L'associé majoritaire d'une société de logistique décide de céder sa participation dans le capital de celle-ci. La filiale d'un groupe de transport se déclare intéressée et engage des pourparlers avec l'associé. Neuf mois après, alors qu'un projet d'acte de cession a été établi, l'associé adresse à la filiale un mail par lequel il fait état de son « accord sur la rédaction du protocole d'accord » et demande l'envoi de certains documents, dont la liste des clients du groupe, « pour lesquels le chiffre d'affaires réalisé par la société devra être exclu » du calcul du prix de cession (plus précisément d'un complément de prix). « En résumé », conclut le mail, « nous sommes d'accord sur tout ». Trois semaines plus tard, après la visite d'un représentant de la filiale sur le site de la société, l'associé décide de ne plus donner suite à la cession ; estimant être parvenue à un accord sur la cession avec l'associé, la filiale lui demande des dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers.
La cour d'appel de Paris rejette cette demande. En effet, il résultait du mail que l'associé n'avait donné qu'un accord de principe, sous réserve que soient communiqués des éléments déterminants dans la mesure où ils étaient nécessaires à la fixation du complément de prix, la filiale s'étant engagée à payer, outre un prix de base de 1,7 millions d'euros, un complément de prix de 300 000 € conditionné par la constatation d'un certain niveau de chiffre d'affaires ne tenant pas compte de la facturation aux clients du groupe.
Or, la liste des clients n'avait été communiquée qu'après la décision de l'associé de ne plus donner suite à la cession. Au moment de cette décision, le sort du complément de prix, loin d'être négligeable par rapport au prix de cession total, était donc en suspens et les parties étaient toujours en phase de négociation, aucun accord « sur tout » n'étant intervenu. La responsabilité de la rupture des pourparlers ne pouvait pas être imputée à l'associé, dont il n'est pas démontré qu'il aurait été négligent, tardif ou brutal dans sa décision d'y mettre fin.
A noter : La rupture de pourparlers est fautive lorsqu'elle intervient brutalement alors que les pourparlers sont à un stade avancé et que l'autre partenaire peut légitimement croire à l'issue favorable des négociations.
En l'espèce, la filiale faisait valoir en vain que les négociations étaient si avancées qu'elles avaient abouti à un accord. Un tel argument a aussi été écarté dans un cas où le cédant avait adressé au candidat acquéreur un projet de promesse de vente et d'achat mentionnant un certain prix et où, en retour, celui-ci avait manifesté dans une lettre son intention d'acquérir l'ensemble des actions sous certaines conditions : la responsabilité du candidat acquéreur pour rupture de pourparlers n'a pas été retenue, car, d'une part, le projet de promesse, non signé par les parties, n'était pas un engagement valant promesse de vente à un prix ferme et définitif et, d'autre part, il n'était pas démontré que le cédant aurait par la suite été entretenu dans l'illusion de la réalisation de la cession sur les bases qu'il proposait et reprises dans la lettre de l'acquéreur, laquelle subordonnait son acceptation à certaines conditions ayant nourri les discussions sur le prix de cession (Cass. com. 3-12-2002 n° 99-14.210 F-D : Mémento Cession de parts et actions n° 11590).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 16312