Une veuve donne à ses deux filles et à son fils la nue-propriété de ses droits sur deux immeubles dépendant de la communauté ayant existé avec son époux prédécédé. Vingt ans plus tard, elle donne à son fils l’usufruit de ces immeubles. Elle était titulaire de cet usufruit, moitié pour se l’être réservé à la suite de la première donation, moitié en qualité de donataire de la totalité de l’usufruit des biens dépendant de la succession de son époux.
La donatrice décède, laissant ses trois enfants. Des difficultés étant survenues au cours des opérations de partage des successions du couple, les deux filles assignent leur frère en partage de l’indivision successorale et en paiement d’une indemnité au titre de l’occupation des deux immeubles.
Pour rejeter la demande d’indemnité d’occupation, la cour d’appel retient que l’usufruit des immeubles se serait éteint à la mort de la donatrice si celle-ci n’en avait pas fait donation à son fils de son vivant. Si les trois enfants sont nus-propriétaires, le fils dispose de la totalité de l’usufruit.
Censure de la Cour de cassation. L’usufruitier peut céder son droit à titre gratuit (C. civ. art. 595, al. 1). Par ailleurs, l’usufruit s’éteint notamment par la mort de l’usufruitier (C. civ. art. 617). Il résulte de la combinaison de ces deux textes qu’en cas de donation d’un usufruit déjà constitué à titre viager l’usufruit s’éteint à la mort du donateur et non à celle du donataire.
A noter :
Il s’agit de l’application du principe selon lequel nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a lui-même : « nemo plus juris… ». Une fois le démembrement intervenu, l’usufruitier ne peut pas à son tour constituer un usufruit successif sur le bien, qu’il soit temporaire ou viager. Il ne peut que céder son propre droit. La cession ne modifie donc pas la durée de l'usufruit, qui reste celle qu’il avait lors de sa constitution, soit le plus souvent celle de la vie du premier titulaire (F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les biens, Précis Dalloz, 10e éd., 2018, n° 819 ; voir également M. Grimaldi, Libéralités. Partages d’ascendants, Litec, 2000, n° 1166).
En revanche, un usufruit successif peut parfaitement être constitué postérieurement au démembrement par le nu-propriétaire (notamment, Cass. 1e civ. 25-10-1978 n° 76-13.775 : Bull. civ. I n° 324 ; sur cette question, voir également B. Gelot, La libre disposition de l'usufruit par le nu-propriétaire : Defrénois 15-9-1997 p. 961 n° AD1997DEF961N1).
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