Lorsque les époux sont mariés sous un régime de séparation de biens assorti de la création, par voie conventionnelle, d’une société d’acquêts, les biens ou revenus apportés à cette « société » sont soumis, sauf stipulation contraire, aux règles de la communauté. Pour le Conseil d'Etat, les droits que détient un conjoint sur un actif apporté à la société d’acquêts et affecté à l’exercice de la profession de l’autre conjoint ont toujours, du point de vue fiscal, le caractère d’un élément de patrimoine professionnel, même dans le cas où ce conjoint ne participe pas à l’activité professionnelle en cause. En conséquence, ces droits sont, s’il y a lieu, imposés selon le régime des plus-values professionnelles prévu par les articles 39 duodecies et suivants du CGI.
Le Conseil d'Etat précise également que, dès lors que la société d’acquêts adjointe à un régime de séparation de biens est, en principe, soumise aux règles de la communauté et que l’apport d’un bien relevant de la communauté ne figure pas au nombre des causes de dissolution de celle-ci, le fonds de commerce apporté à une société d’acquêts ne peut pas être regardé comme un bien indivis du seul fait de son apport par la société d’acquêts à une SARL.
A noter : en l’espèce, les époux avaient décidé de changer de régime matrimonial pour se placer sous le régime de la séparation de biens et avaient constitué à cette occasion une société d’acquêts à laquelle l’époux avait apporté le fonds de commerce de pharmacie qu’il avait créé et dont l’exploitation a été confiée à l’épouse. Les époux ont ensuite fait apport à une SARL des droits sur le fonds de commerce que chacun détenait dans la société d’acquêts.
L’administration avait considéré que la plus-value d’apport des droits de l’époux sur le fonds appartenant à la société d’acquêts avait bien la nature d’une plus-value professionnelle. Mais elle avait estimé que cette plus-value ne pouvait pas bénéficier du report d’imposition prévu en cas d’apport en société d’une entreprise individuelle par l’article 151 octies du CGI, dès lors que l’intéressé ne participait pas lui-même à l’exploitation du fonds. En revanche, l’épouse qui exploitait le fonds a pu bénéficier du report d’imposition de la plus-value d’apport de la part de ses droits dans la société d’acquêts.
Le Conseil d’Etat reconnaît le caractère d’actif professionnel aux droits détenus dans la société d’acquêts par l’époux qui ne participait à l’exploitation du fonds de commerce (élément d’actif professionnel par nature), se plaçant ainsi dans la ligne de sa jurisprudence sur l’indivision (CE 3-9-1997 no 133408 : DC-V- 23810 ; CE 27-10-1999 no 182500 : DC-V-24390).
Martine TROYES