1. Une banque conclut avec une société une convention de compte courant et lui consent une ouverture de crédit ; le gérant de la société se porte caution solidaire de l’ensemble des engagements de la société dans la limite de 74 100 € pour une durée de dix ans.
Trois ans après, la société absorbe une société qui bénéficiait d’un crédit consenti par la même banque. Quelques mois plus tard, la banque se prévaut de l’exigibilité anticipée de ce crédit en raison de la dissolution de la société absorbée et, après la mise en liquidation judiciaire de la société absorbante, elle poursuit la caution en paiement des dettes de la société résultant du crédit octroyé à la société absorbée.
Les arguments avancés par la caution pour échapper à son engagement ou le réduire sont écartés et elle est condamnée à verser 74 100 € à la banque.
L'étendue du cautionnement
2. La caution prétend qu’elle ne peut pas être tenue de garantir le concours accordé à une autre société avant son absorption par la société débitrice dès lors que le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté (C. civ. art. 2292) ; elle demande que son obligation soit donc limitée au montant du découvert bancaire de la société débitrice.
La Cour de cassation écarte sa demande : le gérant s’était rendu caution de l’ensemble des engagements, présents ou futurs, de la société à l’égard de la banque dans la limite de 74 100 € et pour dix ans ; il était mal fondé à contester être tenu des créances de la banque sur cette société résultant du crédit octroyé à la société qu’elle avait absorbée et dont la dissolution sans liquidation a entraîné la transmission universelle de son patrimoine à la société cautionnée.
3. En cas de scission ou de fusion-absorption sans création d’une société nouvelle, la personnalité morale de la société qui reçoit le patrimoine de la société scindée ou absorbée subsiste sans modification, de sorte que l'obligation de la caution qui s’est portée garante des dettes de la société bénéficiaire de l’absorption ou de la scission demeure purement et simplement (Cass. com. 27-10-1980 : Bull. civ. IV n° 346 ; Cass. com. 17-7-2001 n° 1501 : RJDA 1/02 n° 49 ; Cass. com. 5-11-2003 n° 00-13.570 F-D : RJDA 2/04 n° 168).
C’est la première fois que la Cour de cassation statue dans la situation où sont en cause les dettes de la société absorbée. Au cas particulier, le gérant s’était porté garant de l'ensemble des engagements même futurs de la société à l’égard de la banque (cautionnement dit « omnibus »), dans la limite d’un certain montant. Dès lors que les dettes de la société absorbée avaient été transmises à la société absorbante en application de l’article L 236-3, I du Code de commerce et en particulier les dettes envers la même banque, la caution ne pouvait pas prétendre ne pas être tenue des dettes de la société absorbée.
Rappelons en revanche que l'obligation de la caution qui s'était engagée à garantir les dettes de la société absorbée n'est maintenue, pour la garantie des dettes de la société absorbante nées postérieurement à la fusion, que dans le cas d'une manifestation expresse de volonté de la caution de s'engager à garantir de telles dettes (en dernier lieu, Cass. com. 17-5-2017 n° 15-15.745 F-D).
Sophie CLAUDE-FENDT
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 55188