateur du bien même si, par ailleurs, le bien est inscrit au bilan de ce dernier (BOI précité n° 30).
Les biens concernés doivent remplir deux conditions cumulatives
Pour ouvrir droit au dispositif, les biens doivent remplir les conditions cumulatives suivantes : être amortissable selon le mode dégressif (CGI art. 39 A) et relever de l’une des catégories énumérées à l’article 39 decies du CGI.
Sont donc exclues les catégories de biens pouvant être amortis selon le mode dégressif prévu à l'article 39 A du CGI mais qui ne sont pas mentionnées dans la liste de l'article 39 decies du CGI, telles que notamment les biens de nature immobilière, les matériels de magasinage et de stockage ainsi que les matériels de transport (BOI précité n° 45).
Une distinction doit être opérée pour les matériels roulants
L’administration établit une distinction entre le matériel roulant affecté à une opération de transport, qui est exclu de la déduction, et le matériel roulant concourant prioritairement à la réalisation d’une activité de production, de transformation ou de manutention, qui ouvre droit à la déduction. Il s’agit notamment, dans le domaine industriel, de certains engins de travaux publics (pelles mécaniques, bulldozers et niveleuses) et, dans le domaine agricole, des tracteurs et d’une manière générale des matériels utilisés pour le travail de la terre (BOI précité no 40). Concernant le domaine agricole, l’administration dresse une liste précise des matériels concernés (voir no 13).
La date d’acquisition des biens entrant dans le champ du dispositif est précisée
Pour pouvoir bénéficier du dispositif, les biens d’équipement doivent être acquis ou fabriqués à compter du 15 avril 2015 et au plus tard le 14 avril 2016, ou avoir fait l’objet d’un contrat de crédit-bail ou de location avec option d’achat conclu entre ces mêmes dates.
Les entreprises qui ont clos leur exercice comptable avant la promulgation de la loi (par exemple le 30 juin) ont pu se prévaloir de la mesure si elles ont, à compter du 15 avril 2015, acquis, fabriqué ou pris en crédit-bail des biens d’équipement entrant dans le champ du dispositif.
L’administration avait précisé en juin dernier que la date d’acquisition à retenir devait, comme en matière d’amortissement dégressif, correspondre à la date à laquelle intervient l’accord sur la chose et le prix, c’est-à-dire au moment où l’entreprise devient juridiquement propriétaire de l’investissement. Elle apporte une exception à cette règle pour les transactions assorties d’une clause de réserve de propriété. Pour ces transactions, la date à considérer est la date de livraison du bien et non celle du transfert de propriété (BOI précité no 105).
Par ailleurs, pour les biens acquis par l’entreprise dont la fabrication est échelonnée, la date de transfert de propriété est fixée lors de la réception provisoire, c’est-à-dire au moment où, la commande étant exécutée, l’acheteur est à même de donner son accord sur la chose. Par suite, les acomptes versés par l’acheteur ne peuvent ouvrir droit à la déduction avant l’achèvement du matériel commandé, le cas échéant constaté de manière progressive (BOI précité no 100).
Ce principe est le même qu’en matière d’amortissement dégressif (BOI-BIC-AMT-20-20-30 no 70 : BIC-X-24940). Ainsi, lorsque le bien acquis est un bien complexe dont la fabrication s’étend sur une période longue et pour lequel l’avancement de l’exécution du contrat est constaté sous la forme d’une réception provisoire (par exemple une importante chaîne de montage), la date d’acquisition à retenir est celle de la réception. Les éventuels acomptes versés par le client ne constituent pas l’assiette de la déduction.
Lorsqu’il s’agit de pièces ou matériels destinés à être incorporés dans un ensemble industriel devant être construit ou fabriqué par l’entreprise elle-même ou avec l’aide de sous-traitants ou de façonniers, la date à retenir est la date d’achèvement de cet ensemble.
Par exception, l’administration admet que, si de tels ensembles se composent de divers éléments ou groupes d’éléments ayant une unité propre et une affectation particulière permettant une mise en service séparée, la date à retenir est la date d’achèvement de chacun de ces éléments ou groupes d’éléments. La déduction exceptionnelle est alors calculée sur le prix de revient de chacun de ces éléments ou groupes d’éléments (BOI précité no 120).
Le dispositif continue de s’appliquer en cas de restructurations à caractère intercalaire
Lorsque des biens sont apportés avant la fin de leur durée normale d’amortissement, à une ou plusieurs sociétés dans le cadre d’une opération de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actif placées sous le régime de faveur (CGI art. 210 A, 210 B ou 210 C), la ou les sociétés bénéficiaires des apports se substituent à la société absorbée, scindée ou apporteuse dans tous ses droits et obligations. Cette ou ces dernières poursuivent donc la déduction exceptionnelle qui a été pratiquée par la société apporteuse pour la durée restant à courir et le montant restant à déduire.
Lorsque les biens transférés sont inscrits au bilan de la ou des sociétés bénéficiaires des apports pour une valeur différente de celle qu’ils avaient dans les écritures de la société apporteuse, la différence entre ces deux valeurs est sans effet sur l’assiette de la déduction exceptionnelle qui reste fixée à la valeur d’origine hors frais financiers des biens concernés (BOI précité n° 133).
Dans le cas où la restructuration est placée sous le régime de droit commun, l’opération est considérée comme une cession. Les éléments reçus par la ou les sociétés bénéficiaires des apports, qualifiés de biens d’occasion, n’ouvrent alors plus droit au bénéfice de la déduction exceptionnelle. La déduction reste acquise à la société apporteuse à hauteur des montants déjà déduits à la date d’effet de l’opération de restructuration (BOI précité n° 137).
Le point de départ du calcul de la déduction est défini
Dans ses premiers commentaires l’administration était restée silencieuse sur le point de départ du calcul de la déduction exceptionnelle. Celui-ci est désormais précisé : il est fixé au premier jour du mois de l’acquisition ou de la construction du bien, indépendamment de la date de mise en service effective (BOI précité n° 145).
Il s’agit de la même règle que celle qui existe pour l’amortissement dégressif (BIC-X-24900).
Exemple : un bien d’équipement est acquis par l’entreprise le 16 août et mis en service le 1er septembre 2015, la déduction est pratiquée à compter du 1er août 2015
Les modalités pratiques de déduction du résultat imposable sont précisées
La déduction exceptionnelle est à mentionner en ligne « déductions diverses » du tableau de détermination du résultat fiscal, soit :
- pour les entreprises relevant des BIC et de l’IS, à la ligne XG du tableau n° 2058-A (régime réel normal) ou à ligne 350 du cadre B de l’annexe n° 2033-B (régime simplifié d’imposition) ;
- pour les entreprises relevant des bénéfices agricoles, à la ligne WZ du tableau n° 2151 (bénéfice réel) ou FR du tableau n° 2139-B (régime simplifié d’imposition).
L’administration précise que, comme pour les autres déductions diverses, le montant de la déduction exceptionnelle est individualisé sous le libellé exact « Déduction exceptionnelle investissement » et intégré dans un tableau du formulaire principal pour les téléprocédures en mode EDI et EFI.
Attention, de nouvelles modalités déclaratives doivent toutefois être prévues pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2015. Nous attendons les précisions de l’administration sur ce point (BOI précité n° 210). Selon nos renseignements, il pourrait s’agir d’une ligne dédiée sur la déclaration de résultats.
La déduction est optionnelle
L’administration rappelle que la déduction est optionnelle. Si une entreprise choisit de ne pas commencer à la pratiquer à la clôture de l'exercice où le bien est acquis ou fabriqué, elle prend une décision de gestion définitive. Par conséquent, elle ne peut pas corriger par la suite sa déclaration pour déduire la déduction à laquelle elle a renoncé (BOI précité n° 230).
Cette précision devrait inciter les entreprises à commencer à pratiquer la déduction même si elles ont des hésitations sur son application.
Des solutions particulières pour les bénéfices agricoles
Concernant le matériel agricole roulant ouvrant droit à la déduction exceptionnelle, l’administration retient le critère de l’affectation prioritaire à des opérations de production (voir n° 5). Ainsi, sont éligibles, les tracteurs, les moissonneuses batteuses, les ensileuses, les machines à vendanger, les chargeurs télescopiques, les épandeurs à fumier, les semoirs à céréales et monograines, les pulvérisateurs, les matériels pour travail du sol, les installations d'irrigation et de drainage qui ne sont pas de nature immobilière, et les cuves de vinification qui concourent au processus de production.
S'agissant du cas particulier des salles de traite, elle précise qu’il convient de distinguer selon qu'il s'agit de biens de nature immobilière ou mobilière. En effet, les installations immobilières ne sont pas éligibles à la déduction exceptionnelle. En revanche, les autres équipements et sous réserve qu'il ne s'agisse pas de matériels affectés au stockage, peuvent bénéficier de la déduction (p. ex. les robots de traite) (BOI-BA-BASE-20-10-10 n° 167).