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Certificat successoral européen incomplet : refus d’inscription dans le registre foncier

La demande d’inscription d’un bien immobilier dans le registre foncier d’un État membre peut être rejetée lorsque le seul document présenté à l’appui de cette demande est un certificat successoral européen qui n’identifie pas ce bien immobilier.

CJUE 9-3-2023 aff. 354/21


Par David LAMBERT, Avocat à Paris
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©Gettyimages

Une femme résidant en Allemagne décède, laissant pour seul héritier son fils, également résident en Allemagne. Celui-ci accepte sans réserve la succession et demande à l’autorité compétente en Allemagne – une juridiction – l’établissement d’un certificat successoral européen (CSE), la succession comprenant des biens situés en Allemagne et en Lituanie. Le tribunal lui délivre un certificat d’hérédité et un CSE dans lequel il est indiqué que la défunte a laissé son patrimoine à son fils, son unique héritier ayant accepté la succession sans réserve. Muni de son CSE, le fils demande au centre des registres, l’organisme étatique chargé, notamment, de tenir le cadastre et le registre foncier en Lituanie, de faire inscrire dans ce registre son droit de propriété sur les biens immobiliers ayant appartenu à la défunte en Lituanie. Il présente à l’appui de sa demande le certificat d’hérédité et le CSE. Sa demande est rejetée au motif que le CSE ne contient pas les informations nécessaires à l’identification du bien immobilier prévues par la loi sur le registre foncier, à savoir qu’il n’indique pas quels sont les biens hérités. Le fils fait appel devant une commission administrative, puis saisit un tribunal. Ses demandes sont rejetées. Il fait appel de la décision devant la cour administrative suprême de Lituanie, qui interroge la CJUE.

La question est relative à l’articulation de plusieurs dispositions du règlement Successions (Règl. UE 650/2012 du 4-7-2012) :

  • celles relatives au champ d’application du règlement, dont est exclue « toute inscription dans un registre de droits immobiliers ou mobiliers, y compris les exigences légales applicables à une telle inscription » (art. 1, § 2-l) ;

  • et celles relatives au CSE qui prévoient, d’une part, que le CSE indique « la part revenant à chaque héritier et, le cas échéant, la liste des droits et/ou des biens revenant à un héritier déterminé » (art. 68, § l) et, d’autre part, que « le certificat constitue un document valable pour l’inscription d’un bien successoral dans le registre pertinent d’un État membre, sans préjudice » des dispositions relatives au champ d’application du règlement (art. 69, § 5).

Ces dispositions combinées doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation d’un État membre prévoyant que la demande d’inscription d’un bien immobilier dans le registre foncier de cet État membre peut être rejetée lorsque le seul document présenté à l’appui de cette demande est un certificat successoral européen qui n’identifie pas ce bien immobilier ? Indirectement, cela obligerait l’autorité émettrice d’un CSE à faire figurer une liste des biens revenant à l’héritier, non seulement en cas de pluralité d’héritiers, ce que semble prévoir le texte du règlement, mais également en cas d’héritier unique, comme dans l’affaire commentée. On rappellera que le droit lituanien prévoit de façon assez logique que, pour être inscrit dans le registre foncier, le document présenté à l’appui de la demande doit identifier le bien immobilier concerné, ce qui implique qu’il comprenne les éléments suivants : la localité cadastrale, la section cadastrale, le numéro cadastral de la parcelle, le numéro unique (numéro d’identification) de la parcelle, le numéro unique (numéro d’identification) du bâtiment et le numéro unique (numéro d’identification) de l’appartement ou du local.

La CJUE déduit des dispositions précitées que les règles relatives au CSE n’empêchent pas un État membre de fixer ou d’appliquer les exigences à respecter aux fins de l’enregistrement de droits réels immobiliers. À cet égard, chaque État membre est libre de déterminer les conditions et les modalités de cet enregistrement, y compris d’exiger que toutes les données d’identification d’un bien immeuble pour lequel une demande d’enregistrement est introduite soient fournies dans cette demande ou dans les documents accompagnant celle-ci. Si tel n’est pas le cas, cette autorité peut rejeter une telle demande. Ce rejet ne remet d’ailleurs pas en cause la validité du CSE en tant que tel.

A noter :

Pour David Lambert, coauteur du Mémento Successions Libéralités et du Mémento Droit de la famille, cet arrêt retient une solution assez logique, et déjà évoquée par la doctrine : à savoir, que le CSE peut servir aux fins de la publicité foncière, à condition de contenir l’ensemble des informations requises pour celle-ci. S’il ne les contient pas, peut-il être « complété » par d’autres documents, comme le soutient une doctrine éminente (Rép. Droit international Dalloz, v. « Règlement n° 650/2012 sur les successions » par P. Lagarde, n° 255 ; également en ce sens, semble-t-il, Circ. JUSC1601018C du 25-1-2016 : BO min. just. 2016-02 du 29-2-2016) ? L’arrêt ne paraît pas l’exclure mais semble renvoyer sur ce point au droit national.

Cet arrêt confirme-t-il par ailleurs la conformité de l’article 710-1 du Code civil français au règlement Successions, contrairement à ce qu’avait soutenu le même auteur (P. Lagarde, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions : Rev. crit. DIP 2012 p. 691) ? Le renvoi au droit national pour les conditions d’inscription dans un registre foncier paraît aller en ce sens, mais les conditions évoquées dans l’arrêt commenté sont des conditions de fond, relatives à l’identification de l’immeuble. À supposer qu’un CSE contienne l’ensemble des éléments requis pour la publicité foncière, pourrait-on le refuser au motif qu’il ne résulte pas, en la forme, d'un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d'une décision juridictionnelle ou d'un acte authentique émanant d'une autorité administrative ? Ce serait notamment le cas d’un CSE établi par un notaire d’un autre pays de l’UE. Cela paraît à la fois contraire à la liberté qu’a chaque État membre de désigner l’autorité compétente pour établir un CSE et à l’effet utile du règlement conformément à l’article 69, § 5, dès lors que les exigences de fond prévues pour la publicité foncière sont satisfaites. Il faudra probablement poser directement la question à la CJUE.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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