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Les bons d’achat octroyés par l’employeur sont assujettis à cotisations

La Cour de cassation ferme la porte à toute application, par les juges, des tolérances administratives acceptant une exonération partielle des bons d’achat octroyés par un employeur à ses salariés.

Cass. 2e civ. 30-3-2017 n° 15-25.453 F-PB


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Un arrêt du 30 mars 2017 vient rappeler, une fois de plus, l’aléa judiciaire qui pèse sur l’exonération de cotisations concédée par l’administration pour les bons d’achat ne dépassant pas certains montants.

Exonération par tolérance des bons d’achat dans la limite de 163 € en 2017

Dans un souci de simplification, l'administration admet qu'il puisse être fait abstraction, pour déterminer l’assiette des cotisations, des bons d'achats d'utilisation déterminée lorsque leur importance est conforme aux usages (Inst. min. affaires sociales et solidarité nationale du 17-4-1985). Il a ainsi été institué une présomption de non-assujettissement lorsque l'ensemble des bons d'achats délivrés pendant une année aux bénéficiaires n'excède pas la valeur de 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale (Lettre DSS 88-927 du 12-12-1988 diffusée par circ. Acoss 89-5 du 4-1-1989).

Cette tolérance vaut non seulement lorsque ces avantages sont consentis par le comité d'entreprise, mais également, lorsque, en l'absence d'une telle institution, ils sont alloués par l'employeur (Circ. Acoss 86-17 du 14-2-1986).

Au-delà, la conformité aux usages de la valeur des bons d'achat doit être vérifiée ; par tolérance administrative,  ils échappent dans cette hypothèse aux cotisations de sécurité sociale dès lors que, distribués en relation avec un événement aux personnes concernées par celui-ci, ils permettent d'acquérir un bien déterminé.

La Cour de cassation refuse d’appliquer la tolérance administrative

En l’espèce, un employeur avait, à l’occasion des fêtes de Noël, remis aux salariés des bons d’achat et cadeaux dont la valeur n’avait pas excédé 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, conformément aux préconisations de l’administration. L’Urssaf avait néanmoins procédé à un redressement, estimant que les bons étaient attribués dans des conditions discriminatoires. Elle demandait, pour les mêmes motifs, la cassation de l’arrêt de la cour d’appel ayant annulé le redressement en se fondant sur les textes administratifs précités.

A noter : le ministre du travail a précisé, dans une réponse à la question d’un parlementaire, que les employeurs ou comités d'entreprise ne peuvent se référer, dans l’attribution de bons d’achat, à des éléments dont l'utilisation constitue une discrimination au sens de l'article L 225-1 du Code pénal. De même, la différence de traitement entre les salariés au regard d'un même avantage doit être fondée sur des raisons objectives et pertinentes, ce qui, selon le ministre, n'apparaît pas, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, compatible avec des critères en lien avec l'activité professionnelle tels que l'ancienneté ou la présence effective des salariés dans l'entreprise. C'est sur cette base, précise le ministre, que l'Urssaf réintègre dans l'assiette des cotisations les bons d'achat ou cadeaux attribués en fonction de tels critères (Rép. Pellois : JO AN 6-5-2014 p. 3688 n° 43931). L’Urssaf s’était en l’espèce conformée à cette doctrine.

La Cour de cassation casse l’arrêt, mais sans reprendre l’argumentation de l’organisme de recouvrement. Elle reproche simplement aux juges d’avoir statué sur le fondement d’une circulaire et d’une lettre ministérielle dépourvues de toute portée normative, en violation notamment de l’article L 242-1 du CSS.

On rappelle que l’article L 242-1 du CSS, prévoit que pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail.

Il en résulte que les bons d’achat sont assujettis à cotisations quelles que soient les conditions dans lesquelles l’employeur les octroie (respect ou dépassement du plafond de 5 % du Pass, absence ou non de discrimination). Le respect ou non des conditions posées par l’administration pour échapper aux cotisations est sans conséquence en cas de contentieux.

A noter : la Cour de cassation a jugé il y a deux ans que les bons-cadeaux alloués par l'employeur sans délégation expresse du comité d'entreprise ne sont pas exonérés de cotisations (Cass. 2e civ. 12-2-2015 n° 13-27.267 : RJS 5/15 n° 362). Cette décision aurait pu être interprétée comme admettant une exonération pour les bon-cadeaux alloués par l'employeur bénéficiant d’une délégation du comité d'entreprise. Comme le confirme le présent arrêt, il n’en est rien.

Même solution pour les bons d’achat du comité d’entreprise

Cet arrêt est dans la ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation concernant les bons d’achat remis par le comité d’entreprise aux salariés. En effet, selon la Cour de cassation, les bons d'achat d'une valeur uniforme distribués par l’institution représentative du personnel à l'ensemble des salariés  constituent, non un secours, mais un avantage accordé aux salariés en raison de cette qualité et à l'occasion du travail accompli. Ils sont en conséquence soumis à cotisations sociales (voir notamment Cass. soc. 12-11-1992 n° 91-11.098 D et Cass. soc. 11-7-2005 n° 04-30.188 FD).

Seules les tolérances prévues par un texte opposable sont certaines

La décision est également conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation au regard des textes administratifs en matière de cotisations de sécurité sociale : seuls ceux auxquels la loi confère une portée normative sont pris en compte, les autres devant obligatoirement être exclus des débats.

L'article L 243-6-2 du CSS garantit le cotisant ayant appliqué la législation relative aux cotisations et contributions sociales selon l'interprétation en vigueur admise par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale régulièrement publiée contre tout redressement d'une Urssaf qui serait fondé sur une interprétation différente. Ainsi, par exemple, la Cour de cassation applique, si les cotisants s’en prévalent, la circulaire DSS 2003-07 du 7 janvier 2003 (BOSS n° 4/03) qui exonère de cotisations, sous certaines conditions, les tarifs préférentiels sur leurs produits et services accordés par les entreprises à leurs salariés (pour un exemple, voir Cass. 2e civ. 1-7-2010 n° 09-14.364 FS-PB : RJS 10/10 n° 803).

Elle a en revanche jugé que l'instruction ministérielle du 12 décembre 1988 et la circulaire Acoss du 4 janvier 1989 ne sont pas créatrices de droits et ne sauraient restreindre ceux que tiennent de la loi les organismes de recouvrement (Cass. soc. 5-5-1995 n° 92-19.024 P : RJS 7/95 n° 817 et Cass. 2e civ. 31-5-2006 n° 04-30.762 F-D). Il en est de même de la circulaire de l’Acoss prévoyant une exonération pour les sommes versées à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail (Cass. 2e civ. 16-9-2010 n° 09-10.346 FS-D : RJS 11/10 n° 879). On peut supposer que la solution vaut aussi pour la circulaire Acoss du 27 octobre 2004 qui prévoit une exonération de cotisations pour les chèques-culture.

Le ministre avait signalé dans la réponse précitée du 6 mai 2014 qu’une circulaire était en préparation pour préciser le régime social des prestations servies par les comités d'entreprise et les institutions analogues et clarifier les principes à retenir pour la modulation de leur attribution. On peut supposer qu'elle réglera également le sort des bons attribués directement par l'employeur en l'absence de telles institutions. Dans l’attente, attribuer des bons sans les intégrer dans l’assiette des cotisations demeure risqué, même si, à la date de notre article, les Urssaf continuent de décrire sur leur portail le régime social de faveur appliqué par tolérance à ces bons.

Claire MAUGIN

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Social nos 22365 s

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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