Une personne décède laissant à sa survivance ses enfants et petits-enfants ainsi que son auxiliaire de vie employée à domicile instituée légataire à titre particulier de ses comptes bancaires ouverts à son nom en Australie. Ses héritiers légaux demandent l'annulation du testament et obtiennent gain de cause en première instance.
La cour d'appel infirme la disposition du jugement qui annule le testament, retenant que la présomption de captation d'héritage instaurée par l'article 909 du Code civil ne s'applique pas en Nouvelle-Calédonie. L'employée de maison n'était donc pas frappée d'une incapacité de recevoir. Par ailleurs, l'altération des facultés mentales du testateur n'était pas établie. En effet, elle ne pouvait pas se déduire du certificat médical qui constate un affaiblissement général, un état dépressif après le décès de son épouse et des troubles mnésiques, aucune mesure de protection n'ayant été prise par la suite.
La Cour de cassation censure cette analyse. Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence (C. civ. art. 901). La cour d'appel a privé sa décision de base légale en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'auxiliaire de vie ne s'était pas livrée à des manœuvres dolosives lors des derniers mois de la vie de son employeur pour capter son héritage.
À noter : La Haute Juridiction rappelle l'autonomie de la notion de dol ( C. civ. art. 901). Elle est indépendante de toute mesure de protection juridique susceptible d'être mise en place au profit de l'auteur de la libéralité. L'appréciation du consentement du testateur est également distincte de la mise en œuvre des incapacités de recevoir à titre gratuit instituées par le législateur pour éviter tout risque de captation d'héritage de personnes présumées placées dans un état de faiblesse par rapport à d'autres (concernant les personnes physiques, notamment : C. civ. art. 907, 909 et 911 ; CASF art. L 116-4).
Elle se distingue aussi de la notion d'insanité d'esprit (C. civ. art. 901) : la première suppose l'existence d'une volonté, la seconde repose sur le constat de son absence. Ainsi a été jugé que la volonté de la testatrice, dans un état général et habituel de démence, était libre et lucide le jour où elle a testé, sauf dans la mesure où elle s'est trouvée altérée par les manœuvres de son employée de maison (Cass. 1e civ. 4-2-1992 no 89-20.981).
Dans cette affaire, les juges du fond auraient dû souverainement apprécier si le fait, pour l'employée de maison, d'empêcher les descendants de venir rendre visite au testateur et de l'assister dans ces derniers instants, tout en se présentant comme sa concubine, ne constituait pas une manœuvre de captation frauduleuse à l'origine du legs en sa faveur.
Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Successions Libéralités n° 280
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