Un copropriétaire agit en nullité de plein droit du mandat de syndic faute pour celui-ci d’avoir respecté ses obligations en matière d’ouverture d’un compte bancaire séparé.
La cour d’appel déclare la demande irrecevable : elle retient qu’il n’a pas qualité à agir pour soutenir ce moyen de nullité pour la période antérieure à la date à laquelle il est devenu copropriétaire, le 28 février 2013, alors qu’à cette date, le syndic était titulaire d’un compte séparé qui avait été ouvert au plus tard le 3 juillet 2012.
L’arrêt est cassé : la demande était recevable dès lors que l’intéressé avait acquis la qualité de copropriétaire au jour de l’introduction de la demande.
A noter :
La précision est nouvelle. Le syndic est chargé d’ouvrir, dans l’établissement bancaire de son choix, un compte séparé au nom du syndicat, sur lequel sont versées sans délai toutes les sommes ou valeurs reçues au nom ou pour le compte du syndicat et ce compte ne peut faire l’objet ni d’une convention de fusion ni d’une compensation avec tout autre compte (Loi 65-557 du 10-7-1965 art. 18). La méconnaissance par le syndic de cette obligation emporte la nullité de plein droit de son mandat à l’expiration du délai de 3 mois suivant sa désignation. Avant la loi Alur du 24 mars 2014, entrée en vigueur sur ce point le 24 mars 2015, l’assemblée générale pouvait dispenser, à la majorité de l’article 25, le syndic de cette obligation. Cette possibilité a été supprimée par l’ordonnance 2019-11101 du 30 octobre 2019, entrée en vigueur sur ce point le 31 décembre 2020. Une telle dispense est néanmoins demeurée possible lorsque le syndicat comportait au plus quinze lots.
L’obligation d’ouverture d’un compte séparé a pour but de permettre une gestion autonome et donc plus saine de chaque copropriété, et préserve les copropriétés des difficultés de gestion susceptibles de survenir en cas de défaillance du syndic.
Si le syndic ne procède pas, dans le délai de 3 mois suivant sa désignation, à l’ouverture du compte séparé, alors qu’il n’en a pas été dispensé (lorsque c’était encore possible), son mandat est nul de plein droit (Cass. 3e civ. 8-4-2009 n° 08-11.965 FS-PB : BPIM 3/09 inf. 228 ; Cass. 3e civ. 16-3-2011 n° 10-14.005 FS-PBI : BPIM 3/11 inf. 229). Sous réserve de la validité des actes passés avec les tiers de bonne foi, cette nullité rétroagit au jour de la désignation du syndic. L’action en constatation de la nullité de plein droit du mandat du syndic ne s’analysant pas en une action en contestation de l’assemblée générale ayant désigné le syndic, elle n’est pas soumise au délai de forclusion prévu à l’article 42, al. 2 de la loi de 1965 (Cass. 3e civ. 19-11-2014 n° 13-21.399 FS-PB : BPIM 1/15 inf. 62) mais à celui de 10 ans prévu, avant l’entrée en vigueur de la loi 2018-1021 du 23 novembre 2018, par le premier alinéa du même article (Cass. 3e civ. 9-11-2017 n° 16-20.752 FS-D : BPIM 1/18 inf. 65).
Un copropriétaire est-il recevable à agir en nullité du mandat de syndic lorsque cette nullité est fondée sur un fait antérieur à l’acquisition de sa qualité de copropriétaire ? Ou seule une personne ayant la qualité de copropriétaire au moment de l’apparition de la cause de nullité du mandat a-t-elle qualité et intérêt à se prévaloir d’une telle nullité ? La Cour de cassation opte dans cet arrêt pour la première alternative. Un copropriétaire invoquait, au soutien de sa demande de nullité, le défaut, sans autorisation de l’assemblée générale, d’ouverture d’un compte séparé, à une période antérieure à la date d’acquisition de son lot, puisqu’à cette date, le compte bancaire séparé avait été ouvert. Dès lors qu’il avait bien la qualité de copropriétaire au moment de l’introduction de sa demande en justice, il avait qualité et intérêt à agir pour invoquer la nullité de plein droit, non régularisable et donc persistante, du mandat du syndic résultant de la méconnaissance de son obligation d’ouverture d’un compte séparé.