Lors de l'acquisition d'une entreprise il avait été prévu un transfert de savoir-faire au profit de la société acquéreur, en l’occurrence une société italienne. Ce transfert impliquant pour certains des salariés de la société acquise un travail de coopération avec les équipes italiennes et de formation de ces dernières, un accord collectif de fin de conflit avait instauré, pour les salariés concernés, un bonus salarial dont le bénéfice était subordonné à la participation effective à la coopération avec les équipes italiennes.
La question se posait de savoir si le versement du bonus de coopération devait ou non être maintenu à une salariée pendant son congé maternité, étant précisé qu'aux termes de la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000 applicable à l’espèce, l'employeur était, sous déduction des indemnités journalières servies par la sécurité sociale, tenu de maintenir « 100 % du salaire mensuel de base ».
Les juges d'appel avaient considéré que le versement du bonus étant subordonné à l'accomplissement effectif du travail de coopération, lequel n'était pas accompli pendant le congé maternité, la salariée ne pouvait pas prétendre à son versement. Cette décision était critiquée tant au regard du droit interne que du droit européen mais le pourvoi est rejeté.
Au regard du droit interne, le rejet du pourvoi s'inscrit dans la ligne générale de la jurisprudence qui admet la possibilité de subordonner le paiement de primes contractuelles, conventionnelles, ou instaurées unilatéralement par l'employeur à l'accomplissement effectif d'un travail ou à la présence du salarié dans l'entreprise à un moment donné. Ainsi, dès lors que le congé maternité n'est légalement assimilé à un travail effectif que pour la détermination de la durée des congés payés annuels, il peut entraîner la réduction d'une prime dont, sans cela, la salariée aurait bénéficié (Cass. soc. 11-4-1991 no 87-41. 975 P ; ou, plus récemment, pour une maladie professionnelle ou un accident du travail, Cass. soc. 17-10-2007 no 06-40.311 F-D). L'essentiel est que, sauf dispositions légales particulières, l'absence motivée par la maternité entraîne sur l’attribution de la prime les mêmes conséquences que les autres absences, à défaut de quoi le dispositif pourrait tomber sous le coup de l'interdiction des discriminations fondées sur le sexe (voir par exemple Cass. soc. 1-12-2016 no 15-24.693 F-D).
Au regard du droit européen, pouvait notamment être invoquée la directive 92/85 du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail.
Cette directive apporte des éléments de réponse allant dans le même sens que le droit interne. Son article 11 prévoit en effet au bénéfice de la salariée en congé maternité « le maintien d'une rémunération et/ou le bénéfice d'une prestation adéquate » et précise que « la prestation est jugée adéquate lorsqu'elle assure des revenus au moins équivalents à ceux que recevrait la travailleuse concernée dans le cas d'une interruption de ses activités pour des raisons liées à son état de santé ». Les indemnités légales servies par la sécurité sociale sont donc adéquates au sens de ce texte ainsi que l’indemnisation complémentaire servie par l’employeur par application d’un accord collectif dès lors qu’elle est au moins égale à l’indemnisation d’un travailleur malade. La Cour de justice de l’Union européenne considère en conséquence que les « travailleuses ne peuvent utilement invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 11, points 2 et 3, de la directive 92/85 pour revendiquer le maintien, pendant leur congé de maternité, de leur rémunération intégrale comme si elles occupaient effectivement, comme les autres travailleurs, leur poste de travail » (CJUE 1-7-2010 aff. 194/08) et juge, par exemple, que « le seul fait qu’une magistrate ne bénéficie pas d’une indemnité judiciaire spéciale pendant un congé de maternité obligatoire, à la différence de ses collègues masculins en activité, ne constitue pas une discrimination fondée sur le sexe » ( CJUE 14-7-2016 aff. 335/15).
La solution retenue par la Cour de cassation est donc parfaitement conforme au droit positif.
Pour en savoir plus sur l'incidence de la suspension du contrat de travail sur le versement de primes : Voir Mémento Paie n° 45320 s.